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La politique de lutte contre l’habitat indigne ou dégradé : Un tigre de papier ? Par Marc Lecacheux, Avocat.
Parution : vendredi 15 mai 2020
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Durant cette décennie, les différents Gouvernements ont fait de la lutte contre l’habitat indigne ou dégradé une des priorité des politiques publiques du logement et de l’habitat.
En effet, selon des données statistique, la crise du logement est flagrante avec en 2012, 1.2 millions de ménages en attente de logement social (PLAI) et plus de trois millions de mal logés.
C’est la raison pour laquelle on observe, dans notre droit positif, un empilement de textes normatif et règlementaire démontrant ce mouvement pavlovien du législateur consistant à l’occasion d’évènements dramatiques médiatisés (ex :accidents d’ascenseurs) à créer de la norme.

Ce constat est d’ailleurs confirmé par le Député Guillaume Villetet dans le rapport d’octobre 2019 : promouvoir l’habitabilité durable pour tous :
« (....) Notre dispositif de lutte contre le logement indigne est semblable à des poupées russes qui ne s’imbriqueraient pas. Il s’agit davantage là d’une sédimentation de dispositions et de dispositifs que d’un corpus cohérent (…) »

En effet, les dramatiques évènements récents survenus dans les villes Marseille et de Charleville Mézières (effondrements d’immeubles insalubres) nous rappel non seulement cette cruelle réalité "du mal logement" en France mais aussi et surtout la complexité des dispositions de lutte contre l’habitat indigne.

C’est dans ce contexte, qu’il conviendra d’étudier d’emblée la problématique du droit de propriété comme une colonne de granit cachant la délinquance économique (I) pour mettre en exergue les politiques de luttes contre les logements insalubres comme normes foisonnantes face une volonté politique à géométrie variable (II) ce qui est souvent le cas lorsqu’on aborde le cas des copropriétés en difficultés et dégradés (III).

I) Le droit de propriété : une colonne de granit masquant la délinquance économique :

Le droit de propriété est un des fondements inébranlables de notre droit positif car c’est un pilier de l’édifice construit par la bourgeoisie révolutionnaire de 1789 (Liberté, égalité, Propriété) qui l’a tout d’abord intégré dans la déclaration des droits et du citoyen d’aout 1789 [1] pour le consacrer ensuite comme la clé de voute du code Napoléonien de 1804.
Par la suite, le droit de propriété a consacré comme une liberté fondamentale non seulement par le Conseil constitutionnel (DC 1986 lois de privatisations) mais aussi par la plus haute juridiction administrative qui a non seulement justifié la possibilité d’utiliser la procédure de référé-liberté [2] mais l’a consacré expressément dans un arrêt récent :

"Considérant que, sous réserve que la condition d’urgence soit remplie, il appartient au juge administratif des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre à l’administration de faire cesser une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété, lequel a le caractère d’une liberté fondamentale, quand bien même cette atteinte aurait le caractère d’une voie de fait. (...)" [3].
Et enfin par le juge civil, gardien des libertés individuelles [4] en tant que juge de l’expropriation.
C’est donc un monument de notre système normatif que l’on ne peut attaquer impunément sans porter atteinte à la sécurité juridique et matérielle des citoyens- acquéreurs.
Cependant, il s’agit de ne jamais perdre de vu que ce sacro-saint droit de propriété ne saurait devenir un paravent à une délinquance astucieuse qui exploite la misère humaine en faisant fi des normes d’hygiène et de sécurité.
Cette problématique des « marchands de sommeil » fait régulièrement les gros titres de la presse locale ou Nationale à l’occasion d’incendies spectaculaires d’Hôtels affaire immeuble paris-opéra) ou d’effondrement d’immeubles insalubres.
Souvent les élus locaux et les associations buttent contre des propriétaires utilisant la législation à des fins dilatoires.
Pourtant, force est de constater notre arsenal répressif est fourni.
En effet, le code pénal réprime sévèrement le fait pour un propriétaire de louer des biens contraires à la dignité humaines [5] c’est à dire la :
« Soumission d’une personne dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont connus de l’auteur des faits, à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine (…) ».
Par ailleurs l’article 223-1 incrimine la mise en danger de la vie d’autrui. :
"quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende."
Ce qui semble manqué ce sont des magistrats spécialisés au sein des parquets pour traiter rapidement c’est-à-dire dans un temps procédural raisonnable ce type d’affaires.

II) Les différentes politiques de lutte contre le mal logement : des normes face une volonté politique à géométrie variable :

Dans son rapport d’octobre 2019, Monsieur le Député souhaite une police unique de l’habilité tout en maintenant le Maire comme unique acteur de cette politique tout en simplifiant les procédures qui seraient au nombre de trois dans le CCH.

En effet, il existe en France une législation foisonnante et complexe sur ce sujet.

II-1) Un foisonnement de textes législatifs et règlementaires :

D’emblée, il convient de dire que le cheminement intellectuel des élites politiques et administratives a été long pour que se mette en place une véritable règlementation sanitaire sur les logements dégradés et insalubres.
En effet, Il faut historiquement se replacer dans le cadre de la seconde Révolution industrielle (XIX eme siècle).

C’est Victor Hugo qui a, le premier dans célèbre poème, dénoncé les logements misérables du peuple face à une bourgeoisie indifférente et prédatrice :
"caves de Lilles tes plafonds de pierre ......" (joyeuse vie- Les châtiments).
A ce titre, n’oublions pas que c’est le siècle où émerge le capitalisme moderne accompagné d’ une exode rurale massive et donc de la création d’un prolétariat ouvrier
entassé dans des villes et souvent dans des logements insalubres ou "d’ilots insalubres" vecteurs épidémies souvent meurtrières.

Ainsi, l’Europe a subies au XIX eme siècle six épidémies de Choléra.
La France a été victime de deux épisodes épidémiques majeurs, celui de 1832 qui fera plus de 10 000 morts dont le Président Casimir Perrier et celui de 1849 qui va hâter la promulgation de la Loi du 13 avril 1850 sur les logements insalubres.
Cette Loi est très clairement marquée par le mouvement hygiéniste de cette époque.
Elle mettait en place des mesures vigoureuses contre les propriétaires de logements insalubres (les fameux marchands de sommeil).

Malheureusement, elle n’a eu finalement que peu d’effets pratiques car buttant contre la bourgeoise propriétaire comme le rappel utilement D. Tabuteau dans son ouvrage « La Démocratie Sanitaire » (P 50 et 51).

Mais peu à peu a commencé à se mettre en place une véritable prise de conscience de l’hygiène publique et c’est la Loi de 1902 sur l’hygiène publique qui a obligé les Maires à édicter des règlements sanitaires et en mettant en place des commissions sanitaires.
Aujourd’hui, Il convient de reconnaitre que les normes Européennes font du droit au logement un standard Européen.

En effet, la Charte Européenne des Droits Fondamentaux révisée en 1996, signée par la France en vertu de Loi 99-174 du 10 mars 1999, énonce dans son article 31 :
« En vue d’assurer l’exercice effectif du droit au logement, les parties s’engagent à prendre des mesures destinées : à favoriser l’accès d’un niveau suffisant à prévenir et à réduire l’état de sans- abri en vue de son élimination progressive – à rendre le coût du logement accessible aux personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes ».

Ainsi les états signataires doivent mettre à disposition des logement dignes et respectant les normes et de sécurité minimales (niveau suffisant) et ceci à un coût acceptable.
De même, l’article 34 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose que :
« Afin de lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté, l’Union reconnait et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement destinées à assurer une existence digne à tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, selon les modalités établies par le droit communautaires et les législations et pratiques nationales ».

Pour ce qui concerne la Convention Européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentale (CEDH), le texte ne mentionne pas formellement le droit au logement mais c’est la Cour qui l’a fait au travers de différents article de cette Convention.

Ainsi, la Cour Européenne des Droits l’Homme et de sauvegarde des liberté fondamentales (CESDH) rappelle utilement aux pays membres du Conseil de l’Europe leurs obligations en matière de logement et ceci au travers de divers articles [6] ainsi que par l’article 1 du protocole n°1 [7].

Il est intéressant de souligner que dans cet arrêt, la cour a précisé que l’Etat peut porter atteinte au droit de propriété pour préserver l’intérêt général :
« (…) 45. Le second alinéa laisse aux États le droit d’adopter les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général.
Pareilles lois sont particulièrement indiquées et fréquentes dans le domaine du logement, qui occupe une place centrale dans les politiques sociales et économiques de nos sociétés modernes.

Dans la mise en œuvre de telles politiques, le législateur doit jouir d’une grande latitude pour se prononcer tant sur l’existence d’un problème d’intérêt public appelant une réglementation que sur le choix des modalités d’application de cette dernière. La Cour respecte la manière dont il conçoit les impératifs de l’intérêt général, sauf si son jugement se révèle manifestement dépourvu de base raisonnable [8]. » CEDH, Cour (Plénière), 19 déc. 1989, n° 10522/83 et autres.
Pour parachever cet édifice législatif Européen, le Traité de Lisbonne a intégré la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans le droit de l’Union Européenne (UE).
Dans le cadre de notre législation Nationale, elle est riche de textes réaffirmant que chacun a droit à un logement décent et indépendant et qu’il s’agit de surcroit d’un droit fondamental.
Reprenons chronologiquement les textes Français les plus caractéristiques qui abordent directement ou indirectement ce droit au logement :

- Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 loi « Mermaz » tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modifications de la loi n°86-1290du 23 décembre 1986.
- La Loi 90-449 du 31 mai 1990 sur le droit au logement de 1990 (Loi Besson1).
- Loi 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation et de lutte contre les exclusions.
- La Loi SRU de 2000 dite Solidarité et Renouvellement Urbain.
- L’Ordonnance de 2005 relative à la lutte conte l’habitat insalubre.
- Loi dite ENL du 13 juillet 2006.

Mais le texte le plus marquant de cette décennie c’est bel et bien la Loi 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (DALO) qui dispose que :
« Le droit à logement décent et indépendant est garanti par l’Etat à toute personne qui résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définie par décret en conseil d’Etat, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir. »
Cette même loi qui a mis en place un dispositif administratif et procédural spécifique permettant d’assurer un relogement des demandeurs considérés comme prioritaires et urgents par une commission administrative ad’hoc.

La loi Molle du 27 mars 2009 qui fait la différence entre le logement indigne et indécent.
Cette distinction terminologique est fondamentale, car l’habitat indigne implique nécessairement l’intervention de la puissance publique et une obligation du bailleur de reloger les occupants dans le cas de l’établissement par les services de l’Etat d’une insalubrité ou d’un arrêté de péril.
Alors que l’indécence reste dans la sphère contractuelle c’est-à-dire entre le bailleur et le locataire.
Néanmoins, comme le précise l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 modifié par la Loi SRU le bailleur a l’obligation personnelle d’assurer la santé et la sécurité du locataire conformément à son obligation de délivrance.
A ce titre, la notion de logement décent a été précisé par le Décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 [9].
A défaut, si le logement n’est pas décent, le locataire ou les organismes sociaux peuvent demander, la mise en conformité du logement [10].
Enfin, La Loi Alur du 24 mars 2014 [11] réactive un dispositif intéressant destiné à lutter contre les marchands de sommeil : l’interdiction de remettre en location certains logement sans autorisations administratives préalables si ce logement est situé dans un périmètre "présentant une proportion importante d’habitat dégradé".
En dépit de cet arsenal législatif et règlementaire , force est de constater que l’habitat indigne persiste comme le note le rapport précité :
"L’insuffisante convergence des politiques (et des acteurs) de la santé, du logement, de l’urbanisme et du Patrimoine (voire de l’aménagement du territoire) peuvent en partie expliquer la résistance de l’habitat indigne et son Pouvoir de renaître de ses cendres."

II-2) La question de l’insalubrité et le concours de Polices administratives :

Pour compliquer notre propos, la gestion de l’insalubrité des logements est régie par les Articles L. 1331-22 à L. 1331-30 du code de la santé publique puisqu’il s’agit de protéger les habitants des risques d’atteinte à leur santé.
D’emblée, rappelons que c’est une compétence de l’État, puisque c’est le Préfet qui déclare l’insalubrité et prescrivant les mesures nécessaires à sa résorption.
L’insalubrité pouvant être qualifiée de remédiable ou d’ irrémédiable.
Dans ce cas le Préfet peut ordonner des travaux d’interdiction d’accès et d’évacuation des habitants et donc déclarer l’immeuble insalubre à titre irrémédiable.
Les mêmes mesures peuvent être décidées à tout moment par le Maire au nom de l’État.
Pour sa part le Maire peut intervenir en appui du Préfet tout d’abord par l’examen des dossiers d’insalubrité en partenariat avec un service communal d’hygiène et de santé mentionné [12].
Ensuite lorsque l’arrêté d’insalubrité est finalement pris par le Préfet et si le propriétaire n’a pas effectué les travaux prescrits par l’arrêté d’insalubrité remédiable, le maire agissant au nom de l’État peut les faire réaliser d’office en avançant les frais.
Ainsi, comme on le constate, il s’agit d’une articulation entre deux entités distinctes (Préfet et Maire) possédant des compétences propres.

II-3) La mise en oeuvre par le Maire des arrêtés de péril :

Selon le Code Général des Collectivités Territoriales [13], le Maire veille au maintien de l’ordre, de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publics sur le territoire de la commune c’est un pouvoir de police Générale.
Dans le même temps, il possède un pouvoir de police spécial : La police des immeubles menaçant ruine qui trouve son fondement notamment dans l’article L.2213-24 du CGCT c’est à dire les articles 511-1 et L511-4 CCH.
Le Conseil d’Etat a confirmé et interprété cette distinction par "la cause du danger" auquel le Maire devait faire face.
Toutefois, ce n’est que par exception qu’il pouvait faire usage de ses pouvoir de police général pour ordonner la destruction immédiate d’un bâtiment menaçant de ruine :
« (.......) que toutefois, en présence d’une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le maire peut, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l’exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées (…) » ; [14].
La procédure de péril est donc fondée sur la notion de sécurité publique et de danger encouru par les personnes, le public ou les occupants, compte tenu des défauts de solidité des éléments bâtis, y compris les éléments intérieurs aux bâtiments.
Dès lors, en fonction de l’état de l’immeuble et des désordres constatés, la nature de la procédure varie selon qu’il s’agit d’un péril ordinaire ou d’un péril imminent :

1) La procédure de péril ordinaire s’applique notamment lorsque l’immeuble est
susceptible, par son effondrement, de compromettre la sécurité des occupants et/ou des passants.

2) La procédure de péril imminent est engagée, quant à elle, lorsque l’immeuble présente une menace réelle et actuelle pour la sécurité des occupants et/ou des passants.
Dans la première hypothèse, l’article L. 511-3 du Code de la Construction et de l’habitation (CCH) prévoit qu’en cas de péril imminent, le Maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d’un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l’état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l’imminence du péril s’il la constate.

Les dispositions de l’article L 129-3 du code de la construction et de l’habitation visent à assurer la sécurité des immeubles collectifs d’habitation.

Le maire doit informer les propriétaires et titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux tels qu’ils figurent au fichier immobilier de la conservation des hypothèques. L’arrêté de péril contre un immeuble dont la réparation est envisagée se trouvant en copropriété ou en mitoyenneté doit mettre en cause tous les copropriétaires et propriétaires mitoyens [15].

Si le rapport de l’expert conclut à l’existence d’un péril grave et imminent, le maire ordonne, par voie d’arrêté, les mesures provisoires indispensables pour écarter le péril dans le délai qu’il fixe.
Il peut ordonner l’évacuation de l’immeuble et l’interdiction d’habiter le cas échéant. Dans le cas où ces mesures n’auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d’office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais.
Il y a lieu de préciser que lorsque le Maire agit sur le fondement de l’article L. 511-3 du code de la construction et de l’habitation afin de faire cesser un péril imminent, il doit se borner à prescrire les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité.
En effet, en présence d’une situation d’une extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent qui exige la mise en œuvre immédiate d’une mesure de démolition, le maire ne peut l’ordonner que sur le fondement des pouvoirs de police générale qu’il tient des dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales [16].
L’article IV de l’article L 511-1 et suivant du code de la construction et l’habitation dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux dispose que lorsque l’arrêté de péril ordinaire n’a pas été exécuté dans les délais fixé, le maire peut sollicité par la voie de référé le juge judiciaire pour l’autoriser à procéder d’office à la démolition [17].
Néanmoins, en cas d’extrême urgence et donc de péril imminent, le Maire peut faire usage de ses pouvoirs de police générale en application des articles L 2212-2 et L 2212-4 du CGCT.
Dans le même temps et conformément à l’article L 521-1 du code de la construction et de l’habitation précise que le propriétaire est tenu d’assurer le relogement des occupants c’est à dire leur assurer un hébergement décent correspondant à ses besoins [18].
Qu’en outre, les loyers cessent d’être dus [19] et il ne peut y avoir une résiliation de plein droit des baux et contrats d’occupation ou d’hébergement.
Retenons à ce stade, qu’en vertu du code, un bâtiment peut à la fois faire l’objet d’une déclaration d’insalubrité et d’un arrêté de péril.
Pour terminer notre propos, il convient d’évoquer, l’existence en droit civil, d’ un régime de responsabilité exclusif du droit commun de la responsabilité, relatif à l’indemnisation de victimes des bâtiment menaçant de ruine [20] :
« le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction ».
Ce régime instaure un régime de responsabilité pour le propriétaire du bâtiment mais avec des conditions restrictives puisque c’est à la victime de prouver le vice de construction où le défaut d’entretien [21].

III) Le cas des copropriétés en difficultés et dégradés :

En effet, on peut aborder cette problématique de l’habitat indigne ou dégradé sans aborder de front le cas des copropriétés (parc privé) en difficultés voire en très grandes
difficultés qui regroupent des populations déjà en grandes vulnérabilités sociales.
En effet, il s’agit de copropriétés qui ne sont plus entretenues et en faillite et qui sont la terre d’élection des marchands de sommeil.

Ainsi, comme le soulignait utilement la fondation Abbé Pierre, dans son rapport annuel 2016 :
« Accédants à la propriété surendettés, propriétaires captifs d’un bien invendable, locataires de propriétaires indélicats, voire de marchands de sommeil, primo-arrivants devenus copropriétaires dans des immeubles très dégradés : de nombreux ménages sont aujourd’hui en situation de grande fragilité dans des copropriété en difficulté qui se referment parfois comme des pièges sur leurs occupants ».
Bien évidemment, il s’agit d’un sujet politiquement sensible qui avait donné lieu à des mobilisation politique qui avait buté sur un obstacle juridique à savoir :
L’état et les collectivités devaient- ils intervenir pour soutenir le parc privé ? et donc injecter de l’argent public à des acteurs économiques privés ?

Or, comme le souligne certains observateurs (ex : arc) ces copropriétés sont devenues "du parc social de fait" qui légitimerai l’action de l’état et des collectivités locales dans ce domaine.

A titre de rappel, le syndicat des copropriétaires, qui possède de plein droit, la personnalité morale a comme fonction principale : la conservation de l’immeuble et l’administration des parties communes [22].

En outre, l’article 14 de cette même Loi pose la responsabilité du syndicat non seulement vis à vis des copropriétaires mais aussi des tiers car il a une obligation d’entretien des parties communes car le syndicat a pour objet la conservation des parties communes.

Néanmoins, une procédure préventive issue de la Loi 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion a été mise en place aux copropriétés en difficulté.

Par ailleurs, l’article 29-1A et suivi de la Loi du 10 juillet 1965 [23] prévoit lorsque le syndicat des copropriétaires compromet gravement l’équilibre financier ou qu’il est dans l’impossibilité de pourvoir à la conservation de l’immeuble, le Président du Tribunal judiciaire peut désigner nommer un mandataire ad’hoc devant dresser dans les trois mois un rapport faisant l’analyse financière et l’état des immeubles et faire des préconisations :
« Lorsqu’il constate d’importantes difficultés financières ou de gestion, il saisit le président du tribunal judiciaire aux fins de désignation d’un administrateur provisoire en application de l’article 29-1 »

En conclusion, ce rapide panorama des dispositions juridiques existantes démontre qu’en matière d’habitat indigne ou dégradé c’est souvent l’engagement politique (national ou local) qui manque pour appliquer efficacement une législation destinée, avant tout, à protéger les citoyens les plus vulnérables.

Maître marclecacheux Avocat à la cour [->marclecacheux.avocat@yahoo.fr]

[1Article 17

[2CE ref 23 mars 2001 Société LIDL n°231559,CE 29 mars 2002 SCI stephaur n°243338

[3CE ref 23 janvier 2013 Commune de Cherongui n°365262

[4article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958

[5article 225-14 et 225-19 du code pénal pour les personnes physiques et 225-15 et 225-16 pour les personnes morales

[6Article 8 : CESDH Bagdonavicius/Russie n°19841/06

[7CEDH Mellacher/Autriche 19 décembre 1989

[8arrêt James et autres du 21 février 1986, série A no 98, p. 32, § 46

[9voir R 111-1 du Code de la construction et de l’habitation

[10article 20-1 du 6 juillet 1989

[11article 92

[12de l’article L. 1422-1 du code de la santé publique

[13L 2212-2

[14Conseil d’état 10 octobre 2005 n°259205, Commune de Badinières

[15CE 10 oct. 2012, M. Houziaux, req. N° 333448

[16CE 6 nov.2013, req. N° 394295

[17Tribunal des conflits 6 juillet 2009 Commune de Saint-Christaud/Gonnnet n°3702

[18article L 521-3-1 du CCH

[19L 521-2 CCH

[20article 1244 du code civil ancien article 1386

[21ex : Cass civ II, 29 aout 2019 n°17-31 333

[22article 26B de la loi du 10 juillet 1965

[23modifié par la Loi n°2017-86 du 27 janvier 2017

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