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Comment obtenir le paiement de ma prime d’objectifs en 2020. Par Judith Bouhana, Avocat.
Parution : mercredi 20 mai 2020
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En ces temps de pandémie, il est d’autant plus crucial d’obtenir le paiement de sa prime variable tant sur l’exercice passé que celui à venir.
Que retenir des plus récentes décisions rendues sur les primes variables en 2019/2020 ?

I. L’interdiction de la prime potestative.

La prime potestative est celle dont les conditions de fixation reposent sur des éléments dépendant de la seule volonté de l’employeur.

En savoir plus : Salariés, obtenez votre prime d’objectif en 2019. Par Judith Bouhana, Avocat.

Deux arrêts récents confirment l’opposition des Juges aux primes potestatives :

Cour de Cassation arrêt du 9 mai 2019 (n°17-27448)

Un salarié expert estimateur reprochait à son employeur une prime variable potestative. Il est débouté par la Cour d’Appel qui considère que l’employeur peut répartir les missions données au salarié selon « l’ampleur des tâches et le caractère lucratif variable de chaque dossier » dans le cadre de son pouvoir de gestion.

La Cour de Cassation casse l’arrêt d’appel au motif que la Cour d’Appel «  constatait que les honoraires servant de base de calcul à la rémunération variable étaient ceux qui étaient retenus par la direction générale à laquelle était rattaché le salarié pour l’établissement du compte d’exploitation, ce dont il résultait que la variation de la rémunération dépendait de la seule volonté de l’employeur ».

Cour de Cassation arrêt du 6 février 201 (n°17-26562)

Et il en est de même dans cet arrêt dans lequel un Ingénieur Commercial grands comptes avait refusé de signer son plan de rémunération des ventes 2014/2015. La Cour d’appel avait condamné l’employeur aux motifs que la rémunération variable dépendait d’un plan « dont les conditions sont adaptées à la stratégie et aux objectifs de l’entreprise ».

La Cour de Cassation valide l’arrêt de la Cour d’Appel qui a « retenu que le PRV 2014/2015 entraînait une modification de la part variable de la rémunération du salarié, en fonction de critères nouveaux qui ne reposaient pas sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur et que ce dernier avait mis en place puis maintenu ce dispositif en dépit du refus exprès du salarié ».

Retenons que le salarié qui n’aura pas osé contester une prime potestative durant son embauche pourra ultérieurement contester le caractère potestatif de son objectif devant les Juges (attention au délai pour agir de trois ans en matière salariale).

En d’autres termes, dans cet arrêt ce n’est pas le seul refus express du salarié de son PRV 2014/2015 qui a entrainé la condamnation de l’employeur au règlement de sa prime d’objectifs mais bien le caractère potestatif des conditions fixées par l’employeur.

II. Le pouvoir des juges de fixer la prime d’objectif.

Les Juges du fond ont le pouvoir d’apprécier le montant de la prime d’objectifs due au salarié lorsque l’employeur n’a pas porté à la connaissance du salarié en début d’exercice les conditions de fixation de la prime variable, lorsque la prime est irréalisable, lorsque la prime est potestative, etc

En savoir plus : https://www.village-justice.com/art...

C’est ce pouvoir des juges du fond que la Cour de Cassation Chambre Sociale du 6 novembre 2019 (n°18-18301) confirme à l’égard d’un employeur condamné à un rappel de bonus calculé par les Juges qui avait fait selon l’employeur un calcul erroné.

La Cour de Cassation le déboute en considérant « qu’interprétant l’avenant au contrat de travail relatif à la rémunération variable, la cour d’appel a relevé que le montant du bonus auquel avait droit le salarié était déterminé en prenant en compte des charges supportées par la société qui n’étaient pas énumérées de manière exhaustive et estimé que les modalités de calcul des éléments venant en déduction de ce bonus étaient imprécises et invérifiables ;
…elle en a exactement déduit, par une décision motivée, que le salarié était fondé à obtenir le paiement du bonus contractuellement prévu dans la limite du plafond de commissionnement et fixé les sommes dues à ce titre à l’intéressé selon le mode de calcul qui lui est apparu le meilleur
 ».

Notons ici le pouvoir des Juges du fond mis en exergue par la Cour de Cassation : « selon le mode de calcul qui lui est apparu le meilleur ».

Le pouvoir d’appréciation des juges du fond n’est pas sans limites, ils doivent suivre une méthodologie : 1/ fixer la prime selon les critères visés au contrat de travail 2/ selon les accords conclus les années précédentes, 3/ A défaut, selon les données de la cause c’est à dire tous les éléments contractuels et factuels permettant au juge de statuer.

En savoir plus : Salariés, obtenez le paiement de votre prime d’objectif 2019. Par Judith Bouhana, Avocat.

Ce que confirme la Cour de Cassation dans un arrêt du 15 mai 2019, Chambre Sociale (n°17-20615) dans lequel les Juges du fond n’avaient justement pas appliqué cette méthodologie et avaient indemnisé le salarié par « des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation contractuelle prévue et perte de chance du salarié d’améliorer sa rémunération ».

Sans doute avec cette évaluation erronée le salarié avait obtenu une somme inférieure à celle qui aurait dû être calculée sur la base des conditions de fixation de sa prime d’objectifs des années précédentes, il avait donc formé un pourvoi et obtenu gain de cause :

« …En l’absence de fixation des objectifs, il appartenait (à la Cour) de fixer le montant de la rémunération variable pour l’exercice 2011 en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes, et, à défaut, des données de la cause, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (il s’agissait des articles L1221-1 du Code du travail sur l’application aux partie des clauses du contrat de travail qu’ils ont signé et de l’ancien article 1134 du Code civil sur la bonne foi contractuelle).

Respectant la méthode requise, dans cet arrêt du 2 octobre 2019, la chambre Sociale de la cour de cassation (n°18-11943) valide cette fois le calcul fait par la Cour d’Appel en se référant à l’accord conclu l’année précédente de la prime d’objectifs que le salarié avait refusé de signer pour 2012/2013.

Lorsque vous réclamez le paiement de votre bonus conservez l’ensemble des pièces contractuelles (contrats, avenants) et les échanges (entretiens annuels, courriels, courriers sms etc…) que vous avez eu avec votre employeur sur votre rémunération.

III. La période d’arrêt maladie liée au harcèlement moral du salarié donne droit au rappel de bonus (Cass. Soc. 11 décembre 2019 n°18-10649).

Il est rassurant de savoir qu’en cas d’arrêt maladie en lien avec un harcèlement moral subi dans l’entreprise, vous pourrez percevoir votre prime d’objectifs sur la totalité de l’exercice incluant vos périodes d’arrêt maladie.

C’est qui a été jugé à l’égard d’un Cadre en arrêt maladie pour harcèlement moral pour lequel l’employeur considérait que les objectifs fixés s’acquéraient au fur et à mesure de son activité et étaient donc suspendus durant les périodes d’arrêts maladies du salarié quel qu’en soient l’origine.

La Cour de Cassation protectrice du salarié harcelé n’est pas de cet avis et considère « que la dégradation de la santé du salarié et ses arrêts maladie étaient en lien avec le harcèlement moral subi, la cour d’appel en a déduit à bon droit que les rappels de salaire au titre de la part variable de la rémunération étaient dus, y compris pour les périodes d’arrêt-maladie ».

La jurisprudence de l’année 2019 réitère et confirme bien heureusement la protection des droits du salarié à sa rémunération variable.

Judith Bouhana Avocat spécialiste en droit du travail www.bouhana-avocats.com
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