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La maladie professionnelle, au cœur de l’actualité. Par Anne-Sophie Demilly, Avocat.
Parution : lundi 25 mai 2020
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Si un salarié déclare une maladie consécutive à l’exposition à un risque liée à son activité professionnelle, il peut en solliciter la reconnaissance au titre de « maladie professionnelle ».
Dans le contexte sanitaire actuel, doit-on s’attendre à une recrudescence des demandes de reconnaissance de maladies professionnelles au titre du Covid-19 ?

- La procédure de reconnaissance.

Le salarié, souffrant d’une pathologie qu’il présume avoir contracté à l’occasion du travail peut engager, seul, auprès de la Caisse d’Assurance Maladie, une demande de reconnaissance professionnelle de la maladie.

La déclaration s’effectue via un formulaire accompagné d’un certificat médical dit « initial » établi par un médecin et constatant la pathologie.

- L’instruction de la demande par la caisse.

S’en suit une procédure d’instruction menée par la Caisse qui tient obligatoirement informé l’employeur des différentes étapes de la procédure.

Cette instruction peut prendre deux formes :

Si la maladie déclarée fait partie d’un tableau de maladies professionnelles, la Caisse s’oriente vers une « reconnaissance directe » : le législateur a en effet établi une nomenclature connu sous le vocable de « tableaux des maladies professionnelles ».

Si la maladie déclarée est susceptible d’entrer dans ce cadre, la Caisse vérifie alors que les conditions posées par lesdits tableaux sont remplies avant de la reconnaître « maladie professionnelle ».

Ces conditions sont liées à :
- L’exposition au risque ;
- Le travail effectué par la victime ;
- Le délai de prise en charge de la maladie ;
- Le délai de prescription.

Si la maladie déclarée est dite « hors tableau », la Caisse s’oriente vers une « reconnaissance sur expertise individuelle » :

En effet, une maladie non désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut également être reconnue d’origine professionnelle mais, dans ce cas, deux conditions cumulatives suivantes doivent être réunies :
- Une maladie essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime ;
- Une maladie qui a entraîné soit le décès du salarié, soit son incapacité permanente à travailler d’au moins 25%.

Le dossier de la victime est alors transmis à un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) qui mène une instruction et rend un « avis » motivé sur l’imputabilité professionnelle de la maladie.

Cet avis s’impose à la Caisse dans le cadre de sa décision de prise en charge.

- La décision prise par la caisse.

Au terme de cette instruction, la Caisse rend donc une décision de reconnaissance ou non de la maladie professionnelle.

Cette décision est notifiée au salarié et à l’employeur.

- Les conséquences de la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle.

Si la Caisse conclut à l’existence d’une maladie professionnelle, cette décision impacte nécessairement la situation de l’employeur, les dépenses afférentes à l’indemnisation de la victime (indemnisée par la Caisse) étant imputées sur le compte « accidents du travail et maladies professionnelles » de l’entreprise : le montant de la cotisation de l’employeur en est ainsi directement affecté.

- Les recours de l’employeur.

Il est néanmoins possible, pour l’employeur, de contester une décision de reconnaissance de la maladie professionnelle.
Cette procédure se déroule en deux temps :
- Une phase amiable par la saisine de la Commission de Recours Amiable ;
- Une phase contentieuse par la saisine du Pôle social du Tribunal Judiciaire compétent.

- Maladie professionnelle et Covid-19.

Qu’en est-il du Covid-19 ? A l’heure actuelle, il n’apparaît sur aucun « tableau des maladies professionnelles ». Trop récent !

Il n’existe donc - de droit - aucune « présomption professionnelle » en cas d’infection d’un salarié par ledit virus.

En temps de pandémie et puisque le virus circule « partout », la démonstration suivant laquelle la maladie serait la conséquence directe de l’exposition plus ou moins prolongée du travailleur au risque apparaît dès lors hasardeuse et incertaine.

Le débat est toutefois lancé…et il interpelle notamment les personnels de santé et ceux travaillant au fonctionnement indispensable du pays dans les domaines de l’alimentation, des transports ou encore de la sécurité.

Quant à l’intégration du Covid-19 dans les tableaux des maladies professionnelles, le chemin est encore long, lesdits tableaux étant créés et modifiés par décret, après avis du Conseil Supérieur de la Prévention des risques professionnels...

- Maladie professionnelle…et après.

Autre enjeu de la reconnaissance de la maladie professionnelle ? En effet, une telle décision peut constituer le point de départ d’une action du salarié en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Or, les conséquences d’une telle reconnaissance ne sont pas neutres pour l’employeur, notamment sur le plan indemnitaire, raison pour laquelle il faut, dès le stade de la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle, ne négliger aucun recours aux fins de contestation de la décision de la Caisse ou de son inopposabilité à l’employeur.

Anne-Sophie DEMILLY Avocat au Barreau de LILLE