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Guide de constitution d’une société en Chine par un investisseur étranger (la fin des WFOE et des Joint Ventures). Par Nicolas Coster, Avocat.
Parution : lundi 8 juin 2020
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Depuis le 1er janvier 2020 et l’entrée en vigueur de la Loi sur les investissements étrangers, tout investisseur étranger souhaitant constituer une filiale en République Populaire de Chine (hors Hong Kong, Macao et Taïwan) est soumis au régime commun de la Loi sur les sociétés. Il n’est plus possible de constituer des sociétés sous forme de « Wholly Foreign Owned Entreprise » (« WFOE ») ou de « Joint Venture » (« JV »). Les WFOE et JV déjà constituées disposent d’un délai de 5 années pour se mettre en conformité en procédant à un amendement de leurs statuts.

Toute nouvelle société constituée par un ou plusieurs investisseurs étrangers sera une société à responsabilité limitée (« SARL ») chinoise de droit commun dont le cadre juridique et réglementaire sera exposé ci-après. Il est également possible d’opter pour un statut juridique de société anonyme, qui ne sera pas abordé dans le présent guide.

I. Objet social de la SARL chinoise.

La licence d’activité (équivalent chinois du Kbis) de la SARL doit indiquer clairement l’objet social de la société, qui doit être préalablement approuvé par les autorités chinoises. Toute activité commerciale qui ne figure pas dans l’objet social ne peut faire l’objet d’une facturation. Il est donc essentiel de se faire assister par un avocat pour le définir avec précision.

Certaines activités sont interdites aux investisseurs étrangers ou nécessitent de s’associer avec un investisseur chinois et sont listées par le Catalogue des Investissements étrangers de la République Populaire de Chine. La liste de ces activités se réduit cependant d’année en année et l’interdiction est devenue l’exception.

II. Organes de la SARL chinoise.

Selon la Loi sur les sociétés de la République Populaire de Chine, une SARL dispose des organes suivants :

Assemblée des Associés/Associé Unique (股东会gǔ dōng huì / 唯一股东wéi yī gǔ dōng.

- Autorité suprême de la SARL pour toutes les questions importantes ;
- 1 à 50 associés, personne physique et/ou personne morale, de nationalité étrangère et/ou de nationalité chinoise ;
- Responsabilité limitée à hauteur de la contribution de chaque associé dans le capital social de l’entreprise ;
- Réunion une fois par an minimum de manière physique ou à distance sous certaines conditions. 

Pouvoirs principaux (article 38 de la Loi sur les sociétés) :

1) Décider de la politique d’exploitation de la société et de son plan d’investissement ;
2) Nommer et révoquer les membres du Conseil d’Administration et les membres du Conseil de Surveillance et décider de leur rémunération ;
3) Examiner et approuver tout rapport préparé par le Conseil d’Administration ;
4) Examiner et approuver tout rapport préparé par le Conseil de Surveillance ;
5) Approuver les budgets, le rapport annuel, le bilan et le compte de résultat de l’entreprise ;
6) Approuver le plan annuel de répartition des bénéfices et le plan de compensation des pertes le cas échéant ;
7) Décider de l’augmentation ou de la réduction du capital social de la société ;
8) Décider de l’émission d’obligations par la société ;
9) Décider de la fusion, de la scission, de la dissolution, de la liquidation ou de la transformation de la société ;
10) Amender les statuts de la société ;
11) Décider de toute autre question, conformément aux lois et règlements en vigueur et aux statuts.

Conseil d’Administration ou Administrateur Exécutif (董事会dǒng shì huì/执行董事zhí xíng dǒng shì.

- Organe exécutif de la société ;
- 3 administrateurs minimum — 13 maximum/ou un seul Administrateur Exécutif nommés par l’Assemblée des Associés ;
- Citoyen chinois ou citoyen étranger — résident ou non-résident chinois ; pas de personne morale ;
- Mandat de 3 ans maximum, renouvelable sans limites ;
- Possibilité de jetons de présence.

Pouvoirs principaux (article 47 de la Loi sur les sociétés) :

1) Rendre compte de ses travaux à l’Assemblée des Associés ;
2) Exécuter les décisions prises par l’Assemblée des Associés ;
3) Préparer la politique d’exploitation de la société et son plan d’investissement ;
4) Fixer le prix des produits et services de la société ;
5) Préparer les budgets, le rapport annuel, le bilan et le compte de résultat ;
6) Préparer le plan pour l’augmentation ou la réduction du capital social de la société ;
7) Préparer le plan de répartition des bénéfices annuels et le plan de compensation des pertes le cas échéant ;
8) Préparer le plan pour l’émission d’obligations de la société ;
9) Préparer le plan de fusion, scission, dissolution, liquidation ou transformation de la société ;
10) Élaborer la structure de gestion interne de la société ;
11) Nommer ou remplacer le Directeur Général de la société et les autres membres de la Direction Générale, et décider de leur rémunération ;
12) Élaborer les règles internes pour la gestion de la société ;
13) Décider de toute autre question conformément aux statuts ou des instructions de l’Assemblée des Associés.

Directeur Général (总经理zǒng jīng lǐ).

- Organe de gestion au quotidien de la société ;
- Citoyen chinois ou citoyen étranger — résident ou non-résident chinois (il est cependant conseillé qu’il réside en RPC compte tenu de ses responsabilités étendues) ;
- Nommé par le Conseil d’Administration ;
- Mandat de 3 ans, renouvelable sans limites – possibilité de le cumuler avec un contrat de travail local ;
- Possibilité de mettre en place des délégations de pouvoir.

Pouvoirs principaux (article 49 de la Loi sur les sociétés) :

1) Gérer la société et exécuter les décisions du Conseil d’Administration ;
2) Organiser la mise en œuvre des plans opérationnels et des plans d’investissement annuels de la société ;
3) Formuler une structure globale d’organisation et de gestion pour l’examen et l’approbation du Conseil d’Administration ;
4) Formuler le système de gestion de la société ;
5) Rédaction du règlement interne de la société ;
6) Proposer de nommer ou de démettre le Directeur Général Adjoint de la société et la personne en charge des finances ;
7) Décider de l’embauche ou du licenciement des autres cadres dirigeants ;
8) Tout autre pouvoir octroyé par le Conseil d’Administration.

Conseil de Surveillance ou Superviseur(s) (监事会jiān shì huì/监视jiān shì).

- Organe de contrôle du bon respect de l’intérêt social de la société et des autres organes ;
- 1 ou 2 superviseurs — ou un conseil de surveillance de 3 membres minimum ;
- Citoyen chinois ou citoyen étranger — résident ou non-résident chinois ;
- Nommé par l’Assemblée des Associés ;
- Mandat de 3 ans, renouvelable sans limites ;
- Poste incompatible avec un mandat de dirigeant ou d’administrateur de la société ;
- Possibilité de jetons de présence ;
- Pouvoirs d’enquête et d’ester en justice étendus pour le compte et aux frais de la société.

Pouvoirs principaux (article 54 de la Loi sur les sociétés) :

1) Examiner les affaires financières de la société ;
2) Surveiller le Conseil d’Administration et les cadres dirigeants dans leurs fonctions ;
3) Proposer de remplacer le Conseil d’Administration ou tout cadre dirigeant qui a violé la loi, les règlements, les statuts ou des décisions du Conseil d’Administration ;
4) Si le comportement du Conseil d’Administration ou d’un cadre dirigeant est nuisible aux intérêts de la société, pouvoir d’exiger des mesures correctives ;
5) Intenter au nom de la société un procès contre le Conseil d’Administration ou un cadre dirigeant ;
6 )Faire des propositions à l’Assemblée des Associés ;
7) Toute autre fonction et pouvoir prévus par les statuts.

Représentant légal (法定代表人Fǎ dìng dài biǎo rén).

- Rôle général de représentation de la société vis-à-vis des tiers — son nom est indiqué sur la licence d’activité de la société : présomption irréfragable de responsabilité ;
- Pas de fonctions clairement définies par la loi et les règlements ;
- Sa seule signature engage juridiquement la société vis-à-vis des tiers ;
- Seuls le président du Conseil d’Administration ou l’Administrateur Exécutif ou le Directeur Général peuvent assumer ce rôle.

III. Capital social et investissement total de la SARL chinoise.

Capital social :

- Pas de capital social minimum (certaines villes ou zones industrielles peuvent parfois prévoir un capital social minimum) : un capital social calculé sur un business plan à 3 ans est conseillé ;
- Peut-être libéré par chacun des associés sur une très longue période, en une ou plusieurs fois (par exemple sur 40 ans) ;
- Contribution en cash ou en nature (par exemple terrain, bâtiment, droit de propriété intellectuelle ou machines à importer — rapport d’évaluation obligatoire dans ce cas) — les apports en industrie sont interdits tout comme les avances en compte courant d’associés ;
- Possibilité de demander dans le futur une réduction ou une augmentation du capital social auprès des autorités chinoises.

Investissement total :

La notion d’investissement total est un particularisme du droit chinois lié à son système strict de contrôle des changes. C’est un ratio légal calculé sur le montant du capital social selon le tableau ci-après. Contrairement au capital social, l’investissement total ne doit pas être entièrement libéré.

i) Investissement total : ≤ 3 millions USD – capital social au moins 70 % de l’investissement total – prêts en devises étrangères 30 % maximum de l’investissement total.
ii) Investissement total : 3 millions USD-10 millions USD – capital social au moins 50% de l’investissement total - prêts en devises étrangères 50 % maximum de l’investissement total
iii) Investissement total : 10 millions USD-30 millions USD – capital social au moins 40% de l’investissement total - prêts en devises étrangères 60 % maximum de l’investissement total.

La différence entre l’investissement total et le capital social de la société, constitue la capacité d’endettement de la société en devises étrangères.

IV. Fiscalité, comptabilité, comptes bancaires.

Fiscalité.

- Impôt sur les sociétés (« IS ») : taux de droit commun 25 % sur les bénéfices et un taux d’IS réduit de 5 à 15 % pour les entreprises avec moins de 3 millions de RMB de profits annuels pour les sociétés de haute technologie.

- TVA : taux de 3 à 17 % selon les produits et services.
Il convient de faire une distinction entre le régime des petits contribuables (« small tax payer ») et le régime des contribuables généraux (« general tax payer »). Dans le premier cas, la TVA collectée est non récupérable, mais le taux de TVA est bas (par exemple 3 %).
Si le chiffre d’affaires de la société dépasse 5 000 000 RMB par an (environ 650 000 EUR), il est obligatoire de demander le régime des contribuables généraux. En dessous, il est possible d’opter pour l’un ou l’autre.

- Impôt sur le revenu des personnes physiques : entre 3 et 45 % avec un barème progressif, pas de quotient familial.

Obligations comptables.

- Année fiscale : du 1er janvier au 31 décembre sauf pour la première année d’exercice qui commence à la date d’obtention de la licence d’activité de la société ;
- Obligation de respecter les standards comptables chinois (GAAP) assez proche des standards internationaux (IFRS — US GAAP) avec cependant quelques particularismes.

Comptes bancaires et contrôle des changes.

- Compte capital (资本金账户zī běn jīn zhàng hù) : pour recevoir les contributions au capital social de tous les associés ;
- Compte général (基本账户jī běn zhàng hù) : compte courant de la société en RMB ;
- Compte en devises (外汇账户wài huì zhàng hù) : c’est le compte destiné à recevoir et à envoyer les devises étrangères et à les convertir en RMB ;
- Possibilité d’obtenir une carte de débit Unionpay pour les paiements en Chine, pas de carte de crédit société ;
- Possibilité d’avoir un token bancaire pour entrer les opérations sur le compte et un token bancaire pour les approuver ;
- Possibilité d’ouvrir un compte Alipay société pour recevoir les paiements Alipay.

Attention :
- Il existe un système de contrôle des changes strict en République Populaire de Chine : toute entrée et sortie en devises étrangères doit être déclarée et documentée ;
- Des quotas de conversion entre le compte capital de la société et le compte général existent auprès de chaque banque. Il n’est donc pas possible de convertir en une seule fois l’inétragrilité du capital social de la société payé en devises en RMB ;
- Il est obligatoire d’avoir au moins une banque chinoise pour le paiement des impôts et des charges sociales des employés.

V. Procédure de constitution d’une SARL chinoise.

- Étape 1 : un contrat de bail devra être signé au préalable par l’associé pour y enregistrer la future société. Attention tous les locaux ne peuvent enregistrer une société légalement. Il faut bien vérifier le certificat de propriété des locaux avant de signer le contrat de bail et prévoir une clause de dédit du bail en cas de non-enregistrement de la société ;
- Étape 2 : l’approbation de la dénomination sociale de la future société par l’Administration de Supervision du Marché (« ASM ») — seule une dénomination en caractères chinois est légale en Chine. La dénomination en anglais est libre ;
- Étape 3 : l’émission de la licence d’activité par l’ASM.

Délai moyen pour une société hors activité de production : 1 à 2 mois pour les grandes villes (Shanghai, Beijing, Shenzhen, Suzhou, etc.) — peut être plus long pour les petites villes.
Pour les sociétés de production, une étude d’impact environnemental devra être au préalable effectuée. Le délai moyen de la procédure est dans ce cas de 4 à 6 mois.

VI. Tampons de société.

Le tampon équivaut à une signature en droit chinois. Il existe des tampons obligatoires et des tampons optionnels pour une SARL chinoise :
- Tampons obligatoires : tampon société, tampon financier, tampon représentant légal, tampon facture (发票fā piào) ;
- Tampon optionnel : tampon contrat.

VII. Droit du travail.

- Le capital humain est essentiel pour la réussite d’un investissement étranger en Chine. Ce facteur est bien souvent sous-estimé par les investisseurs étrangers ;
- Le droit chinois du travail est très formaliste et nécessaire un accompagnement juridique complet ;
- Toute société doit disposer d’un règlement intérieur ;
- Un contrat de travail écrit est obligatoire dans les 30 jours du début de la prise de fonction du salarié ;
- Tout étranger souhaitant travailler en République Populaire de Chine, doit obtenir au préalable un permis de travail et un permis de résidence au titre du travail ;
- Certaines villes appliquent parfois des quotas de visas pour les salariés étrangers, en règle générale basés sur le montant du capital social de la société.

VIII. Dissolution anticipée d’une SARL.

- Une SARL chinoise est dissolue à l’arrivée de son terme défini dans les statuts (par exemple au bout de 40 ans après l’obtention de sa licence d’activité).
- Possibilité d’une dissolution anticipée sur la décision de l’Assemblée des Associés (à ne pas confondre avec la procédure judiciaire pour faillite) ;
- Nécessité de procéder à une liquidation fiscale préalable auprès du bureau des taxes local et national et de payer le cas échéant les arriérés d’impôts.
- Le délai moyen est entre 2 et 6 mois.
- Le boni de liquidation peut être rapatrié sur chacun des associés en proportion de leur participation respective.

Nicolas COSTER - Avocat au barreau de Paris - Arbitre Conseil d'entreprise Lihui JIANG - Juriste