Village de la Justice www.village-justice.com

Nouvelles technologies et législation française (Volet III). Par Maelys Goudin-Nicoli, Juriste.
Parution : mercredi 10 juin 2020
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/nouvelles-technologies-legislation-francaise-volet-iii,35677.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Les différentes qualifications juridiques envisagées précédemment (Volet II), relèvent toutes des failles quand au distingo qui est fait entre podcast audio et vidéo.

Nous avons ainsi constaté, qu’aucune des qualifications juridiques envisagées, ne permettaient de prendre dans son champs d’application l’ensemble des podcasts. Il est ainsi opportun d’exploiter cette distinction, afin de pouvoir rattacher les podcasts à un régime juridique adéquat.

Le podcast est constitué essentiellement de séquences audio et s’est développé en y ajoutant d’autres composantes de type vidéo. Les séquences vidéos peuvent être composées d’images animées, ou d’images fixes. Le CPI, au sein de son chapitre II « Droit des artistes- interprètes », met en place un régime juridique spécifique pour les fixations d’une séquence sonore, appelé phonogramme (1) et d’une séquence d’images sonorisées ou non, appelé vidéogramme (2).

1) Le podcast audio et la qualification de phonogramme.

Le phonogramme est définit comme « une fixation d’une séquence de son ». Le terme fixation, désigne quand à lui l’action de fixer, d’assujettir solidement contre ou à quelque chose. Appliqué à une séquence audio, la fixation consiste à incorporer des sons ou représentations d’eux, dans un support permettant de les écouter. Cette application correspond parfaitement à la définition des podcasts, qui consiste à fixer des séquences de sons sur un support, à l’aide d’un dispositif numérique (un logiciel et un microphone).

L’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, définie quant à elle un phonogramme comme : « la fixation des sons provenant d’une interprétation ou exécution ou d’autres sons, ou d’une représentation de sons autre que sous la forme d’une fixation incorporée dans une œuvre cinématographique ou une autre œuvre audiovisuelle ».

Cette définition précise les contours de la définition donnée par la loi française, et démontre que quelque soient la provenance des sons, ils peuvent composer un phonogramme, si ces derniers ne sont pas incorporés dans une œuvre cinématographique ou audiovisuelle.

Les caractéristiques du podcast audio, répondent ainsi parfaitement à la définition du phonogramme, et permet au podcasting de bénéficier du régime juridique des producteurs de phonogramme. Plus précisément, le producteur de phonogramme est définit comme « la personne, physique ou morale, qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence de son ». A ce titre, le producteur bénéficie de droits voisins aux droits d’auteur ; son initiative et son investissement lui permettant d’obtenir une protection de cinquante ans.

Néanmoins, cette protection n’est que relative. En effet, les droits voisins permettent au producteur de phonogramme de ne bénéficier que de droits patrimoniaux. Le droit d’auteur quant à lui, protège l’auteur et son œuvre grâce à une protection complète, composée de droit patrimoniaux et moraux. Les droits patrimoniaux, en tant que droit d’exploitation de l’œuvre, permettent de protéger l’œuvre elle-même. Les droits moraux quand à eux, sont des droits d’ordre personnel, permettant de protéger la personne de l’auteur. Le producteur de phonogramme ne bénéficie ainsi que d’une protection sur son œuvre.

Ce régime juridique, bien que des plus adéquat, semble cependant soumettre les créateurs de podcasts à une inégalité de protection par rapport aux auteurs. Il semble en effet non justifié que les podcasts ne soient protégés que dans leur dimension patrimoniale. A titre d’exemple, les podcasts audio et la musique numérisée, ont de fortes similitudes et correspondent tout deux en une fixation d’une séquence de son. Néanmoins, la musique est qualifiée d’œuvre de l’esprit, et les podcasts souffrent d’un vide juridique.

Ainsi, bien que les podcasts audio répondent parfaitement à la définition de phonogramme, ce régime juridique ne semble pourtant pas totalement concluant par rapport au statut d’œuvre de l’esprit.

Il convient à présent d’étudier les podcasts vidéo, et leur qualification de vidéogramme.

2) Le podcast vidéo : la qualification de vidéogramme.

Un vidéogramme est définit comme la « fixation d’une séquence d’images sonorisées ou non ». D’une part, cette définition ne précise pas si les images doivent ou non être animées. D’autre part, il est précisé qu’un vidéogramme peut être constitué d’une séquence sonore, ou non. Par conséquent, les podcasts vidéos, composés d’une bande sonore et d’images animées ou non, rentrent dans cette définition posée par la loi française.

Précisons une nouvelle fois que les vidéogrammes se distinguent des œuvres audiovisuelles, en ce que la séquence d’image n’a pas obligatoirement à être animée. La qualification de vidéogramme paraît ainsi plus propice que celle d’œuvre audiovisuelle.

Par conséquent, les podcasts vidéo peuvent être qualifiés de vidéogramme, et bénéficient à ce titre du régime juridique des producteurs de vidéogramme. Plus précisément, le producteur de vidéogramme est définit comme « la personne, physique ou morale, qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence d’images sonorisées ou non ».

Dès lors, compte tenu de son initiative et de son investissement, le producteur bénéficie également de droits voisins aux droits d’auteur, ceci, pendant une durée de cinquante ans. Des droits patrimoniaux lui sont ainsi alloués. En effet, son autorisation est requise avant toute reproduction, mise à disposition du public, échange, louage, ou communication au public de son vidéogramme.

Ainsi, les producteurs de vidéogramme disposent également de prérogatives d’ordre patrimoniales, et non, d’ordre morales. Au même titre que les podcasts audio, les podcasts vidéo devraient pouvoir bénéficier d’une protection des plus complète, et ainsi, de droits moraux.

Au terme de cette étude consistant à la recherche d’un statut juridique pour les créations de podcasts, il convient de soulever que les qualifications de phonogrammes et vidéogrammes paraissent les plus adéquates.

Néanmoins, cette protection ne confère pas aux podcasts le statut d’œuvre de l’esprit. En effet, la condition d’originalité n’est pas requise pour protéger les phonogrammes et vidéogrammes. Ceci peut constituer un avantage et un gage de facilité pour les producteurs, mais également une inégalité face aux œuvres.

De plus, même si la qualification de phonogramme est une indication forte pour les podcasts audio, ce régime ne tient pas compte de la diversité de ces derniers. La définition du phonogramme ne comprend que la fixation d’une séquence de son, et ainsi, ne permet pas de prendre en compte la singularité des podcasts. A titre d’exemple, l’auteur et l’interprète peuvent ne pas être la même personne, ou encore le texte peut être écrit avant l’enregistrement, ou au contraire relevé de l’improvisation, être une simple conversation, ou encore une conférence. La définition du phonogramme est ainsi trop restrictive face à la diversité des podcasts audio.

Dès lors, la solution pourrait consister à élaborer une définition juridique type du podcast, permettant de l’adapter à chaque création de podcast. A titre d’exemple, la définition pourrait être la suivante : « Est dénommé podcast, toutes créations constituées par la fixation d’une séquence de sons, comportant ou non des images, textes, scénarios, photographies, dessins,... ; et nécessitant l’intervention d’une ou plusieurs personnes pour sa création ».

Il reste à espérer que le législateur adapte le droit d’auteur afin d’y incorporer les podcasts dans leur globalité.

Maelys Goudin-Nicoli Juriste propriété intellectuelle et nouvelles technologies Préparation CRFPA