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La protection non juridictionnelle des droits de l’homme et des libertés au Cameroun. Par Abomo Akono Adam Ramsès, Juriste.
Parution : lundi 30 novembre 2020
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La garantie des droits de l’homme et des libertés demeure un souci majeur dont l’humanité accorde une attention particulière. Ils existent plusieurs mécanismes de protection des droits de l’homme et des libertés à l’instar de la protection non juridictionnelle. Non loin des prétoires, la protection non juridictionnelle des droits de l’homme et des libertés interpelle plusieurs modes de protection.

Au Cameroun, l’on note d’un côté les modes administratifs, et de l’autre côté les modes politiques. En revanche il apparaît que ce mécanisme non juridictionnel de protection des droits de l’homme et des libertés semble inefficace, car regorgeant plusieurs insuffisances entre autres : les limites liées au recours gracieux préalable, celles ancrées aux activités de la commission nationale des droits de l’homme et des libertés, et les contraintes rencontrées par les acteurs de la société civile, sans oublier évidemment d’autres aspects conjoncturels qui freinent cette protection.

Mots clés : droits de l’homme, libertés, protection non juridictionnelle, limites de protection non juridictionnelle.

Abstract.

The protection of human rights and freedoms remains a major concern for which humanity pays particular attention. There are several mechanisms for the protecting human rights and freedoms, such as non-juridictional protection. Not far from the prétoires, the nonjurisdictional protection of human rights and freedoms challenges several modes of protection. In Cameroon, there are administrative modes on the one hand and polical modes on the other. On the other hand, it appears that non jurisdictinal méchanism for the protection of humain rigths and freedoms seems ineffective, because it is full of several shortcomings, among others : the limits associated with the prior graceful remedy, those anchored in the activities of the National Commission on Human Rights and freedoms, and the constraints faced by civil society actors, not to mention of course other cyclinal aspects that hinder this protection.

Keywords : human rights, freedoms, non-jurisdictional protection, limits non jurisdictional protection.

Introduction.

La question des droits et libertés est au cœur du regard que l’humanité porte sur elle depuis l’avènement de la société des hommes. A ce titre elle constitue l’une des grandes préoccupations de la philosophie. La protection des droits de l’homme et libertés reste un enjeu majeur et universel dans l’humanité toute entière. Car les droits de l’homme et libertés restent un principe de lutte qui requiert en permanence la plus grande vigilance afin de prémunir l’humanité contre les risques toujours possible d’imposture.

Certains Etats traînent encore des pas, mais l’universalité l’emporte de jour en jour, non seulement dans leur reconnaissance, mais aussi dans leur protection. Les luttes contre les mauvaises pratiques traditionnelles sur les enfants et les femmes en Afrique sont d’ailleurs récurrentes aujourd’hui [1]. Au nom du respect de la dignité humaine, l’être humain devient au centre des préoccupations de tous. Faut-il d’abord revenir sur les différents concepts.

Le concept de "liberté" est polysémique, la liberté peut être l’état de ce qui ne subit pas de contrainte, de qui peut agir sans contrainte. Elle peut aussi être considérée comme le droit de faire tout ce qui n’est pas défendu par la loi [2].

Pour le professeur Wachsmann la liberté marque simplement "l’absence de contrainte sociale s’imposant à un individu". Dans un Etat de droit, ils existent plusieurs types de libertés entre autres les libertés fondamentales et les libertés publiques. Les "libertés fondamentales" peuvent être l’ensemble des libertés individuelles qui sont inhérentes à tous les êtres humains, et notamment les libertés de conscience, de religion, d’expression, d’association, et de réunion, etc. [3].

Ces libertés sont régulièrement consacrées par les normes fondamentales [4], les chartes [5], les déclarations [6], et les conventions internationales [7] dûment ratifiées.

La notion de "libertés publiques" quant à elle peut-être perçue d’un point de vue interne, comme les libertés qui sont nécessaires à la participation, comme citoyen, à la vie publique (liberté d’association, d’expression, d’opinion, de manifestation, de réunion, de la presse, et syndicale) ou, dans une acception plus large, l’ensemble des libertés reconnues aux citoyens par la constitution du pays. Ces libertés sont souvent aménagées par les lois [8].

Quant aux "droits de l’homme", ils peuvent se classer en trois catégories [9] :
- Les droits individuels, qui assurent à l’individu une certaine autonomie en face du pouvoir dans les domaines de l’activité physique (sureté personnelle, liberté d’aller et venir, inviolabilité du domicile) de l’activité intellectuelle et spirituelle (liberté d’opinion, de conscience), de l’activité économique (droit de propriété, liberté du commerce et de l’industrie) ;
- Les droits politiques, qui permettent à l’individu de participer à l’exercice du pouvoir (droit de vote, éligibilité aux fonctions publiques), les libertés de la presse, de réunion, d’association, qui débordent certes le domaine politique, peuvent être aussi des "libertés-opposition" ;
- Les droits sociaux et économiques qui sont le droit pour l’individu d’exiger de l’Etat certaines prestations (droit au travail, à l’instruction, à la santé) en même temps que des droits collectifs (droit syndical, droit de grève).

En d’autre terme, le concept de "droits de l’homme" est l’ensemble des droits et libertés fondamentales inhérents à la dignité de la personne humaine et qui concernent tous êtres humains [10].

Il englobe aussi bien les droits civils et politiques que les droits économiques, sociaux et culturels [11] etc. Ils constituent dès lors une notion selon laquelle tout être humain possède des droits universels, inaliénables, peu importe le droit en vigueur dans l’Etat où il se trouve. Cette notion plus loin n’a pas besoin de reconnaissance formelle de ces droits de l’homme, elle peut transcender sa reconnaissance par les textes [12].

Le concept de "protection non juridictionnelle" peut-être cerné de façon négative, c’est-à dire par opposition à la fonction de juger. Selon Le professeur Bénédicte Delaunay les garanties non juridictionnelles constituent "des garanties destinées à défendre des droits par des moyens non juridictionnels, c’est-à dire en dehors de la fonction de juger dans les juridictions". A la différence des organes de protection juridictionnelle, les organes non juridictionnels se joignent à des instances de surveillance, qui "ne délivrent pas de jugements, mais seulement des rapports, recommandations, opinions, juridiquement non contraignants". Cette protection en effet n’est que la suite de la protection juridictionnelle, permettant à tous individus même en dehors des juridictions de faire prévaloir ses droits violés.

Néanmoins, on ne saurait ignorer le fait que les droits de l’homme étant de source fondamentalement occidentale, le label de leur culture originelle allait se retrouver dans maintes constitutions africaines [13]. Le professeur Maurice Kamto a pu écrire que c’est cette influence notoire du constitutionnalisme occidentale sur les constituants africains qui explique l’attachement formel des Etats aux déclarations de droits dans les premières constitutions [14].

Cette inspiration occidentale des droits de l’homme ne signifie toutefois pas que ceux-ci sont une vertu de l’européen. Les africains s’adaptent peu à peu dans à ces différents mécanismes de protection, d’une part une protection juridictionnelle et d’autre part une protection non juridictionnelle.

En s’appuyant sur la seconde protection, la création de ce type de mécanismes et institutions traduit l’idée que le recours devant le juge n’est plus aujourd’hui envisagé comme le seul mode de règlement des différends relatifs aux droits de l’homme. La pluralité de ces modes d’interventions rend compte la volonté des Etats de droit à l’instar de l’Etat du Cameroun, qui s’engage à assurer aussi bien la promotion mais aussi la garantie des droits de l’homme et libertés tels que prévus dans nombreux textes internationaux [15].

Il s’agit dès lors de démontrer l’existence réelle de ces mécanismes non juridictionnels de protection des droits et libertés au Cameroun.

De ce fait quels sont les modes ou mécanismes de protection non juridictionnelle des droits de l’homme et des libertés au Cameroun ?

Afin de rendre compte le plus justement possible des apports de la protection non juridictionnelle des droits fondamentaux [16] et humains, la recherche ne pouvait toutefois, ignorer les limites affectant une telle protection. Dès lors, il sied de savoir si ces mécanismes de garantie non juridictionnelle sont-ils suffisamment efficaces, si non quelles sont les insuffisances liées à la garantie non juridictionnelle des droits de l’homme et des libertés au Cameroun ?

L’avancée de la démocratie camerounaise permet d’examiner une meilleure protection non juridictionnelle des droits de l’homme et libertés, car celle-ci peut s’observer à travers différents modes non juridictionnels. Les modes de protection non juridictionnelle des droits de l’homme et libertés au Cameroun assurent au premier plan la garantie des droits et libertés des citoyens (I).

Toutefois, il apparaît que cette protection non juridictionnelle reste à l’épreuve de plusieurs insuffisances (II).

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Ramsès ABOMO AKONO, Juriste de formation- Chercheur en droit(...)à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l\\\'Université(FSJP) de Yaoundé2-Soa au Cameroun, BP. 18 Soa.

[1B R. Guimdo Dogmo, « L’Afrique et la lutte contre les pratiques traditionnelles relatives à l’intégrité physique de la femme et de l’enfant », en collaboration avec Alain Didier Olinga, cahier n°07 de l’institut de Droit Européen des Droits de l’homme (IDEDH), université de Montpellier 1, (Faculté de Droit et des Sciences Economiques, 1999, pp. 58-77.

[2Cf. Lexique des termes juridiques, Dalloz 2017-2018.

[3« Les buts des Nations Unies sont les suivants (…) 3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en se développant et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion » (Charte des Nations Unies, art. 1).

[4Voir. Le préambule de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 au Cameroun.

[5Voir. La charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée par la XVIIIème conférence des chefs d’Etats et gouvernements en juin 1981 à Nairobi (Kenya), La charte des Nations-Unies fait à San-Francisco la 26 juin 1945, charte des droits fondamentaux de l’union européenne du 7 décembre 2000.

[6Voir. La déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 en France, la déclaration universelle des droits de l’homme adoptée en Décembre 1948.

[7Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentaux telle que amendée par le protocole n°11 (Rome, 4 novembre 1952).

[8Voir. Les lois du 19 décembre 1990 au Cameroun etc.

[9Voir. Lexique des termes juridiques, Dalloz 2017-2018, p. 1248.

[10Il s’agit d’un terme historique, marqué par la philosophie des lumières, consacré sur le plan interne puis international. La charte des nations unies évolutives que « le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous ». La déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 en marqua leur consécration solennelle.

[11« Tous les droits de l’homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés(…). S’il convient de ne pas perdre de vue l’importance des particularismes nationaux et régionaux et la diversité historique, culturelle et religieuse, il est du devoir des Etats, quel qu’en soit le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales » (Décl. Et programme d’action de la conférence mondiale de Vienne, I, & 5).

[12Y B. Vignon, « la protection des droits fondamentaux dans les nouvelles constitutions africaines », Revue nigérienne de droit, n°3, déc. 2000, p.80.

[13N. LI Znigniew, la garantie des droits fondamentaux au Cameroun, DEA en droit international des droits de l’homme, Université Abomey-Calavi (Benin), 2004.

[14M. Kamto, « l’énoncé des droits dans les constitutions des Etats africains francophones », R.J.A, n° 2-3, Yaoundé, Presses Universitaires du Cameroun, 1991, p.23.

[15Ibid.

[16L. Dimitri, protection non juridictionnelle des droits fondamentaux endroits comparé : exemple de l’ombudsman portugais et espagnol et français, thèse de doctorat PHD, Université de Pau et des pays de l’Adour droit public, soutenue le 5 juin 2013.