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Le Président de la République peut-il démissionner ? Par Pierrick Gardien, Avocat.
Parution : jeudi 11 juin 2020
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Le Figaro nous apprend aujourd’hui que le Président Macron envisagerait sérieusement de démissionner pour provoquer une élection présidentielle anticipée dans le contexte de l’après-covid et profiter de l’absence d’opposition. Mais est-ce vraiment possible ?

Mes étudiants de première année écrivent souvent dans leurs copies « Le Président a le pouvoir de se dissoudre »... que je corrige immédiatement en leur indiquant que c’est inexact : le Président a le pouvoir de dissoudre l’Assemblée Nationale ou de démissionner lui-même ce qui, chacun en conviendra, est différent de la première hypothèse envisagée.

Rien ne s’oppose dans les textes à la démission du Président de la République. Bien au contraire, la Constitution prévoit ce cas de figure de « vacance de la Présidence de la République » en son article 7 avec des règles assez simples :
- C’est le Conseil constitutionnel qui constate la vacance de la Présidence de la République ;
- Le mandat du Président prend immédiatement fin de manière anticipée ;
- Les fonctions du Président sont provisoirement exercées par le Président du Sénat ;
- Le scrutin pour l’élection du nouveau Président a lieu 20 jours au moins et 50 jours au plus après l’ouverture de la vacance.

Bien entendu, rien n’interdit au Président démissionnaire de se présenter à nouveau aux suffrages des électeurs. De la même manière, la démission d’un Président n’a pas de conséquence directe sur les mandats des députés. Bien que la logique commande une dissolution concomitante de l’Assemblée Nationale pour conférer une nouvelle majorité au Président, les textes ne l’obligent pas, interdisant même explicitement la dissolution opérée par le Président par intérim.

Historiquement, la situation s’est présentée une seule fois avec la célèbre démission du Général de Gaulle le 28 avril 1969 suite au référendum perdu sur la régionalisation, et l’élection subséquente de Georges Pompidou.

Politiquement, la manœuvre peut s’avérer payante : en anticipant de deux années la fin de ses fonctions, le Président peut repartir pour 5 ans si les électeurs lui font confiance, dans un contexte favorable et en prenant de cours l’opposition.

Elle peut aussi se retourner contre son auteur : si le cas de figure est différent, on se souvient de la dissolution ratée de Jacques Chirac en 1997 qui amputa dans les faits très sérieusement son mandat.

Le Président Macron aime jouer avec le feu en disant souvent qu’il « prend son risque ». Attention toutefois au retour de flamme.

Pierrick Gardien Avocat Droit Public Barreau de Lyon [->contact@sisyphe-avocats.fr] 07 80 99 23 28 http://www.sisyphe-avocats.fr/ http://twitter.com/avocatpublic
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