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La force de la Justice de médiation. Par Loïc Tertrais, Avocat.
Parution : mardi 23 juin 2020
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Choisir la médiation, un signe de faiblesse ? Erreur. Il n’y a pas plus fort que la Justice de médiation.

La médiation est un processus de résolution amiable des litiges. Le médiateur, tiers impartial, accompagne les personnes en conflit de façon confidentielle, afin qu’elles trouvent ensemble, assistés de leurs avocats une solution durable à leur dissension [1].

Partir en médiation, n’est-ce pas baisser les armes ? Dévoiler à son adversaire que l’on est pas sûr de sa cause ? Lui montrer un signe de faiblesse ? Raisonner ainsi, c’est se tromper sur la médiation.

Se réunir en présence de son adversaire, c’est au contraire lui faire face courageusement, plutôt que de lutter par interjections ou conclusions interposées avec l’issue d’un jugement incertain. La confrontation qui était peut-être lointaine et intellectuelle devient réelle et complète : les corps parlent, les émotions sortent, les sentiments se dévoilent et la raison n’est pas en reste.

La médiation met en œuvre une justice intégrale corps cœur et intelligence. Elle évite la frustration de la parole. Quel luxe d’avoir le temps de vider son sac et exposer ses arguments en profondeur à son adversaire, au médiateur et aux avocats présents. Le justiciable ne dispose pas de ce temps long devant un Tribunal. On conçoit qu’un juge qui examine plusieurs affaires par audience, a forcément un temps limité pour écouter les observations des parties ou de leurs conseils.

La médiation n’a donc rien d’une reddition ou d’une armistice. Elle est une formidable mobilisation de personnes qui acceptent une confrontation organisée et totale. Corps présents..

C’est alors que la médiation demande des parties une vraie force de posture et de caractère.

Le meilleur soldat n’est pas tant celui qui se bat que celui qui marche.

L’idée n’est pas de venir en médiation en freinant des quatre fers , ou bien, et c’est finalement la même attitude, en abandon de poste. Les deux postures sont passives : je reste campée sur mes positions ,ou je décide par principe de lâcher tout le terrain. L’idée en réalité est de venir en médiation avec une attitude active. C’est le sens de la réflexion de Gustave Thibon : « Je voulais avoir une attitude active et positive. Trop de gens de bien ne sont malheureusement que des poteaux indicateurs sur le chemin de la vertu. Ils sont bien orientés, certes, mais ils n’avancent pas. (...). Il ne suffit pas de lutter contre, il faut construire. Il faut déblayer en construisant » [2].

Autrement dit, la médiation nécessite toute la force de celui qui s’y engage. Non une force de combat mais une force de marche. Avancer dans la résolution du conflit en faisant bouger les lignes. D’ailleurs, « Le meilleur soldat n’est pas tant celui qui se bat que celui qui marche » [3].

Enfin, la finalité de la médiation n’est pas la demi justice. La médiation n’est pas un consensus mou mais une vérité âprement débattue, parfois avec passion, qui dépasse les intérêts originels et immédiats des parties. En ce sens, la devise de la médiation pourrait prendre à Lacordaire « Je ne cherche pas à convaincre mon adversaire, mais à m’unir à lui dans une vérité plus haute » [4].

Toute marche au long cours a sa récompense. La médiation permet fréquemment d’aboutir à un accord. Et avec quelle autorité de chose jugée ! La force de la Justice de médiation procède en effet d’une autorité tirée de l’implication des parties et de leur consentement total à la décision arrêtée.

Y a-t-il donc plus fort que la justice de médiation ?

Me Loïc TERTRAIS

[1Définition inspirée de http://www.mediation35.fr/la-mediation/

[2Gustave Thibon - Au soir de la ma vie.

[3Napoléon - Les maximes et pensées.

[4Lacordaire.