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Action du créancier contre la caution et saisie immobilière, quelle prescription ? Par Laurent Latapie, Avocat.
Parution : lundi 29 juin 2020
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Une caution d’un prêt immobilier, assujetti à la prescription biennale, peut-il opposer cette même prescription biennale au créancier poursuivant dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière ?

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence relative à la prescription qui peut être opposée par la caution à l’encontre du créancier.

Malheureusement, cette jurisprudence peut sembler particulièrement décevante puisqu’elle vient mettre une fois de plus la caution en difficulté en précisant que la prescription biennale ne peut être opposée par la caution.

Cette jurisprudence demeure importante à étudier car je considère que s’il est important de connaitre ses forces il est tout aussi important de connaitre ses faiblesses pour justement être parfaitement mis en garde des risques ou de chances de succès dans la procédure.

Il convient de revenir sur les faits.

Dans cette affaire, Monsieur T s’était porté caution solidaire d’un prêt accordé par la banque et avait consenti une hypothèque en garantie de cet engagement.

Le 28 juillet 2016, la banque lui avait délivré un commandement de payer valant saisie immobilière, avant de l’assigner à l’audience d’orientation, aux fins de saisie immobilière.

A l’audience d’orientation, le juge de l’exécution vérifie que les conditions des articles L311-2, L311-4 et L311-6 sont réunies.

Ces vérifications doivent être faites d’office et l’article L311-2 du Code des Procédures Civiles d’Exécution énonce que tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière et pour le juge, il appartenait au débiteur de vérifier que la créance n’était pas prescrite.

Ceci est peut-être regrettable car le commun du mortel pourrait légitimement espérer que le juge pourrait vérifier d’office les conditions relatives à l’exigibilité ou à la prescription sans avoir à attendre que le débiteur, par nature en difficulté, le soulève par le truchement de son avocat.

Dans sa décision, le juge précisait que le créancier poursuivant disposait d’un titre exécutoire constitué par un acte notarié de prêt en date du 3 juin 2005 résultant d’une offre émise par la banque et acceptée par le débiteur le 3 juin 2005.

Le prêt accordé consistait en un prêt immobilier pour un montant de 102 000 euros remboursable en 180 mensualités à un taux effectif global de 5,859% l’an garanti par le cautionnement solidaire et hypothécaire de Monsieur T.

A la suite de différents impayés, et suite aux procédures de surendettement puis de redressement judiciaire à l’initiative du débiteur principal, Monsieur T en qualité de caution été a mis en demeure de rembourser la somme de 88 730,94 euros par courrier en date du 7 mai 2015, puis un commandement de payer lui a été adressé le 25 août 2015.

La banque considérait que la créance était certaine, liquide et exigible.

Pour autant, le débiteur entendait clairement se défendre.

Il considérait qu’au visa de l’article L137-2 du Code de la Consommation que la caution était prescrite pour être assujettie à la prescription biennale.

Le débiteur rappelait que c’est la déchéance du terme qui rend exigible la créance et fixe le point de départ du délai de prescription et que l’applicabilité de la prescription biennale relève de la loi spéciale bénéficiant aux consommateurs.

La banque ne partageait absolument pas cette analyse.

En effet, la banque considérait que, cette prescription biennale devait être écartée dans la mesure où elle bénéficiait de la garantie personnelle de la caution sans pour autant lui avoir fourni aucun service au sens de l’article L137-2 devenu L218-2 du Code de la Consommation et que la créance de la banque n’était pas prescrite à l’endroit de la caution à la date du commandement de payer du 16 octobre 2015 et du commandement aux fins de saisie du 28 juillet 2016.

La Cour de Cassation suit ce raisonnement et vient considérer qu’en application de l’article 2313 du Code Civil, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette, comme, par exemple, la prescription de la dette principale.

Qu’en l’espèce, la dette principale était soumise à la prescription biennale de l’article L218-2 du Code de la Consommation s’agissant d’un prêt immobilier accordé à un consommateur ; qu’en énonçant néanmoins que

« l’extinction de l’obligation principale par le jeu de la prescription biennale qui bénéficie aux seuls consommateur n’est pas inhérente à la dette mais constitue une exception purement personnelle au débiteur principal qui est un consommateur de sorte que, par application de l’article 2313 du Code civil, la caution, qui n’a pas cette qualité à l’égard de la caisse faute pour celle-ci de lui avoir fourni un service quelconque, ne peut s’en prévaloir ».

La Cour de Cassation considère que la Cour d’Appel a exactement retenu qu’en ce qu’elle constitue une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service, la prescription biennale prévue à l’article L218-2 du Code de la Consommation ne pouvait être opposée au créancier par la caution.

Cette jurisprudence est intéressante.

Si celle-ci est défavorable pour la caution qui se fait saisir par le créancier il n’en demeure pas moins qu’une bonne défense d’un débiteur saisi dans le cadre d’une saisie immobilière passe aussi bien par la mise en avant de nos points forts elle passe aussi par une appréhension des points faibles pour justement les contre carrer.

En effet, il ne faut pas oublier que la caution a de nombreux moyens de défense contre son créancier poursuivant, fut-ce t’il en droit de la saisie immobilière.

Laurent Latapie, Avocat à Fréjus et Saint-Raphaël, Docteur en Droit, Barreau de Draguignan www.laurent-latapie-avocat.fr