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La motivation de la lettre de licenciement. Par Philippe de Niort, Avocat.
Parution : lundi 29 juin 2020
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La lettre de licenciement fixe les termes du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement, en vertu de l’article L1235-2 du Code du travail, ce qui interdit à l’employeur d’invoquer ensuite un autre motif de licenciement selon la jurisprudence de la Cour de cassation.

La seule lecture de la lettre de licenciement peut révéler que ce dernier est abusif, et ce de manière irrémédiable.
Il existe deux types de licenciement abusif :
- le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- le licenciement nul.

Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et il ouvre droit à des dommages-intérêts de ce chef, ainsi qu’à des indemnités de préavis, de licenciement et de congés payés, lorsque la lettre de licenciement énonce un motif :
- dont la preuve a été obtenue par un procédé déloyal ;
- invoquant une faute déjà sanctionnée et non renouvelée pendant trois ans ;
- invoquant une faute dont l’employeur a eu connaissance plus de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement ;
- invoquant une faute et notifié plus d’un mois après la date prévue pour l’entretien préalable ;
- de refus par le salarié d’accepter une modification d’un élément essentiel de son contrat de travail ;
- de refus du salarié d’accepter sa mutation en vertu d’une clause de mobilité qui ne définit pas de façon précise sa zone géographique d’application, ou confère à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée ;
- de refus par le salarié engagé par un contrat de travail à temps partiel, d’accepter une modification de la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois, dès lors que ledit contrat ne prévoit pas les cas et la nature de telles modifications ;
- de refus par le salarié engagé par un contrat de travail à temps partiel, d’accepter une modification de la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois prévue audit contrat, dès lors que cette modification n’est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, notamment ;
- de changement d’employeur ayant entraîné le transfert d’une entité économique autonome ayant conservé son identité et dont l’activité a été poursuivie ou reprise, sauf par un établissement gérant un service public administratif ;
- invoquant la nécessité de pourvoir au remplacement d’un salarié dont les absences prolongées ou répétées pour maladie perturbent le fonctionnement de l’entreprise, dès lors que ces perturbations n’entraînent pas la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié ;
- inhérent à la personne du salarié s’il ne repose pas sur des éléments objectifs qui lui sont imputables ;
- tiré de la vie personnelle du salarié dès lors qu’il ne constitue pas un manquement à une obligation découlant du contrat de travail, même s’il en résulte un trouble au sein de l’entreprise ;
- apportant aux droits des personnes ou aux libertés individuelles ou collectives des restrictions qui ne sont pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché ;
- caractérisant une atteinte à l’intimité de la vie privée à laquelle a droit le salarié au temps et lieu de travail, notamment en cas de violation du secret de la correspondance par l’employeur qui a pris connaissance des messages personnels émis et reçus par l’intéressé grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur ;
- ne constituant pas une faute grave ou un cas de force majeure, ou qui n’est pas fondé sur l’inaptitude du salarié constatée par la médecine du travail, alors que le contrat est à durée déterminée et qu’il ne peut être rompu par l’employeur que dans l’un de ces trois cas ;
- n’invoquant pas une faute grave d’une salariée en état de grossesse, non liée à cet état, ou l’impossibilité de maintenir son contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement ;
- économique de licenciement ne mentionnant pas qu’il a pour cause une suppression ou transformation d’emploi ou une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutive à des difficultés économiques, à une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, ou à la cessation d’activité de l’entreprise ;
- ne mentionnant pas l’ordonnance du juge-commissaire autorisant des licenciements économiques en cas de redressement judiciaire de l’employeur ;
- ne faisant pas état de l’impossibilité de reclasser le salarié licencié pour inaptitude physique, dès lors que l’avis du médecin du travail l’ayant déclaré inapte à la suite d’un accident ou d’une maladie, professionnels ou non, ne mentionne pas expressément que tout maintien de l’intéressé dans son emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ;
- ne constituant pas, en soi, une cause réelle et sérieuse de licenciement, comme la perte de confiance, la mésentente entre salariés ou avec un supérieur hiérarchique, ou l’insuffisance de résultats qui nécessite la non réalisation d’objectifs réalistes fixés par l’employeur, ou une faute du salarié, ou une insuffisance professionnelle caractérisée ;
- ne constituant tout simplement pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le licenciement est nul et il ouvre droit à l’indemnisation du préjudice consécutif à la perte de l’emploi ou, dans certains cas, à une indemnité d’un montant égal à six mois de salaires, et aux indemnités de préavis, de licenciement et de congés payés, lorsque la lettre de licenciement énonce un motif :
- discriminatoire au sens de l’article L1132-1 du Code du travail ;
- reprochant au salarié d’avoir témoigné, de bonne foi, de faits de harcèlement moral ou sexuel, ou de discrimination, ou de les avoir relatés ;
- concernant un salarié ayant subi ou refusé de subir des faits répétés de harcèlement moral ou sexuel ;
- ne justifiant pas d’une faute grave non liée à l’état de grossesse d’une salariée, ou de l’impossibilité de maintenir son contrat pour un motif étranger à cette grossesse, à l’accouchement ou a l’adoption, dès lors que l’intéressée a adressé à l’employeur, dans les quinze jours à compter de la notification du licenciement, un certificat médical prouvant qu’elle est enceinte ;
- lié à un accident ou une maladie non professionnelle, dès lors que la rupture du contrat intervient pendant la période où il est suspendu du fait de cet accident ou cette maladie, et que l’absence du salarié ne perturbe pas le fonctionnement de l’entreprise ;
- ne justifiant pas d’une faute grave du salarié ou de l’impossibilité de maintenir le contrat pour une cause étrangère à l’accident du travail ou la maladie professionnelle dont il a été victime, dès lors que la rupture de ce contrat intervient pendant la période où il est suspendu ;
- économique de licenciement, alors qu’a été annulée la décision de validation de l’accord collectif fixant les modalités d’information et de consultation du comité social et économique, ou la décision d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi en raison d’une absence ou d’une insuffisance de ce dernier ;
- invoquant la participation du salarié à une grève, ou un fait commis au cours de l’exercice du droit de grève mais ne constituant pas une faute lourde ;
- en lien avec l’exercice par le salarié de de son droit d’ester en justice, même contre l’employeur ;
- lié à l’exercice légitime du droit de retrait du salarié de son poste de travail dans une situation de danger ;
- tiré des activités syndicales du salarié ;
- caractérisant la violation d’une liberté fondamentale du salarié, comme par exemple celle de témoigner contre l’employeur au bénéfice d’un autre salarié de l’entreprise.

Par ailleurs, la lettre de licenciement est insuffisamment motivée, ce qui ouvre droit à une indemnité, à tout le moins, si les faits reprochés au salarié n’ont pas ensuite été précisés par l’employeur dans les délais légaux, lorsque ladite lettre énonce un motif :
- insuffisant ou incomplet ;
- imprécis, vague ou matériellement invérifiable.

Philippe de Niort Avocat au Barreau de Paris de-niort.philippe@orange.fr https// : www.philippedeniortavocat.com.