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Les garanties de paiement du Syndicat des copropriétaires : hypothèque légale et privilèges. Par Stéphanie Delachaux et Paul Boscher, Avocats.
Parution : lundi 6 juillet 2020
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En prolongement des procédures de recouvrement de charges de copropriété, le Syndicat des copropriétaires dispose de plusieurs mécanismes lui permettant de protéger ses intérêts et notamment les garanties de paiement telles que l’hypothèque légale et le privilège spécial.

Au même titre que la super procédure de recouvrement, ces garanties de paiement ont été modifiées et transformées par la loi ELAN et l’ordonnance du 30 octobre 2019 afin de faciliter le recouvrement des charges de copropriété.

I. L’hypothèque légale et la loi ELAN.

L’article 19 de la loi du 10 juillet 1965 permet au syndicat des copropriétaires de disposer du mécanisme de l’hypothèque légale.

La mise en place de l’hypothèque légale ne se fait qu’après mise en demeure restée infructueuse d’avoir à payer une dette devenue exigible. Elle ne peut produire ses effets qu’une fois inscrite au Service de la publicité foncière compétent, dans les conditions énoncées aux articles 2425 et suivants du Code civil.

En pratique, le Syndicat des copropriétaires réalisera cette mise en demeure par acte extrajudiciaire qui sera appelée sommation de payer ou commandement.

L’article 19 précise que l’hypothèque légale garantit l’ensemble des créances du syndicat à l’encontre de chaque copropriétaire à l’exception des créances exigibles depuis plus de cinq ans.

Toutefois, il s’agit de préciser que dans la mesure où l’inscription de l’hypothèque a été prise dans le respect de la condition du délai des cinq ans, cette dernière pourra produire ses effets même au-delà de ce délai et peu importe la date de mise en œuvre.

A titre d’exemple, une hypothèque inscrite en 2015 pour une créance exigible depuis 2011 pourra tout de même produire ses effets en 2020, et ce pour l’ensemble de la créance, dans la mesure où l’hypothèque a une durée de validité de 10 ans.

Lorsque le Syndicat disposera d’un titre exécutoire, obtenu dans le cadre d’une procédure en recouvrement de charges, il pourra bénéficier des effets de l’hypothèque légale en faisant procéder à une saisie immobilière.

La loi ELAN a confirmé le Syndic de copropriété dans son rôle. En effet, ce dernier a pour mission d’inscrire l’hypothèque au profit du Syndicat, en consentir la main levée et, en cas d’extinction de la dette, en requérir la radiation sans autorisation préalable de l’assemblée générale.

Le mécanisme général de l’hypothèque ne s’est toutefois pas trouvé modifié par la loi ELAN. Elle reste une sûreté efficace dans la préservation des intérêts du Syndicat des copropriétaires mais son formalisme rigoureux nécessite de nombreuses informations que nous évoquerons plus bas.

II. Le privilège immobilier spécial et la loi ELAN.

En parallèle de l’hypothèque légale, l’article 20 de la loi du 10 juillet 1965 confère au Syndicat des copropriétaires un privilège immobilier spécial. Cet article est à lire en parallèle de l’article 2374 du Code civil.

Le privilège spécial permet au Syndicat des copropriétaires d’obtenir le règlement de l’arriéré de charges en cas de mutation à titre onéreux, du ou des lots appartenant au copropriétaire défaillant.

L’arriéré de charges doit s’entendre comme les charges et travaux mentionnés à l’article 10, au c du II de l’article 24 et à l’article 30 de la Loi du 10 juillet 1965 et les cotisations au fonds travaux mentionné à l’article 14-2 de la même loi.

Le privilège spécial ne peut intervenir que dans l’éventualité d’une vente amiable ou judiciaire du lot du débiteur. Ainsi, le privilège spécial ne pourra être mis en œuvre en cas de succession ou de cession de part au sein d’une société propriétaire du lot par exemple.

Cette vente devra être suivie d’une opposition formée par le Syndic sans aucune formalité de publicité foncière particulière contrairement à l’hypothèque légale.

Cette opposition doit être formulée par acte extra-judiciaire dans un délai de quinze jours après notification de la vente. Au-delà de ce délai, le syndicat des copropriétaires ne pourra plus mettre en œuvre son privilège.

Tout comme dans le cadre de l’hypothèque légale, le délai des sommes garanties par le privilège spécial est limité. Ce délai s’étend aux créances de l’année en cours et des quatre dernières années, étant précisé que l’article 2374 du Code civil distingue deux périodes :
- Les charges et travaux relatifs à l’année courante et aux deux dernières années échues : le Syndicat dispose d’un super privilège puisqu’il passe avant tous les autres créanciers et notamment le vendeur et le prêteur de deniers ;
- Les charges et travaux relatifs aux deux années qui précèdent cette période : privilège en concours avec le vendeur et le prêteur de deniers. Dans ce cas le montant disponible, issu de la vente, sera réparti entre les créanciers en proportion du montant de la créance.

En outre, jusqu’à l’Ordonnance du 30 octobre 2019, le privilège spécial du syndicat des copropriétaires ne couvrait pas les créances de toute nature, contrairement à l’hypothèque légale, et restait limité aux charges et travaux visés aux articles 10, 24 c), 30 et 14-2 de la Loi du 10 juillet 1965, en excluant les créances suivantes :
- Les dommages et intérêts dont un copropriétaire est redevable en raison de sa responsabilité envers le syndicat pour troubles de voisinage, dégradations ou infractions au règlement de copropriété ;
- Le prix de location ou d’acquisition d’une partie commune par un copropriétaire de l’immeuble ;
- Les frais de recouvrement ou de procédures et les sommes dues au syndicat en application d’une clause pénale ;
- Les sommes correspondantes aux cotisations incombant aux copropriétaires membres d’une union de syndicats ou d’une association syndicale ;

En effet, l’article 19-1 de la Loi du 10 juillet 1965 était rédigé comme suit :

« Sont garantis par le privilège immobilier spécial prévu à l’article 2374 du code civil : l’obligation de participer aux charges et aux travaux mentionnés aux articles 10 et 30, les cotisations au fonds de travaux mentionné à l’article 14-2, les créances afférentes aux travaux de restauration immobilière réalisés en application du c du II de l’article 24, les dommages et intérêts alloués par les juridictions au syndicat des copropriétaires, ainsi que le remboursement des dépens ».

L’Ordonnance du 30 octobre 2019 est venue modifiée cet article qui dispose désormais que « toutes les créances mentionnées au premier alinéa de l’article 19 sont garanties par le privilège immobilier spécial prévu à l’article 2374 du Code civil ».

Cette modification est applicable depuis le 1er juin 2020. L’objectif est de faciliter le recouvrement des charges de copropriété et de renforcer la trésorerie des syndicats de copropriétaires.

En conséquence, le privilège spécial appartenant au syndicat des copropriétaires a été élargi et permet de faciliter, dans une certaine mesure, le recouvrement des charges.

III. Le privilège mobilier.

L’article 19 alinéa 5 de la Loi du 10 juillet 1965 dispose que les créances de toute nature du Syndicat des copropriétaires à l’encontre de chaque copropriétaire sont garanties par le privilège prévu à l’article 2332 1° du Code civil en faveur du bailleur.

Cela signifie que le Syndicat peut obtenir paiement de sa créance sur les biens qui garnissent les lots dont le propriétaire ne paye pas ses charges.

Ce privilège ne s’applique cependant pas si ces meubles font l’objet d’une location meublée, auquel cas le privilège est reporté sur les loyers dus par le locataire.

L’Ordonnance du 30 octobre 2019, entrée en vigueur le 1er juin 2020 prévoit que le privilège mobilier porte sur « les meubles garnissant les lieux appartenant au copropriétaire ainsi que sur les sommes dues par le locataire à son bailleur ».

En pratique ce privilège est peu connu et peu utilisé et on comprend bien pourquoi : face à une dette de charges souvent importante, le prix des meubles garnissant le logement est souvent bien moindre et ne permettra pas au Syndicat d’être totalement désintéressé.

En outre, les modalités de vente des meubles sont contraignantes et coûteuses de sorte que cela freine les Syndicats à mettre en œuvre ce privilège.

IV. Les formalités matérielles de mise en place des garanties de paiement.

Comme nous l’avons vu précédemment, l’activation du privilège spécial du syndicat des copropriétaire ne nécessite aucune inscription auprès du service de publicité foncière.

La seule formalité matérielle réside donc en une opposition sur le prix de vente devant intervenir par acte extra-judiciaire au domicile élu, dans les quinze jours suivant la notification de la vente.

A contrario, les formalités matérielles de mise en place d’une hypothèque sont assez rigoureuses et nécessitent un certain nombre d’informations indispensables.

Les éléments indispensables à l’inscription d’une hypothèque sont les suivants :
- Etat civil complet (date et lieu de naissance) du ou des copropriétaires ;
- Désignation complète du lot ;
- Date d’acquisition du lot et références de publication ;
- Références du règlement de copropriété et éventuels modificatifs et date de publication de ces documents ;
- Références cadastrales de l’immeuble ;
- La recherche de ces éléments débute par la commande de la matrice cadastrale auprès du service des impôts des particuliers ou des entreprises.

Ce document permet notamment de justifier de la qualité de propriétaire du débiteur mais il nous indique également les numéros de lots appartenant à ce copropriétaire ainsi que les références cadastrales de l’immeuble. La matrice peut également nous donner l’état civil du copropriétaire mais cela reste peu fréquent.

Les éléments obtenus dans la matrice cadastrale permettent de commander une fiche d’immeuble auprès du Service de la publicité foncière compétent.

La fiche d’immeuble est un élément nous permettant de retracer la vie du ou des lots de copropriétés appartenant au débiteur ainsi que de l’immeuble. Ce document nous permet donc de connaître la date d’acquisition du lot et les références de publication de la vente mais également les informations liées au règlement de copropriété et à l’état descriptif de division. Tout comme la matrice cadastrale, la fiche d’immeuble peut également nous renseigner sur l’état civil du copropriétaire.

En cas d’absence de l’état civil du copropriétaire dans les deux documents, il conviendra de commander l’acte de vente qui reproduira nécessairement ces informations.

L’addition des informations obtenues dans ces deux documents nous permet de procéder à l’inscription de l’hypothèque auprès du Service de la publicité foncière.

Recommandations.

L’hypothèque légale reste un élément très efficace pour garantir le paiement de la créance du Syndicat des copropriétaires. Son principal inconvénient réside dans son formalisme rigoureux. Quant au privilège spécial, il a été renforcé par l’Ordonnance du 30 octobre 2019, ce qui en fait une garantie plus efficace pour le Syndicat.

Toutefois, l’activation de cette garantie reste limitée à des circonstances précises, à savoir une vente amiable ou judiciaire.

Enfin, le privilège mobilier est peu efficace et très contraignant.

Stéphanie Delachaux - Paul Boscher - BJA Avocats
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