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Comment obtenir une compensation pour la perte, le retard, ou le dommage causé à un bagage ? Par Anaïs Escudié et Guilhem Della Malva, Juristes.
Parution : vendredi 3 juillet 2020
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Les entreprises de “handling”, responsables du transport des bagages après leur enregistrement jusqu’à la soute de l’avion puis jusqu’aux passagers à destination ne sont pas connues pour leur délicatesse dans le traitement des valises. Le risque qu’un bagage soit perdu, détruit, ou bien la cible d’un vol est minime, mais existe tout de même.

Heureusement, des recours existent pour les passagers. Ces derniers devront invoquer les dispositions de la Convention de Montréal du 28 mai 1999, entrée en vigueur le 23 juin 2004. Si cette Convention n’est pas applicable, il faudra alors s’en remettre à la Convention de Varsovie [1] du 12 octobre 1929, entrée en vigueur le 12 février 1933.

Un texte cadre pour les litiges relatifs aux bagages : la Convention de Montréal.

Ainsi qu’en dispose son article 1er aux alinéas 1 et 2, cette convention régit tout transport international de personne et de bagages effectué par avion. Elle s’applique dans ces cas de figure :
- Si le départ et l’arrivée se situent sur deux états parties à la convention (pour un vol Etats-Unis - France par exemple) ;
- Si le trajet inclut le départ et l’arrivée dans un même état, séparés par une escale sur un autre état partie à la convention (pour un vol Etats-Unis - Canada - Etats-Unis par exemple).

Il faut cependant remarquer que l’Union Européenne (UE) a étendu l’application de la Convention aux vols intérieurs sur le territoire d’un seul état membre par le biais du règlement n°889/2004 du 13 mai 2002. Son article 1, 2) contraint donc les états membres à appliquer la Convention à des vols purement internes à ces états (un vol Lyon - Paris par exemple).

Quelle compensation est proposée aux passagers ?

Selon cette convention, les passagers peuvent réclamer des réparations en cas de perte ou de destruction de leur bagage, sans que des montants forfaitaires soient précisés. Un plafond d’indemnisation est cependant fixé à l’article 22, alinéa 2. Ce plafond correspond, depuis la révision du 28 décembre 2019, à 1 288 Droits de Tirage Spéciaux (DTS), soit actuellement environ 1 580 euros par passager.

Ce système présente un désavantage certain : il revient au passager de prouver, à l’aide de factures et documents en tout genre, le montant de son préjudice causé par la perte, le retard ou le dommage causé à son bagage. Cela signifie qu’il faut apporter la preuve, la plupart du temps à l’aide de factures, la valeur des biens contenus dans la valise perdue ou des biens volés. Il peut également être difficile d’apporter la preuve de la présence d’un bien à bord d’une valise perdue.

Il faut noter que dans un arrêt “Walz c. Clickair SA” (aff. C-63/09) du 6 mai 2010 la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a précisé que cette limite de responsabilité du transporteur aérien inclut aussi bien le dommage matériel que le dommage moral dans le cadre d’un même préjudice.

Autre apport de la jurisprudence de la CJUE : dans un arrêt “Sanchez e. a. c. Iberia” (aff. C-410/11) du 22 novembre 2012, il est affirmé que “le droit à indemnisation et la limite de responsabilité du transporteur en cas de perte de bagages s’appliquent également au passager qui réclame cette indemnisation au titre de la perte d’un bagage enregistré au nom d’un autre passager dès lors que ce bagage perdu contenait effectivement les objets du premier passager”. Il en est déduit que lorsqu’un bagage commun contient les biens propres à deux passagers différents, chacun peut exiger réparation pour son propre préjudice. Ceci a pour effet de ne pas appliquer une seule limite commune aux prétentions des deux passagers, mais de s’appliquer aux prétentions de chaque passager de façon séparée.

Délais à respecter pour effectuer une réclamation.

La Convention fixe également des limites temporelles aux passagers, qui doivent respecter certains délais pour effectuer leur réclamation.

En cas de perte ou de retard du bagage : d’après l’article 17, alinéa 3, le passager dispose d’un délai de 21 jours pour déclarer la perte ou le retard du bagage, auprès de la compagnie. Ce délai court soit à compter de la date où le passager aurait dû recevoir son bagage, soit, en cas de retard, à partir du jour où il a finalement reçu son bagage. Il peut alors réclamer le remboursement des produits de première nécessité qui lui ont manqué pendant la durée de ce retard.

En cas de bagage endommagé : D’après l’article 31, alinéa 2, le passager dispose de 7 jours pour effectuer une réclamation écrite auprès de la compagnie aérienne ou du service bagages de l’aéroport.

L’article 31 de la Convention de Montréal précise également, à son alinéa 3, que la réclamation doit être effectuée sous forme écrite, à peine d’irrecevabilité. Depuis, la CJUE a précisé dans un arrêt “Finnair Oyj c/ Fennia” (aff. C-258/16) du 12 avril 2018 que l’enregistrement effectué par un agent de la réclamation orale d’un passager correspond bien à une protestation par écrit.

Si la Convention de Montréal ne s’applique pas : le recours à la Convention de Varsovie.

Il peut arriver que la Convention de Montréal ne s’applique pas, notamment si le vol litigieux a lieu entre deux états qui ne l’ont pas ratifiée, ou entre deux états dont seulement l’un d’eux l’a ratifiée. Dans ce cas, la Convention de Varsovie trouvera à s’appliquer.

Quelle compensation est proposée aux passagers ?

La Convention de Varsovie est malheureusement peu avantageuse pour les passagers. Encore une fois, aucune indemnisation forfaitaire n’est fixée. Pire : le plafond d’indemnisation est encore plus bas. D’après l’article 22, alinéa 2, a), cette limite de responsabilité est de 17 DTS par kilogramme de bagage, représentant actuellement environ 24 euros par kilogramme. Pour une large valise de 30 kilogrammes à l’enregistrement, le plafond de compensation du passager sera donc limité à environ 720 euros.

Délais à respecter pour effectuer une réclamation.

En cas de retard du bagage : d’après l’article 26, alinéa 2, le passager dispose d’un délai de 21 jours pour déclarer le retard du bagage, auprès de la compagnie. Ce délai court à compter du jour où il a finalement reçu son bagage. Il peut alors réclamer le remboursement des produits de première nécessité qui lui ont manqué pendant la durée de ce retard. Attention, la Convention de Varsovie ne précise pas de délai pour la réclamation concernant la perte du bagage. Cela étant, mieux vaut respecter ce même délai de 21 jours et effectuer une réclamation dans les meilleurs délais.

En cas de bagage endommagé : d’après ce même article, le passager dispose de 7 jours pour effectuer une réclamation écrite auprès de la compagnie aérienne ou du service bagages de l’aéroport.

Prévenir les difficultés en cas de perte ou de dommage causé à votre bagage : les gestes à adopter.

Afin de faciliter la résolution du litige, les passagers devraient retenir certains conseils plus pratiques et moins juridiques :
- Conserver les factures des biens de toute valeur, mais surtout des plus chers afin de démontrer leur valeur à la compagnie ;
- Prendre une photo de sa valise remplie avant le départ afin de prouver que les biens étaient présents dans celle-ci ;
- Faire une « déclaration spéciale d’intérêt à la livraison ». Celle-ci s’effectue au moment de l’enregistrement, moyennant une somme supplémentaire, mais permet de déclarer précisément la valeur des biens compris dans la valise et de s’affranchir des plafonds fixés par les conventions.

En cas de litige avec la compagnie aérienne : plusieurs pistes. Tout d’abord, le passager peut déposer une réclamation auprès de la Direction Générale de l’Aviation Civile, ainsi qu’auprès du Médiateur du Tourisme si la compagnie a adhéré à ses services. Enfin, s’il devient nécessaire d’assigner la compagnie en justice, il est alors avisé de demander conseil à un Avocat spécialisé en droit aérien.

Important : D’après l’article 35 de la Convention de Montréal et l’article 29 de la Convention de Varsovie, les litiges relatifs aux bagages sont prescrits au bout de 2 ans.

L’avis de Maître Dumont [2]Les difficultés liées à la perte, le retard ou le dommage causé à son bagage sont peu connues, pourtant presque un passager par vol en subit les conséquences. Dans la majorité des cas, on retrouve son bagage, il faut cependant prouver le préjudice subi du fait du retard et dans les autres cas, le préjudice peut être immense. C’est pourquoi il est recommandé d’anticiper les démarches à suivre en cas de difficultés, les compagnies pouvant être particulièrement exigeantes concernant les délais à respecter d’une part et d’autre part les pièces à fournir“.

Anaïs Escudié, Présidente de RetardVol et Guilhem Della Malva, Juriste expert chez RetardVol

[2Maître Dumont consulté pour cet article.