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Le patrimoine de la caution. Par Nathalie Aflalo, Avocat.
Parution : lundi 6 juillet 2020
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En matière de cautionnement du dirigeant, la Cour d’Appel de Versailles vient de rendre une décision en date du 10 mars 2020 n°19/01224, qui mérite toute notre attention.

L’engagement de la caution doit obligatoirement être proportionné à ses biens et revenus, l’article L332-1 du code de la consommation dispose qu’une banque :

« Ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où elle est appelée, lui permette de faire face à son obligation ».

La Banque s’informe donc auprès de la caution de ses ressources financières :
- l’état de son patrimoine, de ses revenus, éventuellement de la nature de ses biens, de ses crédits en cours, de son endettement global et éventuelles charges.

Il s’agit d’établir un actif et un passif du patrimoine de la caution, à l’instar du bilan d’une société, débit-crédit [1].

A ce titre, la Banque remet à la caution une pièce mairesse à renseigner, la fiche de patrimoine ou de renseignements.

L’objectif de cette fiche, est de permettre à la Banque une analyse chiffrée, détaillée et méthodique des biens et revenus de la caution afin de déterminer si l’engagement qu’elle s’apprête à recueillir est proportionné à ses biens et revenus.

La cour de cassation indique, qu’il convient de recueillir les informations par le truchement d’une fiche de renseignements signée par la caution et qui fera foi contre elle le cas échéant, le créancier n’étant pas tenu d’un pouvoir de police et n’ayant donc pas l’obligation de vérifier la véracité de ces informations, sauf erreur grossière aisément détectable [2].

La règle est que sauf, anomalie apparente, la banque n’est pas tenue de rechercher l’exactitude des informations fournies.

Cette règle nous ne la connaissons que trop bien, nous praticiens du droit. Il nous est souvent impossible d’aller au-delà des informations portées sur ce document, même si ces dernières s’avèrent inexactes.

« L’anomalie apparente » tient nos arguments en échec.

Mais une anomalie apparente qu’est-ce que c’est ? Le Larousse définit l’anomalie comme ce qui s’écarte de la norme, de la régularité, de la règle.

Nous ne sommes pas plus avancés.

C’est donc dans ce contexte qu’intervient la décision de la Cour d’Appel de Versailles qui à mon sens apporte sa pierre à l’édifice et nous permet de circonscrire cette notion brute.

Une gérante se porte caution pour sa société, du remboursement d’un prêt accordé par un établissement bancaire. La gérante est mariée sous le régime de la communauté.

C’est donc tout naturellement, que la gérante renseigne la fiche de patrimoine que lui présente son établissement bancaire.

Elle y indique entre autres, être propriétaire de deux biens immobiliers. La somme de son patrimoine est supérieure au montant de son engagement.

Pourtant la Cour d’Appel de Versailles juge que la Banque ne pouvait se prévaloir de ce cautionnement qui était disproportionné par rapport aux biens et revenus de la caution.

Comment la Cour d’Appel arrive à ce raisonnement ?

Elle relève que sur cette fiche ne figure pas le régime matrimonial ni quels biens appartenaient à la communauté.

Or poursuit, la Cour, s’agissant d’une anomalie apparente, il appartenait à la banque de faire ajouter ces mentions par la caution et de vérifier la propriété des éléments de patrimoine déclarés.

En l’espèce, un des biens avait été acquis par l’époux de la caution seul avant leur mariage. De ce fait, la caution démontrait que son patrimoine réel était inférieur à ce qu’elle avait indiqué sur la fiche.

Nous rappelons que lorsque le cautionnement a été souscrit par un époux commun en biens ayant obtenu le consentement de son conjoint, la disproportion s’apprécie au regard du seul époux caution tant au regard de ses biens et revenus propres que ceux de la communauté [3].

Les biens propres du conjoint sont exclus de l’analyse de la disproportion.

Nathalie Aflalo, Avocat, Barreau de Paris 126, Boulevard Haussmann, 75008 Paris, www.aflalo-avocat.fr [->avocat.aflalo@yahoo.fr]

[1Cour de cassation arrêt en date du 30 janvier 2019, n°17-31011.

[2Cass.com , 14 novembre 2019, n°18-16.943.

[3Cass com. 22.02.2017.