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La rupture conventionnelle dans la fonction publique. Par Tom Riou, Avocat.
Parution : mardi 7 juillet 2020
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Attendu depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, le mécanisme de la rupture conventionnelle trouve désormais à s’appliquer aux agents publics.

Ce dispositif, qui a fait ses preuves auprès des salariés du secteur privé est, en effet, étendu à certaines catégories d’agents publics depuis le 1er janvier 2020.

Ce nouveau mode de rupture d’un engagement public mérite, à n’en pas douter, quelques explications.

La loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a introduit, par son article 72, le mécanisme de la rupture conventionnelle au bénéfice de certaines catégories d’agents publics et de fonctionnaires.

Bien connue des salariés du secteur privé pour lesquels elle est inscrite au code du travail depuis 2008, la rupture conventionnelle consiste en un accord mutuel, par lequel un travailleur et son employeur conviennent des conditions de cessation définitive des fonctions initialement dévolues au travailleur.

Soumise à des concessions réciproques, la rupture conventionnelle permet, en pratique, de mettre un terme aux fonctions d’un agent, en contrepartie d’une indemnité de rupture négociée.

La rupture conventionnelle, qui ne peut pas être imposée par l’une des parties à l’autre, mais nécessite un réel accord des volontés, permet également à l’agent de bénéficier, une fois son contrat rompu, des allocations chômage, s’il en remplit les conditions d’attribution.

Nouvelle en droit des fonctions publiques, la rupture conventionnelle est ouverte aux fonctionnaires titulaires des fonctions publiques d’Etat, territoriale et hospitalière et aux agents contractuels engagés par un contrat à durée indéterminée, à titre expérimental, du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2025.

Alors que les conditions concrètes de mise en œuvre de ce mécanisme restaient floues, deux décrets (n°2019-1593 et 2019-1596) du 31 décembre 2019, sont venus encadrer ce nouveau mode de rupture d’un engagement public, pour les fonctionnaires titulaires et les agents contractuels recrutés par un contrat à durée indéterminée.

1. Les agents concernés.

La rupture conventionnelle est ouverte aux fonctionnaires titulaires.

Elle ne s’applique, cependant, pas :
- aux fonctionnaires stagiaires ;
- aux agents contractuels en période d’essai ;
- aux fonctionnaires et agents contractuels ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite ;
- aux fonctionnaires détachés en qualité d’agents contractuels ;
- aux agents contractuels faisant l’objet d’une procédure de licenciement ou de démission.

S’agissant des agents contractuels de droit public, seuls ceux recrutés par l’effet d’un contrat à durée indéterminée sont concernés par ce mécanisme de rupture de leur engagement.

Il convient de noter qu’aucune convention de rupture conventionnelle ne peut être conclue alors que l’agent contractuel se trouve en période d’essai.

2. Les modalités de la rupture conventionnelle.

Aux termes de l’article 72 de la loi du 6 août 2019, la rupture conventionnelle résulte d’une convention signée par les deux parties.

Cette convention définie les conditions de cette rupture de l’engagement de l’agent et fixe, notamment, le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle, qui ne peut pas être inférieur à un montant fixé par décret.

Concrètement, la procédure de rupture conventionnelle peut être engagée à l’initiative de l’agent public ou de l’administration dont il relève.

L’agent ou l’employeur à l’origine de cette demande doit en informer l’autre partie par lettre recommandée ou remise en mains propres contre signature. Lorsque la demande émane du fonctionnaire, celle-ci doit être adressée, au choix de l’intéressé, au service des ressources humaines ou à l’autorité investie du pouvoir de nomination.

Une fois cette demande de rupture conventionnelle transmise, un entretien doit se tenir à une date fixée au moins dix jours francs et au plus tard un mois après la réception de la lettre de demande de rupture conventionnelle.

Cet entretien est conduit par l’autorité hiérarchique, l’autorité territoriale ou l’autorité investie du pouvoir de nomination dont relève le fonctionnaire.

Le cas échéant, plusieurs entretiens peuvent être organisés pour parvenir à un accord.

Ces entretiens doivent, principalement, porter sur :
- les motifs de la demande et le principe de la rupture conventionnelle ;
- la fixation de la date de la cessation définitive des fonctions ;
- le montant envisagé de l’indemnité de rupture conventionnelle ;
- les conséquences de la cessation définitive des fonctions.

S’agissant du montant de l’indemnité de rupture conventionnelle, il ne peut pas être inférieur à :
- un quart de mois de rémunération brute par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;
- deux cinquièmes de mois de rémunération brute par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans et jusqu’à quinze ans ;
- un demi mois de rémunération brute par année d’ancienneté à partir de quinze ans et jusqu’à vingt ans ;
- trois cinquièmes de mois de rémunération brute par année d’ancienneté à partir de vingt ans et jusqu’à vingt-quatre ans.

Ce montant ne peut pas dépasser un plafond fixé à un douzième de la rémunération brute annuelle perçue par l’agent par année d’ancienneté, dans la limite de vingt-quatre ans d’ancienneté.

A cet égard, la rémunération brute de référence pour la détermination de cette indemnité est celle perçue par l’agent au cours de l’année civile précédant la date d’effet de la rupture conventionnelle.

En outre, sont exclues de cette rémunération de référence :
- les primes et indemnités qui ont le caractère de remboursement de frais ;
- les majorations et indexations relatives à une affection outre-mer ;
- l’indemnité de résidence à l’étranger ;
- les primes et indemnités liées au changement de résidence, à la primo-affectation, à la mobilité géographique et aux restructurations ;
- les indemnités d’enseignement ou de jury ainsi que les autres indemnités non directement liées à l’emploi.

Lorsque l’agent avait un logement de fonction, le montant des primes et indemnités pris en compte est celui qu’il aurait perçu s’il n’avait pas bénéficié de ce logement.

Dans le respect de ce cadre, la négociation est libre.

Pour ce faire, le fonctionnaire peut se faire assister par un conseiller, à condition d’en avoir, au préalable, informé l’autorité avec laquelle la procédure est engagée.

3. Les effets de la rupture conventionnelle.

Pour prendre effet, les termes et les conditions de la rupture conventionnelle doivent être énoncés dans une convention signée par les deux parties.

La signature de cette convention doit avoir lieu, au moins, quinze jours francs après la tenue du dernier entretien.

Ce contrat fixe, notamment, le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle et la date de cessation définitive des fonctions de l’agent.

Chaque partie reçoit un exemplaire original de la convention de rupture conventionnelle et une copie de cette convention est versée au dossier administratif du fonctionnaire.

Une fois conclue et une fois passé un délai de quinze jours francs dans lequel les parties peuvent faire jouer leur droit de rétractation, cette convention met un terme aux fonctions de l’agent et entraîne sa radiation des cadres et la perte de la qualité de fonctionnaire.

Il convient de noter que le fonctionnaire qui, dans les six années suivant la rupture conventionnelle, est recruté en tant qu’agent public pour occuper un emploi au sein de sa fonction publique initiale est tenu de rembourser, au plus tard dans les deux ans qui suivent son recrutement, les sommes perçues au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle.

Tom Riou, Avocat au Barreau de Paris [->tomriou.avocat@gmail.com] [->https://www.tomriou-avocat.com/]
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