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Comment contester un rapport d’expertise médicale après un accident de la route ? Par Michel Benezra, Avocat.
Parution : jeudi 16 juillet 2020
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Si le rapport médical ne lie pas le tribunal, tous les rapports d’expertise n’ont pas la même force. Avant de contester un rapport médical, il faut impérativement comprendre de quel rapport médical il s’agit. En effet, il existe plusieurs types d’experts et en fonction de leur qualité, leurs rapports seront plus ou moins contestables.

1° De quel expert il s’agit, et surtout, de quel rapport médical il en ressort ?

Souvent la notion d’expert médical est confondue régulièrement par les victimes de la route et par beaucoup de professionnels intervenant en réparation de dommages corporels.

La qualification de « médecin-expert » doit être réservée au seul médecin-expert désigné judiciairement, donc par un juge pendant une audience.

Ce médecin-expert est d’ailleurs régulièrement inscrit sur une liste d’experts agréés par la cour d’appel du département ou par la cour de cassation. Son agrément est ainsi régulièrement renouvelé, ou pas.

Un avocat intervenant en droit du dommage corporel, en défense donc des intérêts d’une victime d’un accident de la circulation par exemple, pourra alors saisir un juge par le biais d’un référé-expertise (action judiciaire).

Très souvent, c’est l’article 145 du Code de procédure civile qui sera invoqué à l’appui de la demande d’expertise : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

Le juge des référés consultera sa liste de médecins-experts agréés afin de nommer dans une ordonnance ledit expert chargé de réaliser l’expertise médicale, selon une mission définie dans les écritures de l’avocat de victimes, demandeur à la procédure.

Le médecin-expert désigné, convoquera les parties (respect du principe du contradictoire) pour un examen clinique de la victime, puis rendra alors un rapport médical judiciaire.

Au contraire, le médecin désigné par l’assurance ne pourra pas revêtir la « casquette » de médecin-expert puisqu’il sera appelé dans le jargon médical : médecin de compagnies.

Attention, certains médecin inscrits sur les listes de médecins-experts réalisent parfois quelques missions pour des compagnies d’assurances et n’hésitent pas à abuser de leur qualité de médecin-expert (alors qu’ils n’agissent pas dans le cadre judiciaire) et utilisent leurs papiers à entête en toute illégalité, créant alors une confusion totale dans l’esprit de la victime accidentée.

Le médecin de compagnie rendra un rapport amiable unilatéral (si la victime est venue seule), ou un rapport amiable contradictoire (si la victime était assistée d’un médecin-conseil).

Enfin, le médecin qui assiste les victimes de la route prendra la qualification de médecin-conseil de victimes ou de médecin de recours.

Ce médecin travaille régulièrement en binôme avec l’avocat de victimes de la route. Ce médecin de recours peut aussi rendre un rapport médical.

2° Contester un rapport médical amiable unilatéral ?

Une expertise amiable unilatérale est une expertise dans laquelle, seul le médecin de la compagnie est intervenu. Aussi, ce médecin de compagnie rendra un rapport médical amiable unilatéral. Ce rapport peut être contesté par la victime par le simple fait de demander une expertise amiable contradictoire, c’est à dire avec l’intervention d’un médecin aux cotés de la victime accidentée.

Une expertise amiable contradictoire est en effet, une expertise réalisée entre le médecin de l’assurance et le médecin choisi par la victime, autrement appelé médecin-conseil de victimes.

Le code des assurances prévoit la possibilité d’une telle expertise [1]. Il convient de préciser que la propre assurance de la victime de la route pourra lui proposer de se faire assister par un médecin de son réseau.

Or, ce médecin travaillant pour les compagnies d’assurance, il est important à ce que la victime décline une telle proposition et afin d’être assistée par un médecin qui assiste uniquement les victimes de la route et qui saura et voudra défendre ses intérêts : le médecin-conseil de victimes.

Lors de l’expertise amiable contradictoire, le médecin-conseil de la victime assiste la victime, et peut poser des questions afin de préciser certains points évoqués. Ce médecin-conseil est en effet présent lors l’examen clinique avec la victime et procède conjointement à l’évaluation des préjudices avec le médecin de l’assurance. Les médecins se référeront traditionnellement sur la nomenclature Dintilhac, qui détaille chaque poste de préjudices à indemniser.

A l’issue de l’expertise, le médecin de l’assurance dispose d’un délai de vingt jours pour adresser son rapport d’expertise médical à la victime et à son médecin-conseil [2].

Si le rapport d’expertise est conforme, le médecin-conseil de victimes signe le rapport d’expertise amiable qui devient alors contradictoire. A défaut, la victime de la route peut encore contester ce rapport.

3° Contester un rapport médical amiable contradictoire ?

Dès lors que la victime de la route constate une incohérence, une erreur ou un simple désavantage, elle a tout intérêt à contester le rapport d’expertise amiable contradictoire (ou unilatéral) réalisé par le médecin de compagnie qui aura tendance à préserver les intérêts de sa mandante : la compagnie d’assurance.

En effet, le médecin de compagnie ne soigne pas et intervient avec une plus grande liberté (serment d’Hippocrate) dans le cadre d’expertises.

En général, c’est le médecin-conseil de victimes qui a assisté la victime de la route à l’expertise amiable contradictoire, qui a signalé la différence d’interprétation à l’avocat qui prendra alors l’initiative de contester le rapport d’expertise en saisissant un juge en la forme du référé expertise.

Le référé-expertise permet à la victime de solliciter du juge des référés, autrement appelé juge de l’urgence et de l’évidence, la désignation d’un médecin-expert judiciaire, inscrit sur les listes de la Cour d’Appel.

A noter que même lorsqu’une instance pénale est pendante devant le tribunal correctionnel, il est toujours possible d’introduire un référé-expertise afin qu’il soit désigné par le juge des référés, un médecin-expert judiciaire dans la spécialité souhaitée [3]

A l’issue de la procédure de référé, le juge désignera un médecin-expert impartial et indépendant.

Outre l’impartialité requise du fait de sa fonction, le médecin-expert judiciaire devra tout au long des opérations d’expertise respecter et faire respecter le principe du contradictoire.


En tout état de cause, le rapport ne lie pas le juge qui peut octroyer l’indemnisation d’un préjudice rapporté alors que le rapport n’en fait pas mention.

En effet, le rapport d’expertise ne vient en effet jamais s’imposer au magistrat qui reste libre, en fonction des arguments avancés par les avocats de réaliser des expertises complémentaires, de réaliser des contre-expertises, d’approfondir tel ou tel point, de fixer un taux horaire dans les cas de besoin en tierce personne (Voir article La tierce personne : comment l’évaluer, comment l’indemniser ? Par Michel Benezra, Avocat.)

Michel Benezra, avocat associé BENEZRA AVOCATS Droit Routier & Dommages corporels [->info@benezra.fr] https://www.benezra-victimesdelaroute.fr

[1Article R211-43 du code des assurances.

[2Article R.211-44 du Code des assurances.