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La responsabilité du médecin pédicure-podologue. Par Jean Claude Arik, Juriste.
Parution : lundi 20 juillet 2020
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Depuis la promulgation de la loi santé, les pédicures-podologues n’ont plus pour seules missions de réaliser les soins d’hygiène des pieds ou de créer les semelles ayant vocation à soulager des affections.

L’article L4322-1 du Code de la santé publique prévoit que le pédicure-podologue peut désormais confectionner des semelles, non seulement pour des pathologies déjà existantes, mais également pour prévenir l’apparition de nouvelles pathologies.

L’élargissement du domaine de compétence du pédicure-podologue dans le domaine de l’élaboration des semelles accroît nécessairement le risque de voir sa responsabilité engagée.

A cet égard, il faut savoir que la responsabilité du médecin pédicure-podologue peut être engagée tant devant les juridictions civiles que pénales.

La responsabilité civile du médecin pédicure-podologue.

L’article L1142-1 du Code de la santé publique prévoit que le médecin pédicure-podologue est tenu par une obligation de moyens.

En effet, il est prévu que :

« Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.

Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère ».

Dans ces conditions, il incombe au praticien de tout mettre en œuvre, en fonction des connaissances scientifiques dont la communauté médicale dispose, pour soigner la pathologie qui lui est soumise par le patient.

Toutefois, s’il n’y parvient pas et que l’absence de résultat favorable constaté par le patient ne résulte pas de la commission d’une faute, sa responsabilité ne saurait être engagée.

A contrario, si le patient parvient à démontrer que le praticien a commis une faute qui serait en lien de causalité avec le préjudice subi, la responsabilité du pédicure-podologue pourra être engagée.

Ainsi, par exemple, le Tribunal de grande instance de Paris par une décision du 9 janvier 2013 a rappelé qu’au même titre que les professionnels de santé, le pédicure podologue est soumis à une responsabilité pour faute.

En effet, dans cette affaire une patiente avait requis les services d’une pédicure podologue pour l’élaboration de semelle orthopédique. Toutefois, après plusieurs semaines de port des semelles, la pathologie s’était aggravée au point de recourir au service d’un second pédicure podologue qui avait quant à lui établit un diagnostic diamétralement opposé. La patiente, désireuse d’obtenir la réparation de son préjudice, a tenté d’engager la responsabilité du praticien.

Néanmoins, les magistrats, à la lecture des observations développées par le pédicure podologue qui avait expliqué que d’une part les séances s’étaient déroulées normalement et d’autre part qu’il avait réalisé l’ensemble des test diagnostics l’ayant conduit à opter pour une catégorie de semelle, ont considéré que le praticien n’avait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité.

En tout état de cause, si le patient est en mesure d’apporter la preuve qu’une faute est imputable au praticien, il n’en demeure pas moins que cette faute doit être en lien avec le préjudice subi.

Ainsi, si le préjudice dont a été victime le patient a été causé par son comportement négligent (non-respect des conseils et protocoles de soins délivrés par le pédicure podologue) ou une prédisposition inconnue à certaines pathologies, l’imputabilité de la faute reprochée au praticien pourra valablement être contestée.

Par exemple, il a été jugé par le Tribunal de grande instance de Montpellier, 3 décembre 2002 que le patient qui reprochait à son pédicure podologue une aggravation de sa pathologie alors qu’il n’avait pas respecté les préconisations concernant le port des semelles orthopédiques ne peut obtenir la réparation de son préjudice.

La responsabilité pénale du pédicure-podologue.

Lorsqu’un patient porte plainte et que le procureur de la république estime que l’infraction est suffisamment caractérisée, il peut poursuivre le pédicure podologue devant une juridiction pénale.

Dans le cadre de son exercice professionnel, le pédicure podologue peut malheureusement commettre une faute de négligence, d’imprudence ou d’inattention pouvant entraîner des dommages corporels importants pour le patient.

Ainsi, l’article 222-19 du Code pénal définissant les blessures involontaires prévoit que :

« le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ».

Faisant application de l’article 222-19 du Code pénal, le Tribunal correctionnel de Toulouse a déclaré coupable un pédicure podologue qui, lors de l’ablation d’un cor, a entaillé le tendon de son patient par une mauvaise manipulation de ses instruments.

Par ailleurs, d’autres délits peuvent être reprochés aux pédicures-podologues.

En effet, la profession de pédicure podologue, en tant que profession réglementée, a crée un délit d’exercice illégal de la profession.

En effet, l’article L4322-2 du Code de la santé publique prévoit que :

« Nul ne peut exercer la profession de pédicure-podologue si ses diplômes, certificats, titres ou autorisation n’ont été enregistrés conformément au premier alinéa et s’il n’est inscrit au tableau tenu par l’ordre. Le directeur général de l’agence régionale de santé ainsi que le parquet du tribunal de grande instance ont un droit d’accès permanent au tableau tenu par l’ordre et peuvent en obtenir copie ».

En l’occurrence, une jeune femme exerçant la profession de pédicure manucure a été citée par devant le tribunal correctionnel par le conseil de l’ordre des pédicures podologues qui considérait qu’elle ne disposait d’aucun titre lui permettant d’exercer cette profession. La jeune femme se défendait en indiquant qu’elle ne réalisait aucun acte de podologie et se cantonnait à la réalisation de soins d’hygiène du pied et de pédicuries.

Néanmoins, la Cour de cassation au visa de la loi du 25 mai 1984 qui a substitué le terme de pédicure par celui de pédicure podologue rappelle que la profession de pédicure podologue nécessite l’obtention d’un diplôme et d’une inscription au tableau de l’ordre des pédicures podologue.

A côté de ces responsabilités civiles et pénales, le pédicure podologue devra également veiller à bien respecter ses obligations déontologiques afin de ne pas être poursuivi par devant la chambre disciplinaire pour un éventuel manquement à sa déontologie.

Jean Claude Arik Juriste Droit Médical Droit du Dommage Corporel Droit de la Responsabilité Médicale https://www.elfassi-avocat.fr