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Activité partielle : comment se préparer et réagir aux contrôles de la DIRECCTE ? Par Stéphane Friedmann, Avocat.
Parution : lundi 20 juillet 2020
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Dans le cadre d’une instruction ministérielle adressée le 5 mai 2020 par le Ministère du Travail aux DIRECCTES, un plan de contrôle a été déployé permettant de vérifier, et le cas échéant, de sanctionner l’utilisation abusive de l’activité partielle par les entreprises.
Dans un communiqué du 11 mai suivant, le Ministère du Travail a précisé les objectifs de ce plan de contrôle et les moyens dont disposent les DIRECCTES pour assurer cette tâche.
La Ministre du Travail a annoncé que l’objectif était de réaliser 50 000 contrôles cet été et a précisé que 850 fraudes étaient déjà suspectées.

I. Les moyens d’action de la DIRECCTE.

Comme chacun le sait aujourd’hui, le dispositif d’activité partielle a été utilisé par plus d’1 million d’entreprises sans quasiment de contrôle préalable, l’engagement de l’Etat étant de répondre très rapidement aux demandes des entreprises.
Bien entendu, dans certains cas, celles-ci ont pu, de bonne foi, se tromper alors que d’autres ont pu, délibérément, frauder le système.

Les contrôleurs, pour mener à bien leur mission, auront la possibilité d’utiliser la méthode de l’échantillonnage et ils pourront bien entendu se servir des données communiquées par les entreprises à l’Agence de Services et de Paiement lors du dépôt de leurs demandes.

Le premier moyen de contrôle utilisé sera donc un croisement de données administratives provenant de différentes bases qui pourront servir à déclencher des contrôles sur pièces ou sur place.

Les agents de contrôle de l’inspection du travail disposent en effet de moyens étendus leur permettant de contrôler l’application du droit du travail sous toutes ses formes au sein des entreprises.

Ils disposent d’un pouvoir d’investigations qui les autorise notamment à :
- Pénétrer dans l’entreprise et à la visiter sans avertissement préalable,
-  Mener une enquête, notamment en interrogeant les salariés et en demandant communication de documents,
- Demander dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé aux personnes occupées dans l’entreprise ou sur le lieu de travail, ainsi qu’à toute personne dont ils sont amenés à recueillir les déclarations dans l’exercice de leur mission, de justifier de leur identité et de leur adresse,
- A l’occasion de leur mission, se faire présenter l’ensemble des livres, registres et documents rendus obligatoires par le Code du Travail ou par une disposition légale,
- Ils peuvent également se faire communiquer tout document ou tout élément d’information quel qu’en soit le support, utile à la constatation de faits susceptibles de permettre la vérification du respect des dispositions mentionnées à l’article L8113-5 du Code du Travail, c’est-à-dire notamment des dispositions relatives à la santé et à la sécurité au travail, ce qui par ce biais pourrait leur permettre d’accéder par exemple aux mails des salariés.

II. Les axes de contrôle.

Le Ministère du Travail précise dans son communiqué que les DIRECCTES devront distinguer les sociétés qui de bonne foi ont commis des erreurs en remplissant leur demande d’indemnisation et celles qui ont intentionnellement commis des fraudes.
Dans le premier cas, il est demandé aux DIRECCTES d’engager un dialogue avec l’entreprise en vue d’aboutir à une régularisation à l’amiable en amenant l’entreprise à reconnaître son erreur et à la corriger.

Dans le second cas, le Ministère du Travail a précisé que les entreprises risquaient des sanctions pénales (jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amendes) et administratives (remboursement des aides perçues et exclusion du bénéfice des aides publiques pendant une durée pouvant aller jusqu’à 5 ans).

Afin de maximiser l’efficacité des contrôles, il est demandé aux DIRECCTES de traiter rapidement et systématiquement tout signalement transmis par les salariés, les organisations syndicales ou les CSE.

Les fraudes les plus couramment constatées concernent les entreprises ayant mis leurs salariés en activité partielle à 100% tout en leur demandant de télétravailler, ainsi que celles qui ont fait des demandes de remboursements intentionnellement majorées en trichant sur le montant des salaires versés aux salariés.

Certains secteurs devraient être plus particulièrement concernés par les contrôles et il devrait s’agir des secteurs qui n’ont pas fait l’objet d’arrêtés de fermeture mais qui ont décidé de cesser en grande partie le travail compte tenu du contexte sanitaire.

Il devrait ainsi s’agir du secteur du BTP ou des activités de conseil aux entreprises.
De même, les secteurs employant un nombre important de cadres qui auraient pu continuer à poursuivre leur travail en télétravail, mais dont leurs employeurs ont décidé une mise en activité partielle, devraient être contrôlés.

Les entreprises doivent donc, dès maintenant, anticiper ces contrôles en se préparant à répondre aux questions des agents de contrôle et en leur fournissant les documents qu’ils demanderont de produire.

Celles-ci devront ainsi pouvoir justifier de la raison qui les ont conduites à réduire ou à arrêter totalement leur activité.

Elles pourront par exemple produire les demandes de suspension d’exécution des contrats de leurs clients ou encore justifier des difficultés d’approvisionnement les ayant conduites à cesser leur activité.

Elles devront ensuite justifier de l’effet de ces décisions sur les salariés.
Elles devront expliquer le pourcentage d’activité partielle qu’elles ont retenu.
Elles devront également s’expliquer sur l’impossibilité à laquelle elles ont été confrontées de mettre en place au sein de l’entreprise, des mesures barrières permettant la poursuite du travail, ou encore l’impossibilité de mettre en place un télétravail.

III. Les possibilités de contestation.

Un certain nombre de ces contrôles vont bien entendu aboutir à des décisions défavorables pour les entreprises.

En pratique, l’administration va donc annuler l’autorisation qu’elle avait accordée en demandant à l’entreprise la restitution des allocations d’activité partielle déjà perçues.

Celle-ci pourra alors intenter un recours administratif auprès de la DIRECCTE qui a pris la décision, ou auprès du Ministre du Travail dans le cadre d’un recours hiérarchique.

Ces recours doivent être exercés dans les deux mois de la décision administrative.
L’administration dispose d’un délai de deux mois pour répondre et en l’absence de réponse dans ce délai, le recours administratif est implicitement rejeté.
Le juge administratif peut alors être saisi dans un délai de deux mois de la décision de rejet.

Parallèlement au recours contentieux, l’entreprise devra introduire un référé suspension à l’encontre de la décision de la DIRECCTE, ce référé suspension ayant pour but d’obtenir la suspension de la décision administrative, car à défaut l’entreprise devrait rembourser sans attendre l’issue de son recours les sommes qu’elle a perçues au titre du télétravail.

Bien entendu, ce recours ne peut s’envisager que dans la mesure où l’entreprise considère disposer de moyens sérieux permettant de contester la position de la DIRECCTE.

Stéphane Friedmann Avocat au Barreau de Paris SF&A SIKSOUS FRIEDMANN & Associés Société Civile Professionnelle d’Avocats https://www.siksous-friedmann.com