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L’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi en France : un droit acquis pour les étudiants Gabonais. Par Sylvain Obame, Avocat.
Parution : mardi 21 juillet 2020
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L’article R5221-48 du Code du Travail interdit aux étudiants étrangers de s’inscrire sur la liste tenue par Pôle Emploi et partant de bénéficier de l’allocation de retour à l’emploi (ARE).

Cette disposition a été validée par le Conseil d’État dans son arrêt du 30 décembre 2000 [1].

L’existence d’accords et de conventions bilatérales (1992, 2002 et 2007) régissant le droit au séjour en France des ressortissants gabonais s’oppose toutefois, à des degrés divers, à ce que soient appliquées à ces derniers les dispositions de la législation française de droit commun.

La jurisprudence administrative [2], postérieure à l’arrêt du Conseil d’Etat suscité s’appuie sur ces accords et conventions pour confirmer que les Etudiants Gabonais titulaires d’une carte de séjour avec la mention « étudiant » sont éligibles à la liste des demandeurs d’emplois en France.

Tel est le droit actuellement applicable.

I. La carte de séjour étudiante : un document officiel non attributif du droit d’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi en France.

Le rappel du principe d’exclusion (A) et les applications jurisprudentielles et administrâmes (B).

A. Le rappel du principe : l’article R52221-48 du Code du Travail.

L’article R5221-48 du Code du Travail fixe limitativement la liste des titres de séjours et de travail permettant une inscription sur la liste tenue par Pole Emploi.

Il dispose expressément que :

« Pour être inscrit, le travailleur étranger doit être titulaire de l’un des titres de séjour suivants :

1° La carte de résident délivrée en application des articles L314-8, L314-8-1, L314-8-2, L314-9, L314-11, L314-12, L314-14 et L316-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
2° La carte de séjour pluriannuelle portant la mention salarié mentionnée au 6° de l’article R5221-3 du code du travail ;
3° La carte de séjour portant la mention "passeport talent" délivrée en application des 1°, 2°, 4° et 9° de l’article L. 313-20 ou de l’article L313-21 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ainsi que le visa de long séjour valant titre de séjour correspondant à ces motifs de séjour ;
4° La carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" mentionnée au 8° et au 13° de l’article R5221-3 du code du travail ;
5° L’un des documents mentionnés au 9° ou l’autorisation provisoire de travail mentionnée au 14° de l’article R5221-3, lorsque le contrat de travail, conclu avec un employeur établi en France, a été rompu avant son terme, du fait de l’employeur, pour un motif qui lui est imputable ou pour un cas de force majeure ;
6° La carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention "vie privée et familiale", délivrée en application de l’article L313-11, de L316-1 ainsi que des articles L313-17 et L313-19 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; ou le visa de long séjour valant titre de séjour mentionné aux 4° et 11° de l’article R311-3 du même code ;
7° Le récépissé mentionné au 11° de l’article R5221-3 du présent code ;
8° Les visas de long séjour valant titre de séjour mentionnés aux 8°, 10° et 12° de l’article R5221-3 ;
9° L’autorisation provisoire de séjour délivrée en application de l’article L316-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
10° La carte de séjour temporaire portant la mention “recherche d’emploi ou création d’entreprise ” mentionnée à l’article L313-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
11° La carte de séjour pluriannuelle portant la mention “bénéficiaire de la protection subsidiaire” ou la mention “membre de la famille d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire”, mentionnée à l’article L313-25 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
12° La carte de séjour pluriannuelle portant la mention “bénéficiaire du statut d’apatride” ou la mention “membre de la famille d’un bénéficiaire du statut d’apatride”, mentionnée à l’article L313-26 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
 ».

Cet article assez long est au centre de l’exclusion.

En effet, il faut dire et redire ici que dans cette liste ne figure pas le titre de séjour portant la mention « étudiant ».

Il faut aussi rappeler, que l’article R5521-26 du Code du Travail dispose que :

« L’étranger titulaire d’un titre de séjour portant la mention étudiant est autorisé à exercer une activité salariée, à titre accessoire, dans la limite d’une durée annuelle de travail égale à 964 heure ».

Cette carte de séjour vaut autorisation de travail, sans qu’il soit nécessaire de saisir la DIRECCTE pour obtenir une autorisation provisoire de travail (APT) supprimée au demeurant depuis 2007.

Mais en cas de perte d’emploi, l’étudiant étranger ne peut pas prétendre à une allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), dite également allocation chômage.

L’inscription sur la liste tenue par Pôle emploi comme demandeur d’emploi l’exclue également des bénéficiaires d’une formation professionnelle.

Si cet article avait vocation à être critique, nous dirions à la suite de Jean-Philippe Foegle, qu’il s’agit d’un « racket organisé » en matière d’accès aux prestations chômage .

Et pour cause. Les étudiants étrangers paient en effet des cotisations lorsqu’ils travaillent, mais ne peuvent en revanche prétendre à l’indemnisation chômage quels que soient les motifs de l’interruption du contrat de travail.

B. L’application jurisprudentielle du principe.

Comme sus-évoqué, l’article R5221-48 du Code du Travail interdit aux étudiants étrangers de s’inscrire sur la liste tenue par Pôle Emploi et partant de bénéficier des allocations chômage.

Cette disposition a été validée par le Conseil d’Etat.

En effet, dans un arrêt du 30 décembre 2000, celui-ci a jugé que les étrangers bénéficiant d’une autorisation provisoire de travail sont « seulement autorisés à exercer une activité professionnelle par nature temporaire et chez un employeur déterminé » et ne peuvent ainsi être considérés comme « autorisés à procéder à la recherche d’un nouvel emploi sur le marché du travail en France » [3].

Sur le plan administratif, les directeurs de Pôle Emploi rejettent les demandes d’inscription des étudiants étrangers sur la liste qu’ils tiennent, se fondant sur la législation du travail.

Il en a été le cas de la décision :
- Du Directeur de l’Agence Pôle Emploi Malbosc à Montpellier du mois de mai 2010, ayant refusé l’inscription d’un étudiant ressortissant gabonais sur la liste des demandeurs d’emploi ;
- Du Directeur régional de Pôle Emploi Languedoc-Roussillon en date du 21 juillet 2010 ayant confirmé, sur recours hiérarchique formé le 15 juin 2010, le refus d’inscription d’un étudiant ressortissant gabonais sur la liste des demandeurs d’emploi ;
- Du Directeur de l’Agence Pôle Emploi Dijon Nord en date du 30 décembre 2015, ayant refusé l’inscription de Monsieur A. M. sur la liste des demandeurs d’emploi ;
- De la Directrice de l’Agence Pôle Emploi Caen Beaulieu, Madame Evelyne Leporche, en date du 20 avril 2017, ayant confirmé, sur recours gracieux formé le 2 avril 2017, le refus d’inscription d’un étudiant ressortissant gabonais sollicitée le 31 janvier 2017 (vous pouvez retrouver cette décision, irrégulière en la forme, puisque ne comportant ni voies ni délais de recours. Cette décision n’a fait l’objet d’aucun recours pour excès de pouvoir ;
- Du Directeur de l’Agence Pôle Emploi de Persan en date du 11 décembre 2018, ayant notifié un refus d’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi à une étudiante ressortissante gabonaise.

Sur ce dernier cas, l’étudiante a contesté cette décision devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise. L’affaire est toujours pendante. Mais, Pole Emploi s’est désisté et a décidé d’inscrire la plaignante sur la liste qu’il tient en la dédommageant à compter de la date à laquelle elle aurait dû être inscrite.

II. La carte de séjour étudiante : un document officiel attributif du droit d’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi en France reconnu aux Gabonais.

L’existence d’accords et de conventions bilatérales régissant le droit au séjour en France des ressortissants gabonais s’oppose, à des degrés divers, à ce que soient appliquées à ces derniers les dispositions de la législation française de droit commun.

Le droit dérogatoire d’inscription est donc affirmé dans les conventions bilatérales (A) et confirmé par la jurisprudence administrative (B).

A. Un droit affirmé dans les accords bilatéraux franco-gabonais.

La dérogation au droit commun du travail des ressortissants gabonais trouve sa source dans les traités ou accords bilatéraux franco-gabonais, parce qu’ils ont une valeur supa-législative (1).

Mais cette inapplicabilité n’est possible qu’à condition que ces accords soient régulièrement ratifiés par le Président de la République ou approuvés par le Parlement et publiés sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie (2).

1. Les accords franco-gabonais dérogatoires et leur supra-légalité.

a. La Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes du 2 décembre 1992.

Le 2 décembre 1992 à Paris, le Gabon et la France ont signé la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes.
La loi française n° 94-531 du 28 juin 1994 a autorisé l’approbation de ladite Convention.

Le décret français n°2003-963 du 3 octobre 2003 la publie au Journal officiel de la République française [4].

Elle est entrée en vigueur le 31 mars 2003.

b. La Convention d’établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise du 11 mars 2002.

Le 11 mars 2002 à Libreville a été signée la Convention d’établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise.

La loi française n° 2003-557 du 26 juin 2003 en autorise l’approbation.

Le décret français n°2004-684 du 8 juillet 2004, référencé au Journal Officiel de la République française n°160 du 11 juillet 2004, la publie.

Cette Convention est entrée en vigueur le 1er février 2004.

C’est précisément l’article 5 alinéa 2 de cette Convention qui confère aux étudiants gabonais le droit de s’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi et de bénéficier de l’ARE.

Il stipule que

« les nationaux de chacune des Parties contractantes bénéficient sur le territoire de l’autre des dispositions de la législation du travail, des lois sociales et de sécurité sociale dans les mêmes conditions que les nationaux de cette Partie, sous réserve qu’ils soient en situation régulière ».

Cette convention est dite abrogatoire et substitutive.

Abrogatoire et substitutive de la Convention d’établissement entre la République française et la République gabonaise, signée à Libreville le 17 août 1960, et de la Convention d’établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise, signée à Paris le 12 février 1974.

Cette convention a une durée quinquennale à compter de son entrée en vigueur.

À l’expiration de cette période, elle est renouvelable annuellement par tacite reconduction, sauf dénonciation par l’une des Parties contractantes.

La dénonciation est soumise à une condition formelle et temporelle, à peine de nullité.

Sur la forme, la dénonciation devra être notifiée par voie diplomatique.

Sur le temps, la dénonciation doit être notifiée six mois avant l’expiration de chaque période d’un an.

La régularité de la dénonciation suppose également que chacune des Parties notifie à l’autre l’accomplissement des procédures internes requises, en ce qui la concerne, pour la mise en vigueur de la convention.

Cette dénonciation prend effet le premier jour du deuxième mois suivant la réception de la dernière notification.

Aucune dénonciation de ladite convention n’est jamais intervenue.

c. L’accord franco-gabonais relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement du 5 juillet 2007.

Le 5 juillet 2007 a été signé à Libreville l’accord franco-gabonais relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement.

Cet accord se réfère aux dispositions pertinentes de la convention relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Paris le 2 décembre 1992 ainsi qu’à celles de la convention d’établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise signée à Libreville le 11 mars 2002.

La Loi française n° 2008-569 du 19 juin 2008 autorise son approbation.

Il a été publié par le décret français n°2008-900 du 3 septembre 2008.

Les dispositions de cet accord sont dites complémentaires et prioritaires.

En effet, l’article 8 de cet accord stipule que

« les dispositions du présent accord, qui complètent la convention relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Paris le 2 décembre 1992 et la convention d’établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise signée à Libreville le 11 mars 2002, prévalent sur toute disposition contraire antérieure ».

Il énonce ainsi le principe de la prévalence des dispositions qui y sont contenues sur toute disposition contraire antérieure, mais relative à l’inscription des étudiants gabonais sur la liste des demandeurs d’emploi en France.

Il convient tout d’abord de faire les remarques suivantes, qui ne sont pas anodines :

C’est la publication de l’accord au Journal Officiel qui l’introduit dans l’ordre interne français. C’est-à-dire que le juge interne français peut désormais l’appliquer et les justiciables peuvent s’en prévaloir.

Mais il faut encore que le traité internalisé (ratifié ou approuvé et publié au JO) soit invocable pour être invoqué par les particuliers.

Ce qui signifie que le traité doit être autoexécutoire, autrement dit qu’il ne doit pas nécessiter l’édiction de mesures d’application.

Il convient donc de retenir qu’un traité ratifié ou approuvé (comme en l’espèce) n’est internalisé (introduit et applicable dans l’ordre juridique interne) que s’il est publié au Journal officiel et n’est invocable que s’il est autoexécutoire.

Il faut ensuite indiquer (et la précision n’est pas dénuée d’importance), que toutes ces conventions établissent le principe de supra-légalité.

Ce principe s’inscrit dans la logique des dispositions constitutionnelles de l’Etat français.

Ces dispositions posent le principe de la supra-légalité des engagements internationaux souscrits par la France. C’est le sens de l’article 55 de la Constitution française.

Il ressort de la lettre et de l’économie de cette norme constitutionnelle que

« les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ».

Au regard de cet article, la valeur supra-législative des traités n’est objectivement concevable que sous couvert de trois conditions.

2. Les conditions trinitaires de la supra-légalité des traités.

Tout d’abord, les traités ne sont applicables dans l’ordre interne que lors qu’ils sont ratifiés par le Président de la République comme l’y autorise l’article 52 de la Constitution française, après une autorisation parlementaire.

Ainsi la loi n°2000-557 du 26 juin 2003 autorise l’approbation de la Convention d’établissement du 11 mars 2002.

Une fois ratifiés, les traités doivent être publiés aux Journaux officiels de chaque État partie.

La convention suscitée a été publiée au Journal Officiel de la République Française n°160 en date du 11 juillet 2004.

Dès lors que les accords sont publiés, ils doivent être appliqués réciproquement, à peine d’exclusion.

Il serait paradoxal qu’une norme internationale qui ne serait pas respectée par ses cosignataires gabonais, puisse néanmoins prévaloir sur la loi française et vice-versa.

On aurait sans doute dû s’attendre à ce que le principe de supra-légalité soit inscrit dans la Constitution gabonaise. Or ce n’est pas le cas.

La constitution gabonaise ne pose pas ce principe de la supra-légalité des traités internationaux.

En effet, l’article 114 de la Constitution gabonaise prévoit tout simplement que « les Traités ne prennent effet qu’après avoir été régulièrement ratifiés et publiés ».

Sans doute, est-ce un oubli. Ce n’est pas certain. Le droit étant le reflet de l’ordre social auquel il a vocation à s’appliquer. On peut comprendre que chaque Etat crée le droit qui correspond à sa complexion sociologique.

Par déduction, il est permis de penser qu’au Gabon, en lieu et place du principe de supra-légalité des traités, le législateur a plutôt institué celui d’infra-légalité, sans clairement l’indiquer.

Si tel est le cas, la conséquence est qu’une loi gabonaise peut contredire les dispositions conventionnelles bilatérales, et partant les écarter.

Dans ce cas, la réciprocité serait remise en cause et l’insécurité juridique serait ambiante.

On peut toutefois se consoler, dans la mesure où la réciprocité n’est pas d’ordre public.

Il en résulte qu’il revient à chaque partie de veiller à ce que l’autre partie applique le traité.

Mais cette différence ne remet pas en cause l’application des conventions ci-dessus énumérées.

La jurisprudence que nous verrons ensuite s’appuie sur ce principe sans le viser pour confirmer que les étudiants gabonais titulaires d’une carte de séjour avec la mention « étudiant » sont éligibles à la liste des demandeurs d’emplois en France.

B. Un droit confirmé par la jurisprudence administrative.

Au bénéfice de l’article 4 du Code Civil français relatif au déni de justice, le Juge Administratif français a eu l’occasion de se prononcer positivement à deux reprises sur la capacité des Gabonais titulaires d’une carte de séjour étudiant à s’inscrire sur la liste des demandeurs d’emploi en France.

Le jugement affirmatif rendu par le Tribunal Administratif de Montpellier (1), et l’arrêt confirmatif de la Cour Administrative d’Appel de Marseille (2) en sont les illustrations.

Ces décisions ont été complétées le 26 février 2016 par une ordonnance suspensive du Juge des référés du Tribunal Administratif de Dijon (3).

1. Le jugement affirmatif rendu par le Tribunal Administratif de Montpellier du 24 mai 2012.

Le 19 mai 2010, Monsieur M.A.C, étudiant gabonais, détenteur d’une carte de séjour étudiante a formé une demande d’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de l’agence Pôle Emploi Malbosc à Montpellier, parce qu’il a travaillé en tant qu’étudiant et perdu son emploi.

Le Directeur de Pôle Emploi refuse de l’inscrire aux motifs qu’il est détenteur d’une carte de séjour étudiante qui ne lui permet pas d’y avoir droit.

En date du 15 juin 2010, l’intéressé a formé un recours hiérarchique auprès du Directeur régional de Pôle Emploi Languedoc-Roussillon.

Par décision prise en date du 21 juillet 2010, le Directeur régional sus-désigné a confirmé la décision de l’agence Pole Emploi Malbosc.

Monsieur M.A.C a régularisé un recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal Administratif de Montpellier.

Il a demandé au tribunal d’annuler la décision litigieuse du Directeur régional de Pôle Emploi Languedoc-Roussillon et de l’enjoindre de procéder à son inscription à compter de la date à laquelle il remplit les conditions pour pouvoir être inscrit.

Le Tribunal Administratif de Montpellier a retenu que M. A C..., qui, étant titulaire d’un titre de séjour portant la mention "étudiant", remplissait les conditions pour pouvoir être inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi, était fondé à demander l’annulation de la décision du 21 juillet 2010 directeur régional de Pôle Emploi Languedoc-Roussillon.

Par jugement n°1004215 en date du 24 mai 2012, le Tribunal Administratif de Montpellier a annulé d’une part, la décision attaquée ; et d’autre part a enjoint au Directeur régional d’avoir à procéder à son inscription à compter de la date à laquelle il remplit les conditions pour pouvoir être inscrit.

Mais le Directeur régional de Pôle Languedoc-Roussillon a interjeté appel de ce jugement.

La Cour Administrative d’Appel de Marseille a confirmé le jugement dont appel.

2. L’arrêt confirmatif de la Cour Administrative d’Appel de Marseille du 8 octobre 2013.

Pour confirmer le jugement rendu par le Tribunal Administratif de Montpellier le 24 mai 2012, la Cour Administrative d’Appel de Marseille [5] se fonde d’abord sur les dispositions de l’article 5 de la Convention d’établissement signée à Libreville le 11 mars 2002, publiée au Journal officiel par le décret n° 2004-684 du 8 juillet 2004.

La Cour jugeant bien-fondé ledit jugement, le confirme dans un considérant qu’il est utile de reproduire ici, sans commentaires.

« 6. Considérant toutefois qu’il ressort des pièces du dossier et qu’il est constant qu’à la date de sa demande d’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi, M.C..., de nationalité gabonaise, était titulaire d’un titre de séjour portant la mention "étudiant", avait exercé une activité salariée puis perdu son emploi ; qu’il se trouvait donc en situation régulière sur le territoire national au sens des stipulations de l’article 5 de la convention d’établissement signée à Libreville le 11 mars 2002 ; qu’en l’absence, contrairement à ce que soutient Pôle Emploi, qui ne peut d’ailleurs utilement se prévaloir sur ce point des dispositions de la circulaire du ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, qui ne présentent pas un caractère réglementaire, de stipulation contraire contenue dans l’accord franco-gabonais du 5 juillet 2007, M.C..., en situation régulière sur le territoire national ainsi que cela vient être exposé, bénéficiait sur celui-ci, en vertu des stipulations précitées de l’article 5 de la convention d’établissement signée à Libreville le 11 mars 2002, des dispositions de la législation du travail, des lois sociales et de sécurité sociale dans les mêmes conditions que les nationaux de la France, ce qui impliquait qu’il puisse être inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi sans qu’y fassent obstacle les stipulations de l’article 6 de ladite convention qui sont relatives aux conditions d’exercice d’une activité professionnelle, et non pas aux conditions d’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi en France, et sans devoir justifier être titulaire de l’un des titres de séjour listés par l’article R5221-48 du code du travail susmentionné ; qu’ainsi, c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu que M. C..., qui, étant titulaire d’un titre de séjour portant la mention "étudiant", remplissait les conditions pour pouvoir être inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi, était fondé à demander l’annulation de la décision du 21 juillet 2010 directeur régional de Pôle Emploi Languedoc-Roussillon ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Pôle Emploi (direction régionale Languedoc-Roussillon) n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision en date du 21 juillet 2010 du directeur régional de Pôle Emploi Languedoc-Roussillon et à demander l’annulation dudit jugement et le rejet de la demande formée par M. C...devant le tribunal ».

Il ressort de cet arrêt confirmatif que les ressortissants gabonais bénéficient sur le territoire français de la législation du travail, des lois sociales et de sécurité sociale dans les mêmes conditions que les français, sous réserve qu’ils soient en situation régulière, en vertu de la Convention d’établissement signée à Libreville le 11 mars 2002, jamais dénoncée et donc toujours applicable et invocable.

3. L’ordonnance suspensive du Juge des référés du Tribunal Administratif de Dijon du 26 février 2016.

Par décision en du 30 décembre 2015, le Directeur de l’Agence Dijon Nord de Pôle Emploi a refusé l’inscription de Monsieur A. M sur la liste des demandeurs d’emploi aux motifs que le contrôle de validité effectué en application de l’article L5411-4 du Code du Travail n’avait pas permis d’authentifier le titre de séjour ou de travail qu’il avait présenté et qu’il était détenteur d’un titre de séjour portant la mention « étudiant ».

Monsieur A.M par requête enregistrée le 8 février 2016, a demandé au juge des référés de suspendre l’exécution de cette décision jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité.

Le requérant fait valoir (parmi d’autres moyens) que la décision querellée méconnaît la Convention franco-gabonaise signée à Libreville le 11 mars 2002, laquelle prévoit en son article 5 que « chaque ressortissant d’un pays partie à la convention bénéficie dans l’autre pays des mêmes droits, au regard des législations sociale et du travail, que les nationaux ».

Le Juge des référés du Tribunal Administratif de Dijon, sans répondre au moyen relatif au contrôle de validité du titre de séjour du requérant qui n’en aurait pas permis l’authentification, moyen, au demeurant inopérant et fallacieux (selon l’auteur du présent article), a suspendu l’exécution de cette décision par ordonnance n°1600380 du 26 février 2016, considérant que les conditions d’urgence et de doute sérieux quant à la légalité de l’acte étaient réunies.

Force est toutefois de noter que le Juge des référés, Juge de l’évidence et de l’urgence, et pas du fond, n’a pas jugé que la décision du 30 décembre 2015 du Directeur de l’Agence Dijon Nord de Pôle emploi était illégale.

Le Juge de l’évidence, a tout simplement considéré que les deux conditions cumulatives nécessaires à la suspension de l’exécution d’une décision étaient réunies : l’urgence et le doute sérieux quant à la légalité de la décision.

En clair, le Président du Tribunal Administratif de Dijon a considéré, au vu des éléments versés aux débats :
- Que la décision attaquée était de nature à aggraver la situation économique et financière du requérant justifiant l’urgence à en suspendre l’exécution,
- Et qu’en l’état de l’instruction, est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, le moyen tiré de ce que, par l’application combinée des stipulations de l’article 5 de la convention signée le 11 mars 2002 et des dispositions des articles L5411-1, L5411-4 et R5221-3 du code du travail sans que la liste de l’article R5221-48 du même code ne lui soit opposable, M. A.M., titulaire d’un titre de séjour régulier et involontairement privé d’emploi après avoir exercé une activité salariée, remplissait les conditions pour pouvoir être inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi, justifiant que l’exécution de la décision soit suspendue.

Ce second motif mérite que l’on s’y attarde.

En premier lieu, le Juge des référés dit que c’est par l’application combinée des stipulations de l’article de la Convention franco-gabonaise du 11 mars 2002 et des dispositions du Code du Travail (suscitées) que le doute sérieux quant à la légalité de l’acte est établi.

La normativité de référence du Juge des référés n’est donc pas uniquement la Convention bilatérale d’établissement du 11 mars 2002.

Ce qui veut dire que cette Convention du 11 mars 2002, n’est invocable que combinée avec les articles L5411-1, L5411-4 et R5221-3 du Code du Travail.

En conclusion, cette convention n’était pas autoexécutoire, lors de sa signature le 11 mars 2002.

Cela rejoint l’analyse précédemment développée sur l’application des traités : il faut qu’ils soient introduits dans l’ordre juridique interne par la ratification ou l’approbation selon les cas et la publication au Journal Officiel et qu’ils soient invocables, c’est-à-dire autoexécutoires.

En second lieu, le Juge des référés du Tribunal Administratif de Dijon, s’il était compétent pour juger au fond, aurait tout simplement annulé la décision attaquée et enjoindre Pôle Emploi Dijon Nord à inscrire Monsieur A.M. sur la liste des demandeurs d’emploi.

Et pour cause.

Le Juge des référés admet :
- L’inopposabilité de la liste de l’article R5221-48 du Code du Travail à M. A.M, en application de l’article 5 de la Convention d’établissement franco-gabonaise signée à Libreville le 11 mars 2002,
- Juge que M. A.M. remplit les conditions pour pouvoir être inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi.

Bibliographie.

Accord France-Gabon relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement, signé à Libreville le 5 juillet 2007 et entré en vigueur le 1er septembre 2008.

Article R5221-48 du Code (français) du Travail.

Convention d’établissement franco-gabonaise signée à Libreville le 11 mars 2002, publiée par le décret n° 2004-684 du 8 juillet 2004 et entrée en vigueur le 1er février 2004.

Convention franco-gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Paris le 2 décembre 1992, publiée par le décret n° 2003-963 du 3 octobre 2003, et entrée en vigueur le 31 mars 2003.

Conseil d’Etat, 2e et 1er SSR, 30 décembre 2000, req. n°210231.

Conseil d’Etat assemblée, 18 décembre 1998, arrêt SARL du parc d’activités de Blotzheim et SCI Haselaecker.

Cour Administrative d’Appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 08/10/2013, 12MA03152, Inédit au recueil Lebon.

Décision du Directeur de l’Agence Pôle Emploi Malbosc à Montpellier du mois de mai 2010, ayant refusé l’inscription d’un étudiant ressortissant gabonais sur la liste des demandeurs d’emploi.

Décision du Directeur régional de Pôle Emploi Languedoc-Roussillon en date du 21 juillet 2010 ayant confirmé, sur recours hiérarchique formé le 15 juin 2010, le refus d’inscription d’un étudiant ressortissant gabonais sur la liste des demandeurs d’emploi.

Décision du Directeur de l’Agence Pôle Emploi Dijon Nord en date du 30 décembre 2015, ayant refusé l’inscription de Monsieur Axel Mayombo sur la liste des demandeurs d’emploi.

Décision de la Directrice de l’Agence Pôle Emploi Caen Beaulieu, en date du 20 avril 2017, ayant confirmé, sur recours gracieux formé le 2 avril 2017, le refus d’inscription d’un étudiant ressortissant gabonais sollicitée le 31 janvier 2017.

Décision du Directeur de l’Agence Pôle Emploi de Persan en date du 11 décembre 2018, ayant notifié un refus d’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi à une étudiante ressortissante gabonaise.

Instruction PE n°2011-192 du 24 novembre 2011 (BOPE n°2011-123).

Jean-Philippe Foegle, « L’infra-statut de l’étudiant étranger », dans GISTI « Plein droit » 2014/4 n° 103 pages 36 à 39.

Tribunal Administratif de Montpellier, 24 mai 2012, requête n° 1004215.

Sylvain Obame, Avocat à la Cour Docteur en Droit Public

[1Conseil d’État, 2e et 1er SSR, 30 décembre 2000, req. n°210231.

[2TA Montpellier, 24 mai 2012, req. n°1004215 ; CAA de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 08/10/2013, 12MA03152, Inédit au recueil Lebon ;TA Dijon, Juge des référés, 26 février 2016, req. n°1600380.

[3Conseil d’État, 2e et 1er SSR, 30 décembre 2000, req. n°210231.

[4JORF n°235 du 10 octobre 2003 page 17297.

[5Cour Administrative d’Appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 08/10/2013, 12MA03152, Inédit au recueil Lebon.

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