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Les droits de la personne hospitalisée en soins psychiatriques sans consentement pour péril imminent. Par Philippe de Niort, Avocat.
Parution : lundi 27 juillet 2020
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Il existe quatre cas d’hospitalisations en soins psychiatriques sans consentement. Cette hospitalisation sans consentement peut intervenir à la demande d’un membre de la famille, d’un représentant de l’Etat, du préfet de police de Paris ou du représentant de l’Etat pour les personnes détenues, ou sur la seule initiative d’un médecin en cas de péril imminent pour la personne concernée.

Nous nous attacherons exclusivement aux droits de la personne hospitalisée en soins psychiatriques pour péril imminent, étant observé qu’ils recouvrent en grande partie ceux des autres cas pour lesquels l’hospitalisation intervient sans consentement, notamment lorsqu’elle a lieu à la demande d’un membre de la famille.

Cette étude se limitera à la période située entre l’établissement du certificat médical initial et l’intervention du juge des libertés et de la détention, dans les douze jours suivant l’hospitalisation.

Le certificat médical initial.

L’hospitalisation en soins psychiatriques sans consentement d’une personne en cas de péril imminent, nécessite préalablement la délivrance d’un certificat médical circonstancié, lequel doit être établi dans les conditions prévues à l’article L3212-1 du Code de la santé publique.

Ce certificat médical doit constater :
- l’existence de troubles mentaux rendant impossible le consentement de la personne concernée ;
- un état mental imposant des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme de soins ambulatoires, de soins à domicile, d’une hospitalisation à domicile, de séjours à temps partiel ou de courte durée à temps complet effectués dans un établissement mentionné à l’article L3222-1 ;
- les caractéristiques de la maladie ;
- la nécessité de recevoir des soins ;
- l’existence d’un péril imminent.

Ce premier certificat médical doit être daté de moins de quinze jours et ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade.

Ces conditions de fond de l’application de l’article L3212-1 du Code de la santé publique devront ensuite être soumises au contrôle du juge des libertés et de la détention.

Cependant, il n’appartient pas au juge des libertés de substituer son appréciation à celle du médecin ayant établi le premier certificat médical, ni à ceux qui vont suivre ou aux constatations médicales ultérieures qui sont obligatoires.

La Cour de cassation a censuré une ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant retenu que les constatations médicales étaient imprécises, en discordance avec les propos tenus par l’intéressé à l’audience, lequel se disait prêt à voir un psychiatre, dès lors qu’en statuant ainsi, par des motifs relevant de la seule appréciation médicale, il a substitué son avis à l’évaluation, par les médecins, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins [1].

Il n’en demeure pas moins qu’il incombe au juge des libertés et de la détention de vérifier que le certificat médical initial répond aux exigences de l’article L3212-1 du Code de la santé publique.

Il semble donc qu’il devrait, à tout le moins, sanctionner une motivation insuffisante de ce certificat médical, au cas où ce dernier ne satisferait pas à chacune des conditions prévues à l’article L3212-1 du Code de la santé publique, en prononçant la mainlevée de l’hospitalisation en soins psychiatrique sans consentement, pour péril imminent.

La frontière entre le contrôle d’une motivation suffisante du certificat initial et l’appréciation de son contenu d’ordre médical, ne doit pas pour autant être franchie, ce qui rend difficile ta tâche dévolue au juge des libertés et de la détention.

A cet égard, il convient d’observer que si l’article L3212-1 du Code de la santé publique exige la constatation d’un trouble mental rendant impossible le consentement et celle d’une maladie, il ne précise pas que cette dernière devrait relever d’une pathologie mentale, ni que le certificat médical initial devrait être établi par un médecin psychiatre, de sorte qu’il peut l’être par un médecin généraliste.

Dès lors, il suffit que le certificat médical initial se borne à déclarer, par pure affirmation, que la personne concernée n’a pas de consentement, que son état nécessite des soins et qu’il existe un péril imminent, sans décrire les caractéristiques de la maladie dont elle serait atteinte, pour qu’il échappe à un contrôle rigoureux du juge des libertés et de la détention.

Un certificat médical initial faisant état d’un comportement qui ne relève pas en soi d’une pathologie mentale, comme par exemple l’hétéro-agressivité, à savoir un simple état agressif envers autrui, ou le délire de persécution, échappera au contrôle du juge des libertés, en dépit de l’insuffisance de sa motivation sur les caractéristiques de la maladie.

Il en résulte qu’une personne qui ne présente aucune pathologie mentale, peut être l’objet d’une hospitalisation en soins psychiatriques sans son consentement.

En d’autres termes, un individu considéré comme dangereux pour son entourage ou pour la société, peut être interné sans son consentement sur décision quasi discrétionnaire émanant des médecins.

Cela n’est pas sans rappeler le film culte en la matière : « Vol au-dessus d’un nid de coucou ».

S’agissant d’un domaine où la subjectivité peut facilement prendre le pas sur la raison, et même le droit, il y a lieu de s’interroger, dans une société démocratique, sur la détention arbitraire prohibée par les articles 66 de la Constitution, 7 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 que le Conseil constitutionnel a intégrée au préambule de la Constitution, et 5§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, et ce d’autant plus que l’article L3216-1 du code de la santé publique dispose que l’irrégularité affectant une hospitalisation en soins psychiatriques sans consentement entraîne la mainlevée de la mesure s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l’objet.

En revanche, la Cour de cassation a jugé que la mainlevée de l’admission en soins psychiatriques doit être ordonnée par le juge des libertés et de la détention, si la condition d’extériorité du certificat médical initial n’a pas été respectée. Il s’agit là d’une condition purement objective et non de l’appréciation in abstracto d’une pathologie mentale ne relevant pas de la compétence du juge.

Elle a dit :

« Il résulte de l’article L3212-1 II. 2°, du code de la santé publique, figurant au chapitre II du titre sur les modalités de soins psychiatriques, que, lorsqu’elle est prononcée en raison d’un péril imminent pour la santé de la personne soumise aux soins, la décision d’admission du directeur de l’établissement d’accueil doit être accompagnée d’un certificat médical circonstancié dont le médecin auteur ne peut exercer dans l’établissement accueillant le malade. Selon l’article L3216-1, alinéa 2, du code de la santé publique, l’irrégularité affectant une décision administrative prise en application des chapitres II à IV du titre précité n’entraîne la mainlevée de la mesure que s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne. L’exigence d’extériorité du médecin auteur du certificat médical initial vise à garantir le droit fondamental selon lequel nul ne peut être arbitrairement privé de liberté. Il s’en déduit que la méconnaissance de cette exigence porte en soi atteinte aux droits de la personne au sens du second texte » [2].

L’admission dans un établissement habilité à assurer des soins psychiatriques sans consentement.

Dans la pratique, il arrive que le service d’ urgence d’un hôpital décide, initialement, de l’hospitalisation en soins psychiatriques sans consentement, pour péril imminent, d’un patient qu’il vient de prendre en charge, et transfert celui-ci dans un établissement habilité à cet effet en vertu de l’article L3222-1 du Code de la santé publique, après avoir fait établir par un médecin de son service le certificat initial prévu à l’article L3212-1 du même Code.

Or, l’admission en soins psychiatriques doit être décidée par le directeur d’un établissement visé à l’article L3222-1 du Code de la santé publique, seul habilité à prendre en charge une telle hospitalisation d’une personne sans son consentement, en vertu de l’article L3212-1, alinéa 1er dudit Code.

L’article L3222-1.I du Code de la santé publique dispose :

« Le directeur général de l’agence régionale de santé désigne, après avis du représentant de l’Etat dans le département concerné, un ou plusieurs établissements autorisés en psychiatrie chargés d’assurer les soins psychiatriques sans consentement, en application des chapitres II à IV du titre Ier du présent livre ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale ».

D’ailleurs, l’article L3211-2-3 du Code de la santé publique prévoit que lorsqu’une personne remplissant les conditions pour être admise en soins psychiatriques est prise en charge en urgence par un établissement de santé qui n’assure pas, en application de l’article L3222-1, celle des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques, son transfert vers un établissement exerçant cette mission doit être organisé.

Décider de l’hospitalisation en soins psychiatriques d’une personne accueillie par le service d’urgence d’un hôpital, apparaît donc comme une décision prématurée.

La décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement prononcée par le directeur de l’établissement visé à l’article L3222-1 du Code de la santé publique, doit être notifiée à la personne concernée, et il en va de même pour chaque décision prononçant le maintien des soins ou définissant la forme de la prise en charge, outre qu’elle doit être informée de ses droits et voies de recours, ainsi que l’exige l’article L3211-3 du même Code.

Ces décisions doivent-elles être motivées ? Les dispositions du Code de la santé publique ne le précisent pas, alors qu’elles soumettent les certificats médicaux à certaines conditions.

Aux termes de l’article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police".

L’article L3216-1 du Code de la santé publique donne compétence au juge judiciaire pour statuer sur la légalité tant externe qu’interne de ces décisions administratives, dérogeant ainsi au principe selon lequel la légalité d’un acte administratif est soumis au contrôle du juge administratif, de sorte que le juge des liberté peut contrôler si, en la forme, elles sont motivées ou non.

Cependant, la Cour de cassation a jugé :

"si l’autorité administrative qui prend une mesure de placement ou maintien en hospitalisation sans consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux doit, d’une manière appropriée à son état, l’informer le plus rapidement possible des motifs de cette décision, de sa situation juridique et de ses droits, le défaut d’accomplissement de cette obligation, qui se rapporte à l’exécution de la mesure, est sans influence sur sa légalité" [3].

Cette décision est contraire à la jurisprudence du Conseil d’Etat antérieure à l’unification du contentieux dévolu, en vertu de l’article L3216-1 du Code de la santé publique, au juge des libertés et de la détention, selon laquelle "l’autorité administrative, lorsqu’elle prononce ou maintient l’hospitalisation d’office d’un aliéné, doit indiquer dans sa décision les éléments de droit et de fait qui justifient cette mesure" [4].

De même, le Conseil d’Etat a annulé une disposition d’un décret pris en application de la loi du 5 juillet 2011, relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, au motif que :

"la décision d’admission en soins psychiatriques prise à la demande d’un tiers par le directeur de l’établissement, qui doit désormais être formalisée et motivée en application des dispositions issues de la loi du 5 juillet 2011 et dont le juge des libertés et de la détention doit être à même de vérifier la régularité..." [5].

Enfin, il convient de rappeler qu’il est constant en jurisprudence que les acte administratifs n’ont pas d’effet rétroactif, sauf en cas de retrait, ce qui pose la question de la légalité de la rétention d’une personne en soins psychiatriques préalablement à la décision d’admission incombant au directeur de l’établissement.

Avant l’entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 2011, le Conseil d’Etat considérait qu’

« Une personne majeure présentant des signes de maladie mentale ne peut être retenue contre son gré dans un établissement d’hospitalisation que pendant le temps strictement nécessaire à la mise en œuvre des mesures d’internement d’office ou de placement volontaire, prévues par le code de la santé publique (...) ».

Dès lors,

« en l’absence de tout titre l’autorisant légalement, le maintien contre son gré de (la patiente) dans le service psychiatrique (…) a constitué une voie de fait » [6].

A ce jour, la Cour de cassation s’est prononcée sur la légalité de l’autorisation d’hospitalisation en soins psychiatriques sans consentement prononcée par le directeur d’un établissement habilité à cet effet, eu égard à son caractère rétroactif, exclusivement dans un avis du 11 juillet 2016, concernant la mise en oeuvre d’une telle mesure à la demande d’un préfet.

Elle a dit :

"la décision du préfet devrait précéder tant l’admission effective du patient que la modification de la « forme de la prise en charge » et ne peut donc pas avoir d’effet rétroactif.
"Toutefois, un délai étant susceptible de s’écouler entre l’admission et la décision du préfet, celle-ci peut être retardée le temps strictement nécessaire à l’élaboration de l’acte, qui ne saurait excéder quelques heures. Au-delà de ce bref délai, la décision est irrégulière
" [7].

La question relative à la légalité de la décision d’admission en soins psychiatrique sans consentement prise initialement par les services d’urgences des hôpitaux non habilité à cet effet, demeure en suspens.

L’obligation de prévenir la famille de la personne admise en soins psychiatrique pour péril imminent.

Cette obligation d’information incombe donc nécessairement à l’établissement habilité, ainsi que cela résulte des observations précédentes, à prendre en charge l’hospitalisation en soins psychiatrique d’une personne sans son consentement.

L’article L3212-1, II, 2, alinéa 2°, du Code de la santé publique, dispose que

« le directeur de l’établissement d’accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l’objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l’intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l’existence de relations avec la personne malade antérieures à l’admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celle-ci ».

La Cour de cassation a jugé que la main levée d’une mesure d’hospitalisation psychiatrique sans consentement doit être ordonnée, dès lors que cette information n’a pas été délivrée.

Elle a dit : « Est ordonnée à bon droit la mainlevée immédiate d’une mesure d’hospitalisation psychiatrique sans consentement, dès lors qu’aucun proche du patient mentionné à l’article L3212-1, II, 2°, alinéa 2, du code de la santé publique n’a été avisé, et que, même si l’information avait été donnée au conjoint, la circonstance d’un conflit ancien et profond existant entre les époux aurait fait devoir au directeur de la délivrer aux parents du malade » [8].

Or, dans la pratique, l’obligation de prévenir la famille de la personne admise en soins psychiatrique par un établissement habilité en vertu de l’article L3222-1 du Code de la santé publique, précité, est parfois exécutée prématurément et donc à mauvais escient, par certains services d’urgence des hôpitaux ne bénéficiant pas de cette habilitation, ce qui laisse planer un doute certain sur la légalité d’une telle mesure.

Ce système est plus commode et bien huilé.

Mais il y a plus. Il arrive que le service d’urgence d’un hôpital contacte un membre de la famille pour solliciter sa demande d’hospitalisation en soins psychiatriques de l’un de sa fratrie, et non pour l’informer de l’existence d’une telle mesure à l’égard de celui-ci, laquelle ne peut intervenir qu’ultérieurement sur décision du directeur d’un établissement habilité à cet effet.

Un relevé des démarches de recherche et d’information de la famille est alors établi, mentionnant qu’un membre de la famille a été contacté, ce qui relève d’une interprétation erronée des dispositions de l’article L3212-1, II, 2, alinéa 2°, du Code de la santé publique.

Il faut bien l’avouer, le juge des libertés et de la détention n’est pas enclin à sanctionner une telle pratique. Certes, il se doit de travailler en coopération avec les médecins et les hôpitaux en charge de patients présumés à risque pour leur entourage et la société, dans le domaine de la psychiatrie qui ne relève pas de sa compétence, et l’institution judiciaire n’aime pas les vagues.

Probablement que la Cour de cassation, si elle était saisie de cette question pourrait, du haut de sa tour d’ivoire qui la protège des contingences bassement matérielles, sanctionner une telle pratique.

L’établissement de deux certificats médicaux, l’un dans les vingt-quatre heures et l’autre dans les soixante-douze heures suivant l’hospitalisation.

L’article L3211-2-2 du Code de la santé publique prévoit, après un examen somatique complet de la personne admise en soins psychiatriques sans son consentement, dans les vingt-quatre heures puis dans les soixante-douze heures suivant cette hospitalisation, l’établissement d’un certificat médical par un psychiatre de l’établissement d’accueil, constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir lesdits soins au regard des conditions d’admission définies à l’article L3212-1 du même Code.

Ces deux certificat médicaux doivent donc répondre aux mêmes exigences que celles imposées pour le certificat initial, à la différence près qu’ils sont établis par des psychiatres de l’établissement de soins psychiatriques où a été admise la personne concernée.

La question qui vient à l’esprit est celle de savoir s’ils peuvent pallier la carence du certificat médical initial, en cas d’insuffisance de motivation de celui-ci.

La Cour de cassation considère que le moyen tiré de l’illégalité d’un certificat médical établit dans le cadre de l’hospitalisation en soins psychiatriques sans consentement, n’est pas un vice de forme.

Elle a dit :

« Il résulte des dispositions de l’article L3216-1 du code de la santé publique que, lorsque le juge des libertés et de la détention contrôle la régularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, le moyen pris de l’irrégularité d’un certificat médical ne constitue pas une exception de procédure, au sens de l’article 112 du code de procédure civile, mais une défense au fond, qui peut être présentée pour la première fois en cause d’appel » [9].

Dès lors qu’il ne s’agit pas d’une nullité de procédure susceptible d’être couverte par application de l’article 112 du Code de procédure, ou de l’article 115 du même Code, il y a tout lieu de penser que les certificat médicaux établis dans les vingt-quatre et soixante-douze heures suivant l’admission ne peuvent avoir pour effet de régulariser le certificat médical initial.

De même, le certificat médical établi dans les soixante-douze heures ne saurait avoir pour effet de régulariser le précédant.

A cela s’ajoute qu’un avis motivé d’un psychiatre de l’établissement d’accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète, doit accompagner la saisine du juge des libertés et de la détention par le directeur de cet établissement, en vertu de l’article L3211-12.II du Code de la santé publique, laquelle doit intervenir dans un délai de 8 jours à compter de la décision d’admission.

Il résulte des articles R3211-12 et R3211-12 du Code de la santé publique, que la personne hospitalisée à accès, dans l’établissement où elle séjourne, à la décision d’admission motivée et, le cas échéant, à la décision la plus récente ayant maintenu la mesure de soins, aux certificats et avis médicaux susvisés au vu desquels la mesure de soins a été décidée, et de tout autre certificat ou avis médical utile, dont ceux sur lesquels se fonde la décision la plus récente de maintien des soins.

Cependant, invoquer devant le juge des libertés et de la détention un moyen soutenant que l’un de ces documents ne peut avoir pour effet de pallier la carence du certificat médical initial insuffisamment motivé, de l’un de ceux qui lui succède, de la décision d’admission en soins psychiatriques ou de celles ayant maintenu cette mesure, ainsi que tout moyen critiquant leur motivation, se heurte aux difficultés énoncées dans les observations précédentes relatives audit certificat.

L’intervention du juge des libertés et de la détention.

Aux termes de l’article L3211-12-1 du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention est saisi par le directeur de l’établissement dans un délai de huit jours à compter de la décision prononçant l’admission ou la réadmission du patient en hospitalisation complète, et s’il est saisi après l’expiration de ce délai, le juge constate sans débat que la mainlevée de l’hospitalisation complète est acquise, à moins qu’il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l’origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense.

Le juge des libertés et de la détention doit statuer dans un délai de douze jours à compter de l’admission, à défaut de quoi la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète est acquise, en vertu de l’article L3211-12-1 du code de la santé publique.

La Cour de cassation a jugé que

« Viole ces dispositions l’ordonnance qui retient que la saisine plus de huit jours après la décision d’admission du patient en hospitalisation complète est régulière au motif que le juge était en mesure de statuer dans le délai de douze jours à compter de la décision de réadmission du patient en fugue, sans relever l’existence d’une circonstance exceptionnelle à l’origine de la saisine tardive » [10].

Cette saisine du juge des libertés et de la détention doit être accompagnée, en vertu de l’article R3211-24 du Code de la santé publique, de l’avis motivé d’un psychiatre de l’établissement d’accueil prévu à l’article L3211-12.II. dudit Code, lequel doit décrire avec précision les manifestations des troubles mentaux dont est atteinte la personne qui fait l’objet de soins psychiatriques et les circonstances particulières qui, toutes deux, rendent nécessaire la poursuite de l’hospitalisation complète au regard des conditions posées par les articles L3212-1 et L3213-1.

Par ailleurs, l’article R3211-25 du Code de la santé publique dispose que le premier alinéa de l’article 641 et le second alinéa de l’article 642 du code de procédure civile ne sont pas applicables à la computation des délais dans lesquels le juge doit être saisi et doit statuer.

Aux termes des dispositions des articles 641, alinéa 1, du Code de procédure civile, lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas.

En vertu des dispositions de l’article et 642, alinéa 2, du code de procédure civile, le délai qui expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Dès lors, les délais susvisés de l’article L3211-12-1 du Code de la santé publique commencent à courir le jour de l’hospitalisation en soins psychiatriques.

En outre, le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l’établissement d’accueil peut aussi, à tout moment, aux fins d’ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d’une mesure de soins psychiatriques, être saisi, conformément à l’article L3211-12 du Code de la santé publique, par :
- la personne faisant l’objet des soins ;
- les titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur si la personne est mineure ;
- la personne chargée de sa protection si, majeure, elle a été placée en tutelle ou en curatelle ;
- son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle elle est liée par un pacte civil de solidarité ;
- la personne qui a formulé la demande de soins ;
- un parent ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de la personne faisant l’objet des soins ;
- le procureur de la République.

Les dispositions de ce texte donnent aussi au juge des libertés le pouvoir de se saisir d’office.

En première instance, la personne qui fait l’objet de sons psychiatriques est convoquée à l’audience du juge des libertés et de la détention, conformément à l’article R3211-13 du Code de la santé publique, alors qu’en appel elle ne l’est pas nécessairement, mais elle peut demander à être entendue en vertu de l’article R3211-21 du même Code.

La Cour de cassation considère qu’une personne admise en soins psychiatriques sans son consentement, a le droit d’être entendue en appel, sauf en cas de motif médical constaté dans l’avis motivé d’un médecin ou, le cas échéant, de constat d’une circonstance insurmontable [11].

Devant le juge des libertés et de la détention et le premier président de la cour d’appel, en cas d’appel, la personne faisant l’objet de soins psychiatriques est, conformément à l’article R3211-8 du Code de la santé publique, assistée ou représentée par un avocat dans le cas où le magistrat décide, au vu de l’avis médical prévu au deuxième alinéa de l’article L3211-12-2 dudit Code, de ne pas l’entendre. Les autres parties ne sont pas tenues d’être représentées par un avocat.

Les greffes civils des cours d’appel considèrent que la procédure est sans représentation obligatoire, et ils n’exigent donc pas le timbre fiscal qui est nécessaire pour interjeter appel dès lorsque le litige ressortit, en appel, d’une procédure avec représentation obligatoire.

S’agissant d’une matière dispensée du ministère d’avocat, la procédure est orale en vertu de l’article 817 du Code de procédure civile, ce dont il résulte qu’en principe, le juge est saisi exclusivement par les moyens développés oralement à l’audience.

En effet, dans la procédure orale, une demande en justice présentée dans un écrit n’est valablement formée que lorsqu’elle est oralement soutenue à l’audience des débats [12], dès lors que seules les conclusions écrites, réitérées verbalement à cette audience, saisissent valablement le juge [13].

Cependant, la Cour de cassation a dérogé à ce principe, en estimant qu’en matière d’hospitalisation en soins psychiatriques sans consentement, le juge des libertés et de la détention doit de répondre aux moyens qui figurent dans la déclaration d’appel motivée, même en l’absence de l’appelant et de son représentant à l’audience [14].

L’article R3211-8 du Code de la santé publique, précité, selon lequel l’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire si le juge des libertés et de la détention décide d’entendre la personne hospitalisée en soins psychiatriques consentement, n’apparaît pas conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Elle a conclu à la violation de l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, en relevant (uniquement en anglais) :

"la Cour constate que l’avocat T.Ž. a agi essentiellement en tant qu’observateur passif des débats. Bien que les tribunaux locaux étaient conscients de son attitude passive dans la procédure, ils ont échoué à prendre les mesures appropriées pour garantir l’efficacité de la représentation en justice du demandeur. Dans un tel contexte, il convient de rappeler que les personnes handicapées ont besoin d’une représentation juridique efficace et que les juridictions nationales compétentes ont un devoir de surveillance renforcé pour garantir cette efficacité" [15].

Dans un précédant arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme avait déjà condamné la Croatie pour des faits similaires (uniquement en anglais) :

"Le tribunal de comté a commis d’office un avocat pour représenter la requérante dans la procédure formée par elle contre son internement forcé. Cependant, cet avocat ne s’est pas entretenu avec elle, ne lui a fourni aucun conseil juridique et n’a rendu aucune conclusion en son nom : il a fait fonction d’observateur passif au cours du procès. La seule désignation d’un avocat, sans que celui-ci fournisse la moindre assistance juridique réelle, ne peut satisfaire aux exigences de l’« assistance juridique » nécessaire aux personnes internées en tant qu’« aliénés ». La représentation en justice effective des aliénés appelle une obligation de contrôle plus poussée de leurs représentants par les autorités internes compétentes. Bien que conscientes des carences de l’avocat, les autorités croates n’ont pas pris les mesures qui s’imposaient pour garantir la représentation en justice effective de la requérante. De plus, bien qu’il se soit rendu auprès de la requérante à l’hôpital, le juge devant lequel la procédure fut conduite n’a pas pris les dispositions appropriées pour assurer son accès effectif à la justice, en l’informant par exemple de ses droits ou en envisageant la possibilité pour elle de comparaître à l’audience. Compte tenu des multiples défaillances qui ont entaché la procédure d’internement forcé de la requérante, la Cour conclut que les autorités internes n’ont pas satisfait aux exigences procédurales impératives de l’article 5 de la Convention" [16].

Isolement et contention au sein d’une unité pour malades difficiles.

Une personne admise en soins psychiatriques sans consentement pour péril imminent, peut ensuite être l’objet d’une mesure d’isolement et de contention.

Cela signifie qu’il est probable qu’elle sera ligotée à son lit.

L’article L3222-5-1 du Code de la santé publique prévoit l’admission en chambre d’isolement et de contention d’une personne admise en soins psychiatriques sans consentement, afin de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou pour autrui

Ce texte dispose qu’il s’agit de pratiques de dernier recours, auxquelles il ne peut être procédé que sur décision d’un psychiatre et pour une durée limitée, dont la mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte confiée à des professionnels de santé désignés à cette fin.

Aux termes des dispositions de l’article L3222-3 du Code de la santé publique, les personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète sans consentement, peuvent être prises en charge dans une unité pour malades difficiles lorsqu’elles présentent pour autrui un danger tel que les soins, la surveillance et les mesures de sûreté nécessaires ne peuvent être mis en œuvre que dans une unité spécifique.

L’article R3222-1 du Code de la santé publique énonce que les unités pour malades difficiles accueillent des patients relevant de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète et dont l’état de santé requiert la mise en œuvre, sur proposition médicale et dans un but thérapeutique, de protocoles de soins intensifs et de mesures de sécurité particulières.

L’article R3222-2 dispose que l’admission du patient dans une unité pour malades difficiles est prononcée par arrêté du préfet du département ou, à Paris, du préfet de police, où se trouve l’établissement dans lequel est hospitalisé le patient avant son admission en unité pour malades difficiles.

Cependant, la Cour de cassation considère que « Les mesures d’isolement et de contention constituent des modalités de soins ne relevant pas de l’office du juge des libertés et de la détention, qui s’attache à la seule procédure de soins psychiatriques sans consentement pour en contrôler la régularité et le bien-fondé » [17].

Ainsi, a-t-elle jugé que : « Le placement sous contention dans une chambre d’isolement d’un service d’urgence constitue une mesure médicale qui ne relève pas du contrôle du juge des libertés et de la détention » [18].

Cela n’est pas sans soulever la question relative à la détention arbitraire ainsi qu’aux traitements inhumains et dégradants, prohibés respectivement par les articles 5§1 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

Les voies de recours contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention.

L’ordonnance du juge des libertés et de la détention prise en application des articles L3211-12 du Code de la santé publique est susceptible d’appel devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué, mais il n’est pas suspensif, conformément à l’article L3211-12-4 du même Code.

Aux termes de l’article R3211-19 du Code de la santé publique, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d’appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la Cour d’appel.

Le premier président de la cour d’appel ou son délégué doit statuer, en vertu de l’article R3211-22 du Code de la santé publique, dans un délai de douze jours, ou dans celui de vingt-cinq jours si une expertise est ordonnée, à moins qu’il n’ait été donné un effet suspensif à l’appel.

Le délai pour faire appel est de dix jours à compter de la notification de l’ordonnance, en vertu des dispositions de l’article 185 du Code de procédure pénale.

La computation des délais susvisés n’est pas régie par les dispositions précitées de l’article R3211-25 du Code de la santé publique, de sorte le premier alinéa de l’article 641 et le second alinéa de l’article 642 du code de procédure civile sont applicables.

En effet, la Cour de cassation a jugé :

« Les dispositions dérogatoires de l’article R3211-25 du code de la santé publique ne sont pas applicables à la computation des délais dans lesquels un premier président ou son délégué, chargé du contrôle des mesures de soins psychiatriques sans consentement, doit être saisi et doit statuer. Il en résulte, aux termes des articles 641, alinéa 1, et 642, alinéa 2, du code de procédure civile, que, dans cette procédure d’appel, d’une part, lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas, d’autre part, le délai qui expirait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant » [19].

Il en résulte que le premier jour de la notification de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ne fait pas courir le délai d’appel, et que celui-ci est prorogé s’il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié, au premier jour ouvrable suivant.

En outre, les moyens soulevés pour la première fois en appel ne sont pas irrecevables, sauf dans le cas où le premier président de la cour d’appel a statué antérieurement dans le même litige.

En effet, l’objet du litige étant circonscrit à la mainlevée de la mesure d’hospitalisation, de tels moyens ne sont pas contraires aux dispositions de l’article 563 du Code de procédure civile selon lesquelles pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves, ni à celles de l’article 564 du même Code aux termes desquelles les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, ni à celles de l’article 566 dudit Code en vertu desquelles les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Ainsi, la Cour de cassation a jugé : « il incombe au juge qui statue sur une mesure de soins psychiatriques sans consentement de répondre à l’ensemble des moyens, même soulevés pour la première fois en cause d’appel, à la seule exception des irrégularités antérieures à une instance où il a été statué sur une précédente demande » [20].

Enfin, l’ordonnance du juge des libertés et de la détention n’est pas susceptible d’opposition, mais le pourvoi en cassation est possible, conformément aux dispositions de l’article R. 3211-23 du Code de la santé publique. Cependant, il s’agit d’une procédure avec représentation obligatoire, ce qui impose le ministère d’un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, à défaut d’une disposition expresse dérogatoire.

Philippe de Niort Avocat au Barreau de Paris [->de-niort.philippe@orange.fr] https://www.philippedeniortavocat.com

[1Civ. 27 septembre 2017, Bull. civ. I, n° 206, pourvoi n° 16-22.544.

[2Civ. 1ère, 5 décembre 2019, en voie de publication au Bulletin, pourvoi n° 19-22.930.

[3Civ. 15 janvier 2015, Bull. civ. I, n°15 , pourvois n° 13-24.361.

[4CE, Deslande, 9 novembre 2001, Rec. 547, n° 235247.

[5CE, Association Cercle de réflexion et de proposition d’action sur la psychiatrie, 13 novembre 2013, Rec. Tables, n°352667.

[6CE, Brousse, 18 octobre 1989, Rec. Tables, n° 75096 ; dans le même sens : CE, 17 novembre 1997, Rec. n°155196.

[7Civ. 11 juillet 2016, Bull. civ. Avis n° 6, n° 16-70.006.

[8Civ.18 décembre 2014, Bull. civ. I, n° 217, pourvoi n° 13-26.816.

[9Civ. 1ère, 19 décembre 2019, en voie de publication au Bulletin, pourvoi n° 19-22.946.

[10Civ. 1ère, 24 mai 2018, en voie de publication au Bulletin, pourvoi n° 17-21.056.

[11Civ. 12 octobre 2017, Bull. civ. I, n° 217, pourvoi n° 17-18.040.

[12Soc. 13 septembre 2017, Bull. civ. V, n° 136, pourvoi n° 16-13.578 ; dans le même sens : Civ. 18 juin 2014, Bull. civ. III, n° 85, pourvoi n° 12-20.714 ; Civ. 6 juin 2013, Bull. civ. II, n° 117 , pourvoi n° 12-21.406.

[13Civ. 21 mars 2019, en voie de publication au Bulletin, pourvoi n° 17-27.805 ; Civ. 15 mai 2014, Bull. civ. II, n° 111, pourvoi n° 12-27.035 ; dans le même sens : Civ. 6 décembre 2012, Bull. civ. II, n° 201, pourvoi n° 10-24.721.

[1416 décembre 2015, Bull. civ. I, n° 331, pourvoi n° 15-12 ; Civ. 9 février 2012, Bull. civ. I, n° 24, pourvoi n° 10-28.197.

[15CEDH, Cutura c. Croatie, 10 janvier 2019, req. n° 55942/15.

[16CEDH, M.S. c. Croatie, 19 février 2015, req. n° 75450/12.

[17Civ. 1ère, 21 novembre 2019, en voie de publication au Bulletin, pourvoi n° 19-20.513.

[18Civ. 1ère, 7 novembre 2019, en voie de publication au Bulletin, pourvoi n° 19-18.262.

[19Civ. 22 juin 2016, Bull. civ. I, n° 143, pourvoi n° 15-50.094.

[20Civ, 1ère, 5 décembre 2019, en voie de publication au Bulletin, pourvoi n° 19-21.127.

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