Village de la Justice www.village-justice.com

Le cautionnement à géométrie variable. Par Philippe de Niort, Avocat.
Parution : jeudi 30 juillet 2020
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/cautionnement-geometrie-variable,36190.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Une personne physique est caution d’un prêt assorti d’une clause d’exigibilité immédiate, accordé à une entreprise, et l’établissement de crédit bénéficiaire du cautionnement lui demande de garantir le remboursement anticipé de ce crédit en vertu de ladite clause.
Une telle pratique est-elle légale ?

Bien que la Cour de cassation n’ait encore pas tranché cette question, une réponse négative semble s’imposer, dès lors que le cautionnement doit contenir la mention manuscrite, apposée par la caution, qui est énoncée à l’article L331-1 du Code de la consommation et est prévue à peine de nullité de l’engagement en vertu des dispositions de ce texte.

I - L’apport des dispositions de l’article L331-1 du Code de la consommation par rapport au régime antérieur.

A) L’unification des règles de validité du cautionnement civil et commercial.

1°) Le régime antérieur distinguant la preuve du cautionnement civil de celle du cautionnement commercial est demeuré d’actualité.

Avant l’entrée en vigueur des dispositions du Code de la consommation ayant expressément énoncé les termes de la mention manuscrite que la caution doit apposer de sa main dans l’acte de cautionnement, à titre de validité de celui-ci, une telle mention avait été rendue obligatoire par la jurisprudence de la Cour de cassation, en des termes moins expresses, et le cautionnement civil était régi par la règle de preuve prévue à l’article 1326, ancien, du Code civil, devenu l’article 1376.

Ce texte énonce que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ».

S’agissant de la validité du cautionnement civil et commercial, la jurisprudence exigeait une mention manuscrite apposée par la caution dans l’acte de cautionnement, prouvant qu’elle avait eu conscience de la nature et de l’étendue de son engagement.

Depuis l’entrée en vigueur, le 5 février 2004, des dispositions de l’article L341-2, ancien, du Code de la consommation, devenu l’article L331-1, la mention manuscrite de la caution qu’elles exigent étant prévue à titre de validité du cautionnement, et non de preuve de celui-ci, l’article 1376 du Code civil n’en demeure pas moins applicable au cautionnement civil.

La Cour de cassation en a donc déduit que l’article L. 341-2, ancien, du Code de la consommation, n’impose pas la mention du montant de l’engagement de la caution à la fois en chiffres et en lettres [1].

Cependant, cet arrêt a censuré une cour d’appel qui, ayant annulé un cautionnement au motif qu’il ne mentionnait pas le montant de l’engagement de la caution en chiffres et en lettres, avait statué sur la validité de l’engagement et non sur la preuve de celui-ci.

La mention manuscrite de la caution doit donc toujours mentionner, en chiffes et en lettres, le montant de la somme dont le paiement est garanti par le cautionnement civil, conformément à l’article 1376 du Code civil, à défaut de quoi la preuve de ce contrat n’est pas rapportée, ne pouvant l’être par un commencement de preuve par écrit.

En effet, la Cour de cassation considère que les éléments extrinsèques susceptibles de compléter le commencement de preuve constitué par un acte de cautionnement dont la mention manuscrite n’est pas régulière au regard des exigences de l’article 1326, ancien, du Code civil ne peuvent être puisés dans les autres énonciations de l’acte [2].

En revanche, le cautionnement commercial n’est pas soumis à l’exigence de l’article 1376 du Code civil, la preuve étant libre en matière commerciale, conformément à l’article L110-3 du Code de commerce.

La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises, à propos du cautionnement commercial, que l’article 1326, ancien, du Code civil ne lui était pas applicable, s’agissant, à l’égard des commerçants, de prouver des actes de commerce, lesquels, conformément à l’article 109, ancien, du Code de commerce, peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi [3].

Le cautionnement est un acte civil, dès lors qu’il ne figure pas dans la liste des actes de commerce énumérée aux articles L110-1 et L110-2 du Code de commerce.

Cependant, le cautionnement est commercial lorsque la caution a la qualité de commerçant [4], ou si elle accompli à titre habituel des actes de commerce [5], étant observé qu’auparavant la Cour de cassation estimait qu’il était commercial du seul fait que la caution avait un intérêt patrimonial au paiement de la dette garantie, et que tel était le cas du cautionnement donné par un dirigeant de société, mais elle a abandonné cette jurisprudence.

2°) L’impossibilité de suppléer la carence de la mention manuscrite de la caution exigée à titre de validité de l’acte par des éléments extrinsèques.

La mention manuscrite de la caution étant prévue à titre de validité par l’article L331-1, du Code de la consommation, il ne peut donc être suppléé à sa carence par des éléments extrinsèques, comme cela était possible, avant la réforme, pour le cautionnement commercial.

La durée de l’engagement de caution doit être exprimée dans la mention manuscrite, et non dans les clauses imprimées de l’acte, car c’est un élément essentiel lui permettant de mesurer le sens et la portée de son obligation.

La Cour de cassation a jugé que bien que les dispositions de l’article L341-2, ancien, du code de la consommation ne précisent pas la manière dont la durée de l’engagement de caution doit être exprimée dans la mention manuscrite, il n’en demeure pas moins que, s’agissant d’un élément essentiel permettant à la caution de mesurer la portée exacte de son engagement, cette mention doit être exprimée sans qu’il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l’acte [6].

3°) L’impossibilité de suppléer la carence de la mention manuscrite de la caution exigée à tire de validité de l’acte par le fait que cette dernière était avertie.

La circonstance que la caution ait signé l’acte de cautionnement en qualité de dirigeant de la société débitrice principale, et qu’elle ait, ainsi, pu avoir connaissance de la portée de son engagement, n’a désormais plus aucune incidence sur la validité du cautionnement commercial.

La Cour de cassation considère, depuis l’entrée en vigueur des dispositions du Code de la consommation énonçant les termes de la mention manuscrite de la caution, qu’il importe peu que cette dernière ait été avertie sur la nature et la portée de son engagement.

Cette circonstance n’a plus d’incidence sur le formalisme de la mention manuscrite qui doit être apposée par la caution dans l’acte de cautionnement commercial, dès lors qu’elle est exigée à titre de validité de ce dernier.

La Cour de cassation a jugé que toute personne physique, qu’elle soit ou non avertie, doit, dès lors qu’elle s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel, faire précéder sa signature, à peine de nullité de son engagement, qu’il soit commercial ou civil, des mentions manuscrites exigées par les articles L341-2 et L. 341-3, anciens, du Code de la consommation [7].

Ainsi, la Cour de cassation a censuré pour violation des articles L341-2 et L341-3, anciens, du Code de la consommation, une cour d’appel ayant retenu un commencement de preuve par écrit d’un cautionnement, confirmé par le fait que la caution avait la qualité de dirigeant de la société cautionnée et un intérêt personnel dans l’opération, car l’engagement ne pouvait être valable faute de comporter les mentions manuscrites prévues par lesdits articles [8].

B) La validité du cautionnement au regard des dispositions de l’article L331-1 du Code de la consommation.

L’article L331-1 du Code de la consommation dispose :

« Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :
" En me portant caution de X...................., dans la limite de la somme de.................... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de...................., je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X.................... n’y satisfait pas lui-même"
 ».

La Cour de cassation a jugé qu’est nul le cautionnement qui ne répond pas aux prescriptions de l’article L341-2, ancien, du Code de la consommation, devenu l’article L331-1 [9], la violation du formalisme prévu par ces dispositions qui ont pour finalité la protection des intérêts de la caution, étant sanctionnée par une nullité relative [10].

Seule une erreur matérielle dans la mention manuscrite de la caution peut constituer une exception faisant échapper le cautionnement à la sanction de la nullité.

En effet, la nullité d’un engagement de caution souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l’engagement de caution n’est pas identique aux mentions légales prescrites, à l’exception de l’hypothèse dans laquelle ce défaut d’identité résulterait d’erreur matérielle [11].

II - Mention manuscrite de la caution et durée du cautionnement.

A) Les principes dégagés par la jurisprudence.

La Cour de cassation contrôle que ni le sens, ni la portée, ni, en conséquence la validité de la mention manuscrite de la caution ne soient affectés [12].

Elle considère que la mention manuscrite apposée sur l’engagement doit refléter la parfaite information dont a bénéficié la caution quant à la nature et la portée de son engagement [13].

Or, la durée du cautionnement, dès lors qu’elle n’est pas indéterminée comme cela demeure possible en vertu des dispositions de l’article L331-1 du Code de la consommation qui ne le prohibent pas, constitue un élément inhérent à la nature et à la portée de l’engagement dont la caution doit avoir conscience.

La Cour de cassation considère que la mention manuscrite doit, s’agissant de la durée du cautionnement, être précise, et elle a approuvé une cour d’appel, celle de Paris, ayant prononcé la nullité aux motifs que ladite mention n’avait pas permis à la caution de connaître la date limite de son engagement.

Elle a dit :

« la mention "pour la durée de..." qu’impose, pour un cautionnement à durée déterminée, l’article L341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, implique l’indication d’une durée précise ; qu’ayant retenu que les mentions des différents actes de cautionnement, stipulant un engagement de la caution jusqu’au 31 janvier 2014 "ou toute autre date reportée d’accord" entre le créancier et le débiteur principal, ne permettaient pas à la caution de connaître, au moment de son engagement, la date limite de celui-ci, la cour d’appel, sans ajouter à la loi ni avoir à effectuer la recherche inopérante invoquée par la troisième branche, a légalement justifié sa décision d’annuler les cautionnements en totalité » [14].

B) L’incompatibilité entre la clause d’exigibilité immédiate et l’obligation de préciser la durée du cautionnement dans la mention manuscrite.

1°) Le caractère imprécis de la durée du cautionnement à durée déterminée assorti d’une clause d’exigibilité immédiate.

Un cautionnement à durée déterminée ayant pour objet de garantir le remboursement des échéances mensuelles d’un prêt contenant une clause d’exigibilité immédiate, ne permet pas à la caution de connaître avec certitude la durée de son engagement.

L’éventualité d’une mise en oeuvre de la clause de remboursement anticipé du solde du prêt, a pour effet de rendre totalement imprécise la durée du cautionnement qui doit être mentionnée dans la mention manuscrite de la caution.

La durée prévue par un tel cautionnement est aléatoire, car incertaine dans la limite de la date buttoir qu’il fixe, et il s’agit, en réalité, d’un engagement à durée indéterminée pendant une durée limitée, ce qui n’a aucun sens.

La clause d’exigibilité anticipée du solde du prêt est une clause résolutoire mettant fin au contrat, donc à l’obligation à exécution successive de l’emprunteur et, par conséquent, elle a pour effet de réduire la durée du cautionnement y afférent.

Or, un cautionnement à durée déterminée ne répond pas, dès lors que celle-ci est aléatoire, aux exigences de l’article L331-1 du Code de la consommation.

Il en résulte que les dispositions de ce texte excluent, nécessairement, l’hypothèse d’un cautionnement à géométrie variable quant à la durée de l’engagement.

La durée du cautionnement, laquelle doit être précisée dans la mention manuscrite de la caution, à peine de nullité, ne peut dépendre d’un événement futur et purement hypothétique, tenant à la réalisation d’une condition permettant la mise en œuvre d’une clause de remboursement anticipé du solde d’un prêt.

2°) L’extension de la garantie due par la caution du fait de la mise en oeuvre d’une clause d’exigibilité immédiate du prêt.

Avec un tel cautionnement à géométrie variable, la caution ne connaît pas non plus l’étendue de son engagement, à savoir le montant de la somme qu’elle devrait garantir en cas de mise en œuvre de la clause d’exigibilité immédiate.

En effet, la caution risque d’être obligée, par le jeu de cette clause, de garantir immédiatement le paiement des créances non échues, et donc de créances futures correspondant au remboursement de la totalité du solde du prêt, et non plus celui d’une créance à exécution successive dont le montant avait été préalablement déterminé.

Or, l’addition des sommes représentant les créances non échues peut rendre le cautionnement disproportionné au patrimoine de la caution, alors incapable de garantir le remboursement anticipé du prêt.

Admettons que la caution doit garantir le paiement des échéances d’un prêt, conclu pour une période de quinze ans, d’un montant de 2 000 euros par mois. Un an plus tard, l’établissement de crédit bénéficiaire du cautionnement lui demande de rembourser immédiatement plus de 300 000 euros à titre de solde du prêt.

Comment la caution pourrait-elle valablement garantir une créance initialement à exécution successive d’un montant déterminé mais qui, subitement, dépasserait ses capacités financières par le jeu de la clause de remboursement anticipé du prêt ?

Une telle information insérée dans la mention manuscrite de la caution, serait nécessaire afin que cette dernière ait conscience que la totalité des créances non échues du prêt est susceptible de lui être réclamée immédiatement et, qu’ainsi, le sens et la portée de son engagement ne s’en trouvent pas affectés.

En quelque sorte, il s’agit ni plus, ni moins, d’une « roulette russe », et ce d’autant plus que les cas pour lesquels certains établissement financiers se réservent la possibilité de mettre en œuvre une clause d’exigibilité immédiate, ne concernent pas exclusivement l’hypothèse d’une faillite du débiteur principal et peuvent parfois sembler abusifs.

A titre d’exemple, une banque qui n’a pas son siège social au sein de l’hexagone, insère dans ses contrats une clause d’exigibilité immédiate au cas où le débiteur se trouve simplement dans une situation financière difficile, sans pour autant être en état de cessation des paiements, ou s’il déménage à l’étranger.

3°) L’impossibilité d’insérer la clause d’exigibilité immédiate dans la mention manuscrite prévue à l’article L331-1 du Code de la consommation.

La mention manuscrite de la caution qui est exigée à peine de nullité est unique, comme l’énonce expressément l’article L331-1 du Code de la consommation.

La clause de remboursement anticipé du solde d’un prêt est donc incompatible avec le formalisme de la mention manuscrite de la caution exigé par l’article 331-1 du Code de la consommation, car elle ne saurait y être insérée.

La forme que doit revêtir la mention manuscrite de la caution ne fait nullement place aux termes d’une telle clause.

Il est donc impossible d’indiquer, dans la mention manuscrite apposée par la caution, l’existence d’une clause d’exigibilité anticipée du solde d’un prêt.

Ainsi, même dans l’hypothèse où il résulterait de la mention manuscrite d’une caution qu’elle aurait eu conscience, ou connaissance, des effets de la clause d’exigibilité immédiate pouvait avoir sur le sens et la portée de son obligation, ladite mention n’en serait pas moins contraire à l’article L331-1 du Code de la consommation, et le cautionnement, de nul effet.

C) L’inopposabilité à la caution de la clause d’exigibilité immédiate.

1°) L’impossibilité de suppléer la carence de la mention manuscrite quant à la durée du cautionnement par des éléments extrinsèques.

Souvent dans la pratique, soit l’acte de cautionnement signé par la caution mentionne expressément l’existence de la clause d’exigibilité immédiate concernant le prêt, soit il s’y réfère implicitement en précisant qu’en cas de défaillance du débiteur principal la caution devra sa garantie, y compris pour les sommes devenues exigibles par anticipation.

Ce second cas fait également allusion à la déchéance du terme sanctionnant le débiteur principal en liquidation judiciaire, et sur laquelle nous reviendrons.

Ainsi que cela résulte des observations précédentes, la Cour de cassation a jugé que la durée du cautionnement, élément essentiel permettant à la caution de mesurer la portée exacte de son engagement lorsqu’il est limité dans le temps, doit être exprimée dans la mention manuscrite sans qu’il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l’acte [15].

Il en résulte que la clause de remboursement anticipé du prêt contenue dans l’acte de cautionnement, ou à laquelle les termes de celle-ci se réfèrent implicitement, n’est pas opposable à la caution.

2°) Le principe de l’effet relatif des contrats.

A plus forte raison, la clause d’exigibilité immédiate prévue au contrat de prêt n’est pas non plus opposable à la caution qui n’y est pas partie.

Conformément à l’article 1199 du Code civil, les contrats n’ont d’effet qu’entre les parties, les tiers ne peuvant ni demander l’exécution du contrat ni se voir contraints de l’exécuter.

En conclusion, le bénéficiaire de la caution n’a aucune possibilité de se prévaloir de la clause d’exigibilité immédiate pour solliciter l’exécution du cautionnement, dès lors qu’elle ne figure pas dans la mention manuscrite, et que, même si tel était le cas, ladite mention ne serait pas conforme à celle qui est expressément prévue à l’article L331-1 du Code de la consommation, ce qui entraînerait la nullité de l’engagement.

D) Les effets à l’égard de la caution de la déchéance du terme sanctionnant le débiteur principal en cas de liquidation judiciaire.

Il n’en demeure pas moins qu’aux termes de l’article L643-1 du Code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues.

La déchéance du terme ne doit pas, pour autant, être confondue ou assimilée à une clause d’exigibilité immédiate.

1°) l’inopposabilité à la caution de la déchéance du terme.

La Cour de cassation considère que la déchéance du terme qui résulte du prononcé de la liquidation judiciaire n’a d’effet qu’à l’égard du débiteur principal et ne peut être étendue à la caution [16].

Ainsi, viole les articles 2015 du Code civil (devenu l’article 2292) et 160 de la loi du 25 janvier 1985 (devenu l’article L643-1 du Code de commerce), une cour d’appel qui condamne la caution d’un locataire en liquidation judiciaire à payer des loyers à échoir, à défaut de convention contraire [17].

Il incombe au bénéficiaire du cautionnement de rapporter la preuve que les cautions ont renoncé, par convention, à leur droit de ne pas garantir les créances non échues.

En effet, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, conformément à l’article 1353 du Code civil.

2°) La renonciation à un droit ne se présume pas.

La déchéance du terme peut donc être opposable à la caution uniquement si elle a accepté qu’il soit dérogé à l’article L643-1 du Code de commerce.

Or, il est constant en jurisprudence que la renonciation à un droit ne se présume pas [18].

Elle ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer [19].
La renonciation à un droit doit être claire et non équivoque [20].

3°) Interaction entre déchéance du terme et exigibilité immédiate.

La question qui se pose est donc celle de l’interaction entre la déchéance du terme et la clause d’exigibilité immédiate.

Certes, en cas de nullité du cautionnement la déchéance du terme n’a, à l’évidence, aucun effet à l’égard de la caution.

Cependant, comme nous l’avons observé plus haut, l’acte de cautionnement d’un prêt assorti d’une clause d’exigibilité immédiate peut faire référence à la déchéance du terme afin qu’elle soit opposable à la caution, en stipulant qu’en cas de défaillance du débiteur principal cette dernière devra sa garantie, y compris pour les sommes devenues exigibles par anticipation.

Dans ce cas, l’établissement de crédit bénéficiaire du cautionnement tentera de rendre opposable à la caution la clause d’exigibilité immédiate emportant remboursement anticipé du solde du prêt, en arguant qu’il a accepté la clause visant les créances du débiteur devenues exigibles par anticipation.

Cette question n’a lieu d’être uniquement dans l’hypothèse où le cautionnement d’un prêt assorti d’une clause d’exigibilité immédiate serait valable.

Or, le cautionnement dont la mention manuscrite de la caution n’est pas conforme aux exigences de l’article 331-1 du Code de la consommation, ne pouvant être validé par des éléments extrinsèques dès lors qu’ils ne peuvent suppléer la carence de celle-ci, cette tentative est inopérante.

A cela s’ajoute qu’indépendamment de la validité du cautionnement, l’opposabilité de la déchéance du terme à la caution postule qu’elle ait expressément renoncé à son droit de se prévaloir des dispositions de l’article L643-1 du Code de commerce.

Philippe de Niort Avocat au Barreau de Paris [->de-niort.philippe@orange.fr] https://www.philippedeniortavocat.com

[1Com. 18 janvier 2017, Bull. civ. IV, n° 7, pourvoi n° 14-26.604.

[2Civ. 5 mai 2004, Bull. civ. I, n° 125, pourvoi n° 02-17.155.

[3Com. 15 novembre 1988, Bull. civ. IV, n° 310.

[4Com. 11 décembre 1990, Bull. civ. IV, n° 315, pourvoi n° 89-15.048.

[5Com. 20 février 1996, Bull. civ. IV, n° 54, pourvoi n° 93-20.866.

[6Civ. 9 juillet 2015, Bull. civ. I, n° 182.

[7Com. 10 janvier 2012, Bull. civ. IV, n° 2.

[8Com. 27 septembre 2016, Bull. civ. IV, n° 119, pourvoi n° 14-22.013.

[9Com. 5 juin 2012, Bull. civ. IV, n° 113.

[10Com. 5 février 2013, Bull. civ. IV, n° 20.

[11Com. 5 avril 2011, Bull. civ. IV, n° 55.

[12Civ. 22 septembre 2016, Bull. civ. I, n° 172 ; dans le même sens : Civ. 11 septembre 2013, Bull. civ. I, n° 174 ; Civ. 10 avril 2013, Bull. civ. I, n° 74.

[13Com. 1er octobre 2013, Bull. civ. IV, n° 143.

[14Com. 13 décembre 2017, Bull. civ. IV, n° 162, pourvoi n° 15-24.294.

[15Civ. 9 juillet 2015, précité.

[16Com. 5 octobre 1983, Bull. civ. IV, n° 254.

[17Com. 8 mars 1994, Bull. civ. IV, n° 96 ; Com. 17 décembre 1996, pourvoi n° 94-10.741 ; dans le même sens : Com. 18 janvier 2000, pourvoi n° 96-16.223 ; Com. 7 décembre 1999, pourvoi n° 97-13.365.

[18Com. 26 mai 1998, Bull. civ. IV, n° 165.

[19Civ. 19 février 1991, Bull. civ. I, n° 66 ; Soc. 13 octobre 1988, Bull. civ. V, n° 493 ; Com. 18 janvier 1984, Bull. civ. IV, n° 24 ; Com. 20 avril 1982, Bull. civ. IV, n° 134.

[20Soc. 14 mai 1987, Bull. civ. V, n° 313.