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Le témoignage en justice : modalités et sanctions. Par Didier Reins, Avocat.
Parution : lundi 27 juillet 2020
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Vous pouvez être amené(e), un jour ou l’autre, à témoigner dans le cadre d’une procédure devant le tribunal.
Il faut respecter une règle essentielle : dire la vérité.
Si votre témoignage est mensonger, s’il fait état de faits inexacts, vous risquez des poursuites avec à la clé une condamnation pénale et/ou civile.
Si vous êtes vous même la victime d’une fausse attestation de témoin produite contre vous, il faut réagir immédiatement.

Il faut distinguer deux situations :

Première hypothèse : le témoignage est fait devant une autorité officielle (officier de police judiciaire, juge, etc) ;
Seconde hypothèse : le témoignage est fait par écrit dans le cadre d’une attestation de témoin.

1. Le délit de faux témoignage.

Ce délit est prévu à l’article 434-13 du code pénal qui dispose :

"Le témoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou devant un officier de police judiciaire agissant en exécution d’une commission rogatoire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Toutefois, le faux témoin est exempt de peine s’il a rétracté spontanément son témoignage avant la décision mettant fin à la procédure rendue par la juridiction d’instruction ou par la juridiction de jugement."

Pour être constitué, le délit de faux témoignage doit donc réunir plusieurs conditions :

En cas de faux témoignage, la sanction encourue sera de :

Mais il existe une “porte de sortie” pour celui qui a commis un faux témoignage : il est possible de se rétracter.

En effet, l’article 434-13 alinéa 2 vient préciser que le faux témoin n’encourra pas de sanction s’il retire spontanément son témoignage avant la décision qui met fin à la procédure au cours de laquelle il a été amené à témoigner.

Le délit de faux témoignage est sévèrement puni, car il est commis devant une personne dépositaire de l’autorité publique en vue d’entraver le cours normal de la justice.

2. La fausse attestation de témoin.

Votre témoignage écrit peut être sollicité à l’occasion d’une procédure de divorce, d’une procédure devant le conseil de prud’hommes ou de toute autre procédure judiciaire.

Exemple 1 : une amie ou un membre de votre entourage divorce et vous demande de rapporter des faits de violences dont il/elle dit avoir été victime et auxquels vous auriez assisté.

Exemple 2 : un collègue de travail se fait licencier et demande votre témoignage écrit quant à ses qualités professionnelles ou quant à des faits de harcèlement dont il aurait été victime sur le lieu de travail.

Exemple 3 : vous êtes employeur et vous venez de licencier l’un de vos salariés en raison de son comportement agressif, vous pouvez solliciter le témoignage de vos autres salariés quant à ce comportement.

Là encore, il faut veiller à ce que les faits relatés par écrit soient exacts.

Pour rédiger une attestation de témoin, il faut utiliser le formulaire officiel dit CERFA n° 11527-03.

a) Comment faire un témoignage écrit ?

Pour remplir correctement l’attestation de témoin, il faut indiquer :

Il peut s’agir par exemple d’un lien :

Une fois ces indications faites, vous devez reproduire mot à mot la phrase suivante :

Est muni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende le fait d’établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts “.

Cette petite phrase a pour but de bien vous faire comprendre qu’il ne faut mentir en aucune circonstance, même si cela est pour faire plaisir à un(e) ami(e).

En ce qui concerne les faits pour lesquels vous apportez votre témoignage, vous devez vous en tenir à relater uniquement ce que vous avez vu ou entendu.

Il vous sera donc inutile de donner votre opinion sur telle ou telle personne, contentez-vous de rapporter ce que vous avez personnellement vu ou entendu.

Les termes de l’attestation doivent bien entendu rester courtois et ne pas devenir injurieux envers qui que ce soit, car vous vous exposeriez sinon à des poursuites pénales.

Attention : l’attestation de témoin doit être circonstanciée et précise : il ne s’agit donc pas d’être vague.

Il faut donc relater dans le détail ce que l’on a vu et/ou entendu, si possible en donnant la date et le lieu des faits relatés.

Il conviendra de dater et de signer l’attestation de témoin en dernière page, à l’endroit indiqué pour cela.

Enfin, il faudra joindre au formulaire d’attestation de témoin complété une photocopie de votre carte d’identité, ou de votre permis de conduire, ou de votre titre de séjour.

b) Quelles sont les principales sanctions d’une attestation de témoin mensongère ?

L’article 441-7 du Code pénal dispose :

"Indépendamment des cas prévus au présent chapitre, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait :
1° D’établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts ;
2° De falsifier une attestation ou un certificat originairement sincère ;
3° De faire usage d’une attestation ou d’un certificat inexact ou falsifié.

Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise soit en vue de porter préjudice au Trésor public ou au patrimoine d’autrui, soit en vue d’obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement."

L’article 441-7 du Code pénal réprime donc le délit de fausse attestation de témoin des sanctions suivantes :

Pour que le délit soit constitué, il faut relater des faits que l’on sait être inexacts.

Autrement dit, il faut avoir sciemment menti.

Il importe peu que la personne contre laquelle une attestation de témoin mensongère ait subi un préjudice : dès lors que le mensonge est établi, le délit est constitué.

Il faut donc se méfier de ce que l’on écrit.

La différence pratique entre le délit de faux témoignage et le délit de fausse attestation de témoin est la suivante :

3. Comment réagir face à une fausse attestation de témoin ?

Hypothèse : votre adversaire a produit contre vous une attestation mensongère.

Son ” témoin” a donc délibérément menti contre vous et votre adversaire a délibérément produit cette attestation de témoin en sachant qu’elle reposait sur des faits inexacts.

Comment réagir ?

Surtout, ne vous contentez pas de déposer des conclusions devant le juge pour dire que l’attestation est mensongère.

Cela ne sert à rien !

Si vous soutenez que le témoin de la partie adverse a menti, il faut en tirer les conséquences juridiques qui s’imposent et déposer plainte.

Si vous ne le faites pas, le tribunal pourra considérer que l’attestation de témoin n’est pas mensongère.

En tout cas, la jurisprudence le rappelle souvent : ne rien faire équivaut à valider l’attestation de témoin.

Ainsi, les conseils de prud’hommes exigent souvent que la dénonciation d’une attestation de témoin supposée mensongère s’accompagne d’une plainte.

Exemple : vous êtes employeur et votre ancien salarié vous poursuit devant le conseil de prud’hommes ; celui-ci produit une attestation faisant état de faits inexacts.

Il faut déposer plainte contre le rédacteur de l’attestation et produire une copie de cette plainte aux conseillers prud’homaux.

Dans le cas contraire, cela se retournera contre vous.

Toute attestation de témoin mensongère nécessite donc une réaction énergique de votre part.

Ne rien faire vous expose à perdre votre procès.

Si vous déposez plainte contre le rédacteur de l’attestation mensongère, cette démarche incitera vos juges à ne pas tenir compte de l’attestation de témoin sur laquelle pèsera un doute quant à sa sincérité.

Didier Reins Avocat E-Mail : [->reins.avocat@gmail.com] Site Web: https://reinsdidier-avocat.com