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Vademecum de la Partie Civile en Cour d’Assises. Par Fatima Raji et Louise Vandeville, Avocates.
Parution : mercredi 29 juillet 2020
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La victime d’une infraction, qui a personnellement souffert du dommage causé directement par l’infraction, a droit d’agir devant la juridiction répressive. Ainsi, elle devient partie civile au procès pénal. Devant la juridiction répressive, la partie civile participe à l’action publique et pourra obtenir réparation de ses dommages matériels, corporels et/ou moraux qui découlent des faits, objet de la poursuite.
Cet article vise à comprendre l’intérêt de se constituer partie civile lors d’un procès pénal et, plus particulièrement, à la Cour d’assises, juridiction compétente pour juger des crimes.

En application de l’article 85 du Code de procédure pénale, toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut, en portant plainte, se constituer partie civile devant le juge d’instruction compétent. Ainsi, la partie civile est la personne qui s’estime victime d’une infraction.

Pour devenir partie civile lors d’un procès pénal, il faut avoir personnellement subi un préjudice directement causé par l’infraction jugée. Le préjudice doit donc toucher sa propre personne ou ses biens. La plainte avec constitution de partie civile permet à la victime de demander la sanction de l’auteur, par le déclenchement de l’action publique [1], et la réparation de son préjudice, par l’action civile [2].

I. Qui peut se constituer partie civile ?

Toute personne, victime des agissements qui sont jugés par la Cour d’assises, peut se constituer partie civile. La partie civile est une personne qui demande au juge chargé de la répression d’une infraction la réparation du préjudice que cette infraction lui a causée.

L’exigence repose sur l’existence d’un préjudice personnel et direct : la victime doit être en mesure de justifier d’un dommage personnel directement causé par l’infraction pour pouvoir se constituer partie civile.

Afin de se constituer partie civile devant la Cour d’assises dans une affaire criminelle, la personne victime doit avoir un intérêt à agir, c’est-à-dire que le préjudice subi est certain, personnel et direct, une qualité à agir en étant victime directe ou indirecte, et avoir la capacité d’agir.

Il existe alors plusieurs catégories de victimes : la victime directe, la victime indirecte et les associations :
- La victime directe est la personne qui a directement subi le préjudice, il peut s’agit d’une personne physique, d’une personne morale voire d’une personne morale de droit public [3] ;
- La victime indirecte a longtemps été jugée irrecevable dans sa demande de constitution de partie civile. Néanmoins, l’appréciation s’élargit aujourd’hui à l’ensemble de la famille et des proches de la victime directe. En effet, a été jugé recevable la constitution de partie civile pour la soeur de la victime, le préjudice moral résultant de l’atteinte physique ou du trouble psychologique causé par des faits de viols et agressions sexuelles aggravés [4], les proches de la victime d’une infraction de blessures involontaires [5], les proches de la victime d’une infraction de blessures volontaires en raison de l’état physique ou psychique découlant des graves blessures infligées à un conjoint [6] ;
- Certaines associations peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en vertu d’une habilitation législative et ayant pour objet la lutte contre l’infraction en cause, notamment :
- Les associations contre le racisme et les victimes de discrimination en raison de leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse [7] ;
- Les associations contre les violences sexuelles, le harcèlement sexuel, les violences exercées sur un membre de la famille [8] ;
- Les associations de défense ou d’assistance de l’enfant en danger [9] ;
- Les associations contre les crimes contre l’humanité ou les crimes de guerre [10] ;
- Les associations de défense de la Résistance ou des déportés [11] ;
- Les associations contre les discriminations fondées sur le sexe, sur les mœurs ou l’orientation ou l’identité sexuelle [12].

A titre d’exemple, lors du procès du Père Preynat, 10 victimes se sont constituées partie civile ainsi que plusieurs associations en application de l’article 2-3 du Code de procédure pénale. Lors du procès en appel d’Abdelkader Merah, qui a été condamnée à 30 ans de réclusion criminelle pour association de malfaiteurs et complicité d’assassinats, il y avait 226 parties civiles représentées.

II. Quel est le rôle de la partie civile ?

La partie civile participe à la manifestation de la vérité, elle est un acteur essentiel du procès pénal.

L’avocat de la partie civile va assister la victime et veiller à ce qu’elle obtienne réparation de son préjudice subi. La partie civile ne peut être entendue ou confrontée par le juge d’instruction qu’en présence de son avocat.

La partie civile a accès au dossier par l’intermédiaire de son avocat. Devant la Cour d’assises, elle se voit délivrer gratuitement une copie des procès-verbaux constatant l’infraction, des déclarations écrites des témoins et des rapports d’expertise.

Lors du procès, la partie civile est représentée par un avocat et pourra être entendue et intervenir dans les débats. Néanmoins, elle n’a aucune obligation d’être présente à l’audience.

Le rôle de la partie civile est différent selon que la victime est directe ou indirecte. La victime directe va devoir raconter le déroulement des faits subis alors que la victime indirecte, quant à elle, se limitera généralement à la personnalité de la victime directe et du traumatisme qu’elle a vécu depuis les faits.

L’avocat de la partie civile plaidera en premier, avant les réquisitions de l’avocat général et de la plaidoirie de la défense. Le but pour l’avocat de la partie civile est, avant tout, d’obtenir réparation du préjudice causé à son client.

III. Quand peut-on devenir partie civile ?

La victime ne peut se constituer partie civile que pour les crimes et les délits. Il convient de se constituer partie civile le plus tôt possible. Néanmoins, la constitution de partie civile peut avoir lieu à tout moment de la procédure jusqu’au réquisitoire du Procureur lors du procès [13].

Pour qu’une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d’instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent au juge d’admettre comme possibles l’existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale [14].

A cet égard, elle dispose de deux possibilités : la voie d’intervention et la voie d’action.

Dans le cas où l’action publique a déjà été engagée, la victime agit par voie d’intervention, s’associant aux poursuites en cours. Le juge d’instruction informe la victime dès le début de l’information de son droit de se constituer partie civile.

Si l’action publique n’a pas déjà été engagée, dans les cas où le procureur de la République a classé sans suite une plainte déjà déposée ou lorsqu’un dépôt de plainte auprès du procureur ou des services de police est resté sans réponse pendant 3 mois, la victime peut agir par voie d’action en portant plainte avec constitution de partie civile, sauf en cas de délit de presse ou de délit électoral.

La constitution de partie civile permet le déclenchement des poursuites à l’encontre de l’auteur des faits en cas d’inertie du parquet. En effet, la plainte déposée entre les mains d’un juge d’instruction par la personne qui se dit victime d’un crime ou d’un délit, lorsqu’elle est accompagnée d’une constitution de partie civile, produit, pour la mise en mouvement de l’action publique, les mêmes effets qu’un réquisitoire du procureur de la République [15].

Par ailleurs, pour que la plainte avec constitution de partie civile soit recevable, la victime doit payer une consignation [16]. Le juge d’instruction fixe le montant de la consignation à verser, qui est déterminée en fonction des ressources de la personne. Cette consignation correspond au paiement d’une éventuelle amende en cas de dépôt de plainte abusive. Si la plainte s’avère justifiée, cette somme est restituée. Si la consignation est faite hors délai, la plainte avec constitution de partie civile est irrecevable [17].

Une fois la plainte déposée et la consignation versée, le juge d’instruction instruit le dossier par le biais de l’enquête, d’interrogatoires, d’auditions, etc. A la suite de l’instruction, le juge ordonne soit un non-lieu soit le renvoi de l’affaire devant le tribunal compétent, c’est-à-dire le tribunal correctionnel ou la Cour d’assises.

En tout état de cause, pour que la plainte avec constitution de partie civile soit recevable il faut établir une manifestation de volonté et le versement de la consignation [18].

Il n’est plus possible pour la victime de se constituer partie civile devant les juridictions pénales lorsque l’action publique est éteinte [19]. Cependant, elle dispose d’un délai de 10 ans pour demander aux juridictions civiles la réparation de son dommage.

IV. Quelle réparation pour la partie civile ?

La constitution de partie civile permet d’obtenir la réparation du préjudice subi par l’infraction en devenant partie au procès.

L’action en réparation ne peut être fondée que sur la réparation du dommage directement causé par l’infraction. Elle doit être dirigée contre l’auteur de l’infraction.

La victime peut faire une déclaration de constitution de partie civile pour demander uniquement la réparation de son préjudice. Elle peut aussi demander conjointement la condamnation pénale de l’auteur de l’infraction et son indemnisation.

Une fois le verdict prononcé, les jurés de la Cour d’assises sont libérés et une nouvelle audience commence : l’audience civile [20]. L’avocat de la partie civile sollicite alors la condamnation de la personne qui vient d’être pénalement condamnée à verser à la victime les dommages et intérêts auxquels elle peut prétendre au titre de son préjudice moral, matériel et au titre des frais d’avocat et des frais d’huissier notamment.

Le juge pénal ne peut assurer la réparation du préjudice subi que par l’allocation de dommages et intérêts [21].

La réparation du dommage est ouverte à la fois à la victime directe ainsi qu’aux victimes indirectes. Les proches de la victime d’une infraction sont recevables à rapporter la preuve d’un dommage dont ils ont personnellement souffert et qui découle des faits, objet de la poursuite [22].

Lorsque la personne pénalement condamnée est insolvable, la victime, par l’intermédiaire de son avocat, pourra solliciter l’intervention du Fonds de Garantie des victimes pour obtenir une indemnisation.

La voie d’appel, de la cassation et de l’opposition sont ouvertes à la partie civile. Mais elle n’est recevable à les exercer qu’en ce qui concerne les décisions portant atteintes à ses intérêts civils. Ainsi, elle ne peut pas remettre en cause la décision sur l’action publique prise par la juridiction saisie au fond.

En cas d’acquittement, les juges peuvent uniquement se prononcer sur la demande de réparation résultant de la faute de l’accusé [23].

Fatima RAJI Avocat au Barreau de Paris Louise VANDEVILLE Avocat au Barreau de Paris 7 avenue Gourgaud - 75017 PARIS - France Email : [->fatimaraji.avocat@gmail.com] Site Internet: https://www.avocats-raji.fr

[1Article 1er du Code de procédure pénale.

[2Article 2 du Code de procédure pénale.

[3Crim. 7 avril 1999, Bull. n°69.

[4Crim. 27 mai 2009, Bull. n°107.

[5Crim. 9 février 1989, Bull. n°63.

[6Crim. 23 mai 1991, Bull. n°220.

[7Article 2-1 du Code de procédure pénale.

[8Article 2-2 du Code de procédure pénale.

[9Article 2-3 du Code de procédure pénale

[10Article 2-4 du Code de procédure pénale.

[11Article 2-4 du Code de procédure pénale.

[12Article 2-6 du Code de procédure pénale.

[13Article 87 du Code de procédure pénale.

[14Crim. 27 mai 2009, Bull. n°107.

[15Crim. 21 septembre 1999, Bull. n°188.

[16Article 88 du Code de procédure pénale.

[17Crim. 16 avril 2013, Gaz. Pal. 21 juillet 2013, p.42.

[18Crim. 9 novembre 1998, Bull. n°291.

[19Article 6 du Code de procédure pénale.

[20Article 371 du Code de procédure pénale.

[21Crim. 21 mai 1984, Bull. n°184.

[22Crim. 4 février 1988, Bull. n°43.

[23Crim. 20 octobre 1993, Bull. n°298.