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La nouvelle procédure en nullité de marque devant l’INPI. Par Nathalie Dreyfus, CPI.
Parution : mardi 4 août 2020
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Le 1er avril 2020 est entrée en vigueur une nouvelle procédure en nullité marque, avec la loi PACTE.
Cette loi, transposant la directive européenne 2015/2436 communément appelée « Paquet Marques » stipule une nouvelle action administrative en nullité de marque devant l’Institut National de la Propriété Industrielle (« INPI »).

Auparavant seul le tribunal judiciaire était compétent pour les demandes en nullité de marque. Désormais, cette compétence est partagée avec l’INPI.

Cette procédure administrative devant l’INPI permet d’obtenir une décision dans des délais plus courts (entre 6 et 10 mois) et à moindre coût.

Quels sont les titres pouvant être contestés ?

Une demande en nullité peut être formée à l’encontre d’une marque française enregistrée ou d’une marque internationale désignant la France.

Pourquoi une marque peut être annulée ?

Une marque pourra être déclarée nulle si elle est entachée d’un défaut correspondant à un motif de nullité absolue. C’est par exemple le cas si elle est :
- Dépourvue de caractère distinctif,
- Descriptive des produits et/ou services désignés ;
- De nature à tromper le public,
- Contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
- Si elle porte atteinte aux droits d’un tiers, on parle de motif de nullité relative.

Qui peut demander la nullité de la marque ?

Autrefois, il fallait justifier d’un intérêt à agir pour demander la nullité d’une marque. Cet intérêt à agir pouvait d’ailleurs être apprécié strictement.

Dorénavant, lorsque la demande est fondée sur un motif absolu de nullité, il n’est plus nécessaire de justifier d’un intérêt à agir.

Le motif absolu de nullité est celui qui a trait à la valeur intrinsèque de la marque. Par exemple, si la marque est descriptive des produits qu’elle désigne (comme « Chocolat blanc » pour… du chocolat blanc), alors toute personne peut en demander la nullité, sans justifier d’un préjudice qui lui serait propre.

Dans quel cas l’INPI est-il compétent ?

La répartition des actions entre le juge judiciaire et l’INPI est déterminée par les articles L716-2 et L716-5 du Code de la propriété intellectuelle.

Dorénavant, l’INPI a compétence exclusive pour certaines demandes, notamment :
– les actions en nullité fondées sur une marque antérieure (marque française, marque communautaire, marque internationale désignant la France ou l’UE, marque notoire ou demande de marque sur ces territoires)
– les actions en nullité fondées sur un nom de domaine (à condition que sa portée ne soit pas seulement locale et qu’il y ait un risque de confusion), ou encore
– les actions en nullité de marques déposées par l’agent ou le représentant du propriétaire de la marque sans son consentement

C’est le cas pour les demandes de nullité à titre principal fondées sur un ou plusieurs motifs absolus (comme le caractère trompeur) mais aussi pour les demandes de nullité à titre principal fondées sur des motifs relatifs (comme l’atteinte à certains droits antérieurs, tels que la marque ou la dénomination sociale).

Toutefois, les actions en nullité fondées sur les droits d’auteur ou les droits résultant d’un dessin ou modèle protégé resteront de la compétence exclusive des tribunaux.

Qu’en est-il des demandes saisissant la mauvaise instance (INPI au lieu du juge judiciaire et inversement) ?

Lorsque le demandeur saisit la mauvaise instance, l’action sera simplement déclarée irrecevable.

Comment se déroule la procédure auprès de l’INPI ? (Art. R. 716-1 à R.716-8 du Code de la Propriété Intellectuelle).

Il y a tout d’abord une phase de pré-instruction d’un mois. Pendant cet examen de recevabilité, l’INPI vérifie que la demande contient bien l’ensemble des pièces et des mentions requises : il s’agit de l’exposé des moyens fondant chacune des prétentions.

Puis vient la phase d’instruction pouvant s’écouler sur une période de six mois et durant laquelle auront lieu les échanges écrits entre les Parties, qui exposeront chacune leurs arguments en respectant le principe du contradictoire.

A l’issue de cette phase d’instruction interviendra la phase de décision d’une période de trois mois.

Il sera possible de limiter l’action en cours de procédure : en limitant la demande soit à certains produits et services visés par la marque contestée, soit à seulement certaines des marques contestées.

Si l’INPI conclut à la nullité de la marque, celle-ci sera prononcée dans un délai de trois mois, par une décision du Directeur général de l’INPI, et prendra effet à partir de la date de son dépôt. La nullité a donc un effet rétroactif et absolu.

Cette décision est inscrite au Registre national des marques et elle est publiée au Bulletin officiel de la propriété industrielle (BOPI).

Quels sont les recours possibles à la décision de l’INPI ?

La décision de l’INPI, comme une décision de justice, peut faire l’objet d’un recours devant la Cour d’appel du domicile du requérant.

Les Parties auront un mois pour former un recours et cela par voie électronique, lors de la notification de la décision de l’INPI. Les mentions obligatoires du recours sont requises sous peine d’irrecevabilité.

Il est important de noter que ce recours a un effet suspensif mais aussi dévolutif, ce qui signifie que les juges auront l’obligation de rejuger l’affaire dans son entier.

Au cours de la procédure d’appel, les Parties bénéficieront d’un délai de trois mois pour soumettre leurs conclusions avec l’ensemble de leurs prétentions sur le fond.

Si nécessaire, un pourvoi en cassation pourra être formé par la suite, par le directeur de l’INPI ou les Parties.

Par sa simplicité et sa célérité, la nouvelle procédure d’action en nullité de marque devant l’INPI permet de désengorger les tribunaux judiciaires. Ainsi, des décisions pourront être rendues relativement rapidement et surtout, plus d’actions seront engagées grâce aux frais limités d’une procédure administrative.

Nathalie Dreyfus _ Conseil en Propriété Industrielle _https://www.dreyfus.fr/
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