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Rupture conventionnelle : nullité de l’accord si le salarié n’a pas signé le nouveau formulaire après un refus d’homologation. Par Frédéric Chhum, Avocat et Annaelle Zerbib, Juriste.
Parution : lundi 10 août 2020
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Dans l’arrêt du 24 juin 2020 (n°18-17262), la Cour de cassation, prononce la nullité d’une rupture conventionnelle dans le cas où le formulaire de demande d’homologation n’a pas été signé par le salarié (en l’occurrence, sa signature avait été imitée) après que la convention de rupture ait été modifiée.

1) Les faits et la procédure.

Embauché par la société LBH en qualité d’ingénieur le 26 janvier 2009, le contrat de travail de Monsieur X, a été transféré à la société Akustike.
La société et le salarié concluent une convention de rupture portant la date du 12 septembre 2013.

Le 20 septembre 2013, l’autorité administrative refuse d’homologuer cette convention pour non-respect du délai de rétractation et mention d’une date de rupture antérieure à la fin du délai d’instruction de quinze jours.
Une convention modifiée est adressée, le 27 septembre 2013, à l’autorité administrative qui l’homologue.

Le 1er octobre 2013, Monsieur X saisit la juridiction prud’homale de demandes en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution du contrat de travail et de la nullité de la rupture conventionnelle.
Le 7 octobre 2013, Monsieur X prend acte de la rupture de son contrat de travail.

2) L’arrêt de la Cour de cassation du 24 juin 2020 : l’absence de consentement à la rupture conventionnelle après la décision de refus de l’autorité administrative.

La Cour d’appel de Paris a prononcé la nullité de la rupture conventionnelle du contrat de travail en relevant que le salarié n’avait pas donné son consentement à la rupture conventionnelle établie après la décision de refus de l’autorité administrative.

La société Akustike forme alors un pourvoi en cassation.
La société considérait en effet « que seul un vice de consentement entachant l’accord de rupture conventionnelle du contrat de travail entraine la nullité de celle-ci ».

En l’espèce selon la société, la Cour d’appel a prononcé la nullité de la rupture conventionnelle du contrat de travail conclue entre la société et Monsieur X alors qu’elle a relevé que «  la signature de l’accord de rupture conventionnelle n’était pas contestée et que seul l’auteur de la signature du formulaire adressé à l’autorité administrative pour homologation l’était ».

La Cour de cassation, dans son arrêt du 24 juin 2020 (n°18-17262), affirme que « l’accord de rupture, auquel le salarié avait consenti, n’avait pas été homologué  ».
Les juges de cassation considèrent en effet que « la Cour d’appel a relevé que le salarié n’avait pas donné son consentement à la rupture conventionnelle établie après la décision de refus de l’autorité administrative ».

3) Analyse de l’arrêt : la signature du salarié obligatoire pour l’envoi d’un nouveau formulaire de demande d’homologation.

3.1) Le délai de rétractation de 15 jours.

La rupture conventionnelle obéit à des règles de procédures bien précises.

Ainsi, l’article L1234-13 du Code du travail prévoit qu’à « compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation ».

La Cour de cassation considère que le droit de rétractation s’apprécie à la date d’envoi de la lettre de rétractation et non à la date de réception (voir en ce sens notre article Rupture conventionnelle : précisions de la Cour de cassation sur le droit de rétractation).

L’article L1237-14 du Code du travail prévoit quant à lui qu’à « l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe le modèle de cette demande.
L’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s’assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties
 ».

3.2) Le formulaire de rupture conventionnelle non signé par le salarié (car sa signature avait été « imitée ») entraine la nullité de cette dernière.

Dans le cas de l’arrêt du 24 juin 2020, l’homologation de la rupture conventionnelle avait été refusée par l’autorité administrative pour non-respect du délai de rétractation et mention d’une date de rupture antérieure à la fin du délai d’instruction de quinze jours.

La Cour de cassation avait déjà pu prononcer le 27 mars 2019 (n°17-23586) la nullité d’une rupture conventionnelle non datée (cf notre article Nullité d’une rupture conventionnelle non datée).

La société avait par la suite adressé une version modifiée de la convention de rupture à l’autorité administrative, le salarié niant avoir signé le formulaire de demande d’homologation.
Il faisait valoir que faute d’avoir signé ce formulaire, la convention de rupture devait être annulée.
En outre, le salarié soutenait que sa signature avait été imitée, qu’il était en congés tout le mois de septembre et jusqu’au 4 octobre 2013.
La Cour de cassation, suivant le raisonnement de la Cour d’appel de Paris, fait droit à cette demande et donne gain de cause au salarié, annulant la rupture conventionnelle du fait de son absence de consentement.

Cass. soc., 24 juin 2020, n°18-17262.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum