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Le constat d’infraction face à l’urgence. Par Pol-Emmanuel Grenet, Avocat.
Parution : mardi 25 août 2020
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Dans un arrêt rendu le 23 septembre 2019, le Conseil d’Etat a précisé le régime du référé-suspension applicable au refus de dresser un procès-verbal d’infraction aux règles d’urbanisme.

Arrêt du 23 septembre 2019, M. P. c/ Commune de Vineuil-Saint-Firmin, n° 424270, aux Tables (B).

L’arrêt rendu le 23 septembre 2019, M. P. c/ Commune de Vineuil-Saint-Firmin, n° 424270, aux Tables (B), a été l’occasion pour le Conseil d’Etat de préciser le régime du référé-suspension applicable au refus de dresser un procès-verbal d’infraction aux règles d’urbanisme.

D’une part l’article L480-1 du Code de l’urbanisme impose au maire, lorsqu’il a connaissance d’une telle infraction, d’en faire dresser procès-verbal, dès lors que l’élément matériel peut (encore) être constaté : CAA Nancy, 1ère chambre, 30 avril 2008, n°07NC00536.

D’autre part, le régime du référé-suspension en matière d’autorisation d’occupation des sols, dont les permis de construire, retient une présomption d’urgence en cas d’exécution des travaux, eu égard à leur « caractère difficilement réversible » : Conseil d’État, 5/7 SSR, 27 juillet 2001, Commune de Tulle, n°230231 (jurisprudence codifiée par la loi ELAN à l’article L600-3 alinéa 2 du Code de l’urbanisme).

Dans la présente affaire, il n’était dès lors pas étonnant à ce que le requérant entende se prévaloir de cette présomption d’urgence, ce dernier estimant que l’exécution des travaux était non-conforme aux dispositions du plan local d’urbanisme.

Or, contrairement au contentieux des autorisations d’occupation de sols, une telle décision de refus n’a trait qu’à la non-conformité des travaux à la règle urbanistique, et non à la décision par laquelle ils ont été autorisés.

Partant, le Conseil d’Etat retient que :

« 5. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier objectivement et concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant et de l’ensemble des circonstances de chaque espèce, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

6. En premier lieu, s’agissant de l’exécution d’une décision par laquelle une autorité administrative refuse de dresser le procès-verbal prévu à l’article L480-1 du Code de l’urbanisme pour constater la méconnaissance par un commencement de travaux des prescriptions du permis de construire au titre duquel ils sont réalisés, la condition d’urgence ne saurait être regardée comme étant par principe satisfaite. Dès lors, en appréciant concrètement au vu de l’ensemble des circonstances de l’affaire si la condition d’urgence requise par l’article L521-1 du Code de justice administrative pouvait en l’espèce être regardée comme remplie, le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit. »

Néanmoins, pour caractériser une situation d’urgence en l’absence de présomption, il demeurera loisible à tout requérant de démontrer que le refus du maire préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à ses intérêts, sous contrôle du juge : Conseil d’Etat, 24 juillet 2019, Association pour l’aménagement de la vallée de l’Esche, n° 428026.

Enfin, en l’état du droit, il n’est pas inopportun d’estimer que la jurisprudence pourrait être différente dans le cas où la non-conformité aux règles de l’urbanisme résulterait d’une construction édifiée sans autorisation, un tel cas emportant par ailleurs l’obligation pour l’édile local d’ordonner l’interruption des travaux.

Pol-Emmanuel Grenet - Avocat au Barreau de Lyon