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Liquidation judiciaire de l’entreprise et faute de l’employeur : les conséquences sur les licenciements prononcés. Par Robin Nabet, Avocat.
Parution : vendredi 21 août 2020
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De (très) nombreuses procédures collectives sont initiées en raison de la crise économique à venir due à la situation sanitaire. Dans ce cadre, les salariés sont licenciés pour motif économique. La Cour de cassation vient de rappeler que le salarié pourrait alors invoquer une faute de l’employeur à l’origine de la cessation d’activité pour contester son licenciement (Cass. Soc., 8 juillet 2020, n°18-26.140).

1) Les conséquences de la faute de l’employeur dans la liquidation judiciaire.

L’article L1233-3 du Code du travail, tel qu’issu de la loi Travail du 8 août 2016, définit le licenciement pour motif économique et prévoit notamment comme cause autonome « la cessation d’activité de l’entreprise ».

La jurisprudence avait auparavant consacré cette cause de licenciement économique.

Ce motif de licenciement économique n’est toutefois pas sans limite. En effet, la Cour de cassation a précisé que la cessation de l’activité de l’entreprise ne devait pas résulter d’une faute de l’employeur ou de sa légèreté blâmable (Cass. Soc., 1er février 2017, n°15-23.039).

L’arrêt rendu le 8 juillet 2020 confirme la possibilité pour le salarié de contester son licenciement en invoquant la faute de l’employeur, qui serait de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Ce moyen est toutefois encadré par un régime probatoire stricte et il s’apprécie in concreto.

2) La difficile preuve de la faute de l’employeur.

La Cour de cassation conditionne la possibilité de contester le bien-fondé du motif économique à la démonstration de la faute, ou de la légèreté blâmable, de l’employeur à l’origine de la liquidation judiciaire.

Dans l’arrêt d’espèce, la Haute Assemblée a considéré que le salarié ne démontrait pas que « le défaut de déclaration de l’état de cessation des paiements de la société et le détournement d’actif commis par le dirigeant » étaient à l’origine de la liquidation judiciaire.

Cette solution, bien que sévère en apparence, rappelle le caractère non automatique de la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que l’employeur aurait commis des erreurs dans la gestion de l’entreprise.

Il importe donc d’apporter la preuve du lien de causalité entre la faute de l’employeur et la liquidation judiciaire de l’entreprise, ce qui s’avère en pratique difficile à réaliser.

La remise en cause du bien-fondé du licenciement pour motif économique prononcé dans le cadre d’une cessation d’activité de l’entreprise nécessaire la démonstration 1) d’une faute ou d’une légèreté blâmable et 2) d’un lien de causalité avec la liquidation judiciaire.

Les juridictions reconnaissent rarement l’existence d’un lien de causalité, critère pourtant indispensable, ce qui limite les moyens de contestation des licenciements par les salariés concernés.

Maître Robin NABET