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Prêt photovoltaïque : dispense de paiement faute de revente d’énergie. Par Grégory Rouland, Avocat.
Parution : lundi 24 août 2020
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Le 07 juillet 2020, la Cour d’appel de Reims a exonéré des emprunteurs de rembourser un crédit suite à l’installation d’un kit photovoltaïque sans revente possible d’énergie, faute pour le vendeur d’avoir communiqué l’attestation sur l’honneur d’EDF, document indispensable pour bénéficier du rachat d’énergie.

I. Rappel des faits.

Le 12 septembre 2016, un couple acquiert auprès de Solution Eco Energie un kit photovoltaïque avec revente d’énergie à EDF, au prix de 23 900 euros, au moyen d’un crédit affecté souscrit auprès de Cetelem (ou BNP Paribas Personal Finance).

Jamais le vendeur n’a remis l’attestation sur l’honneur indispensable à EDF pour permettre la revente d’énergie solaire...

Aussi, les acquéreurs ont assigné Solution Eco Energie et Cetelem devant le tribunal d’instance de Troyes aux fins notamment de voir annuler le contrat de vente et celui de crédit accessoire.

Par jugement du 3 octobre 2019, le tribunal d’instance de Troyes leur a donné gain de cause, mais la banque et le vendeur ont interjetté appel.

II. Position des juges d’appel.

A. Falsification du bon de commande.

Les juges ont constaté que le bon de commande des acquéreurs était vicié, mais aussi falsifié.

En effet, Solution Eco Energie a produit l’exemplaire du bon de commande en sa possession, à l’examen duquel on relève que

"le coût du compteur régulateur (2 900 euros TTC) et le coût de la main d’oeuvre pour 2 000 euros TTC ainsi que les divers renseignements relatifs au mode de paiement [...] ne figurent pas sur l’exemplaire des consorts XXX visé ci-dessus, les signatures des parties étant toutefois strictement les mêmes sur ces deux exemplaires de bon de commande."

Les juges concluent alors "qu’il faut ainsi comprendre que l’exemplaire produit aux débats par le vendeur a été complété après coup."

B. Annulation du bon de commande et du prêt.

Les juges constatent que le bon de commande est totalement sommaire, sans renseignements suffisants, si bien qu’il doit être annulé.

L’annulation de la vente, entraîne de facto celle du crédit.

C. Condamnation du vendeur à reprendre ses matériels.

La société Solution Eco Energie s’était engagée à installer une centrale photovoltaïque, et à effectuer toutes les démarches administratives et diligences nécessaires pour parvenir à une installation productrice d’électricité avec raccordement au réseau public en vue d’une revente à ERDF du surplus d’électricité produite.

Ces diligences comprenaient "l’obtention du contrat de rachat d’électricité et la mise en fonction de l’installation."

Cela signifie que Solution Eco Energie devait s’occuper des démarches auprès d’EDF, ce qu’elle n’a jamais intégralement fait, faute d’avoir transmis l’attestation sur l’honneur indispensable à l’établissement du contrat de rachat d’énergie.

De fait, les juges ont reconnu que les acquéreurs n’avaient jamais revendu d’énergie.

D. Exonération des emprunteurs de rembourser le crédit.

Mieux encore, les juges ont reproché à Cetelem d’avoir réglé Solution Eco Energie, alors qu’elle ne pouvait ignorer que l’installation n’avait pas été achevée ou n’était pas opérationnelle.

En effet, un délai d’un mois séparait la signature du bon de commande, de la demande de financement.

Or, en un délai aussi court, il est légalement et factuellement impossible d’avoir une installation, dont les travaux ont été validés par la Mairie, et raccordée par Enedis !

Cetelem qui finance usuellement ce type d’opération, avait une connaissance parfaite du calendrier qui s’y attache et ne pouvait ignorer les contraintes administratives liées à l’achèvement de ce type de chantier. En libérant les fonds, au profit du vendeur, elle savait pertinemment que l’opération n’était pas achevée, commettant ainsi une faute la privant de sa créance de restitution à l’encontre des emprunteurs.

Par conséquent, les juges ont confirmé le jugement attaqué, exonérant les acquéreurs-emprunteurs de devoir rembourser le crédit.

III. Que retenir de cette affaire ?

En premier lieu, il faut toujours s’assurer que le bon de commande que le commercial soumet à la signature soit dûment rempli.

Si ce n’est pas le cas, il convient de demander au vendeur la copie de l’exemplaire en sa possession, pour s’assurer que le bon de commande n’a pas été rempli a posteriori. Si tel est le cas, il est possible de reprocher au vendeur une tentative de fraude et d’obtenir l’annulation de la vente.

En deuxième lieu, si le vendeur s’est contenté d’installer des matériels sans se soucier de leur finalité (fonctionnement, revente à EDF, etc.), il est conseillé de ne pas transiger et saisir les juridictions, car l’autofinancement des installations photovoltaïques (hors de prix) avec revente d’énergie, est impossible.

En troisième lieu, tout prêteur doit s’assurer, avant de régler le vendeur, que ce dernier a exécuté intégralement le contrat de vente financé et livré une installation opérationnelle. A défaut, la faute du prêteur faute exonère l’emprunteur de devoir rembourser le crédit.

Grégory Rouland Docteur en Droit et Avocat [->gregory.rouland@outlook.fr]