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La faute du conducteur victime et son indemnisation (Cass, Civ 2, 16 juillet 2020). Par Michel Benezra, Avocat.
Parution : mercredi 26 août 2020
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Dès lors qu’un conducteur d’un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident de la circulation, l’indemnisation de ses préjudices corporels sera liée étroitement à l’existence d’un tiers fautif, à ses propres fautes et enfin, à l’existence d’une garantie corporelle du conducteur. La question s’est alors posée de savoir, en cas de réduction de l’indemnisation des préjudices corporels du conducteur victime à cause des fautes qu’il a pu commettre, de cumuler l’indemnisation légale (Régime Badinter) et l’indemnisation contractuelle (garantie corporelle du conducteur) pour la partie non prise en charge par la première. La Cour de cassation admet dans l’arrêt commenté le cumul possible.

1. La faute du conducteur victime et ses incidences sur l’indemnisation de ses préjudices corporels.

L’article 4 de la loi Badinter n° 85-677 du 5 juillet 1985 dispose que :
« La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis. »

Néanmoins, pour opposer la faute du conducteur, et donc solliciter la réduction du droit à indemnisation du conducteur victime, il faudrait impérativement rapporter conformément à la jurisprudence sur les accidents de la route et la loi Badinter, une double preuve : La preuve de l’existence d’une faute + La preuve que cette faute a eu une influence directe et certaine sur la réalisation de l’accident de la route et sur le préjudice en découlant.

La faute invoquée (en général par l’assurance adverse) doit alors avoir eu un rôle causal dans la survenance de l’accident et donc sur l’étendue des préjudices.
En général, il s’agit d’un conducteur blessé dans un accident de la route dont les tests et prélèvements ont révélés soit la présence d’alcool dans le sang ou la présence de stupéfiants dans le sang, ou, les cas d’excès de vitesse ou de conduite maladroite.

L’assurance tente alors d’exclure le droit à indemnisation du conducteur victime en invoquant la faute du conducteur mais elle doit rapporter la double preuve, ci-avant visée.
Dans ce dernier cas, si cette double preuve est bien rapportée, le conducteur ne sera pas indemnisé pour ses préjudices corporels.
Le conducteur victime ne sera également pas indemnisé pour ses préjudices corporels lorsqu’il ne commettra pourtant aucune faute mais qu’il sera le seul impliqué dans l’accident de la route car il n’y aura aucune assurance adverse pour l’indemniser.

Néanmoins, même lorsque le conducteur victime commettra une faute ou qu’il aura un accident seul, donc sans tiers impliqué disposant d’une assurance, le conducteur pourra faire « jouer » son propre contrat d’assurance au titre de la garantie corporelle du conducteur ou plus simplement dénommée « garantie du conducteur »… si cette dernière a bien été souscrite, avant l’accident.

2. La garantie corporelle du conducteur et ses incidences sur l’indemnisation des préjudices corporels du conducteur victime.

La Loi Badinter ne prévoit en effet aucune solution d’indemnisation pour le conducteur victime qui commettrait une faute de conduite (en lien avec l’accident) ou le conducteur non fautif mais seul impliqué.

Aussi, il appartient à tout conducteur de prévoir en amont cette situation en souscrivant un contrat d’assurance automobile avec la garantie corporelle du conducteur, garantie à ne pas confondre avec la garantie « tous risques » qui prévoit l’indemnisation des dommages matériels exclusivement.

Attention à bien lire la « garantie du conducteur » avant d’y souscrire puisqu’en fonction des assurances, il y aura des planchers (seuils d’intervention), des plafonds (indemnisation maximum), des préjudices non indemnisés, et enfin des exclusions de garantie (alcool, stupéfiants…).

Cette garantie corporelle du conducteur qui est une garantie contractuelle couvrira alors l’indemnisation (en partie simplement) des préjudices corporels du conducteur victime qui aura commis une faute de conduite à l’origine de l’accident de la circulation.

3. La garantie corporelle du conducteur vient en complément de la garantie légale Badinter, dès lors que le conducteur victime ayant commis une faute voit son droit à indemnisation se réduire : Cass, Civ 2, 16 juillet 2020.

Les faits de l’arrêt du 16 juillet 2020 sont assez simples : M. D..., qui pilotait un scooter assuré auprès de la société Allianz IARD a été victime d’un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule assuré auprès de la Société anonyme de défense et d’assurance (la SADA).
M. D, conducteur victime ayant commis une faute en lien avec l’accident a vu réduire son droit à indemnisation de 40 %.
Pour récupérer une partie de l’indemnisation comprise dans les 40%, M. D., se prévalant du bénéfice de la garantie individuelle du conducteur stipulée au contrat d’assurance conclu avec la société Allianz, a assigné cette dernière et la SADA en réparation de ses préjudices.

M. D. soutenait que l’indemnité versée par la société Allianz au titre de la garantie du conducteur stipulée au contrat d’assurance de son scooter ne devait pas venir en déduction de la dette indemnitaire de la SADA, assureur du responsable, mais compléter celle-ci dans la limite du préjudice non réparé du fait de la réduction de son droit à indemnisation.

La cour se prononce alors dans le sens d’un cumul possible dans le cas d’une réduction d’indemnisation liée à une faute :

« La limitation, en raison de sa faute, du droit à indemnisation du conducteur victime d’un accident de la circulation est, sauf stipulation contraire du contrat d’assurance garantissant l’indemnisation des préjudices résultant d’une atteinte à sa personne, sans effet sur le montant des prestations à caractère indemnitaire dues par son assureur au titre de cette garantie. Il en résulte que ce conducteur victime peut, dans la limite du montant de ses préjudices, percevoir en sus de l’indemnité partielle due par le responsable de l’accident les prestations à caractère indemnitaire versées au titre de son assurance de personne. »

Michel Benezra, avocat associé BENEZRA AVOCATS Droit Routier & Dommages Corporels https://www.benezra-victimesdelaroute.fr [->info@benezra.fr]