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Guide des critères de qualité des décisions de justice. Par Benoit Henry, Avocat.
Parution : jeudi 27 août 2020
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Qui détermine les critères de qualité des décisions de justice et dans quel objectif sont-ils fixés ?
Le choix d’indicateurs de qualité n’en est en France qu’à ses débuts.
Ce doit être un travail essentiel que d’élaborer les outils d’évaluation à la fois pertinents pour répondre aux demandes de qualité et acceptés par l’ensemble des acteurs du système judiciaire.
Vous trouverez en fin d’article un guide pour améliorer la qualité des décisions.
Article actualisé par son auteur en janvier 2024.

Pour consolider l’indispensable réforme de l’Etat, la culture du résultat doit être certes réaffirmée en renforçant la légitimité des outils, des indicateurs et de leurs usages.

Pour que ces objectifs et les indicateurs soient utiles, car admettons le, ils ne le sont pas toujours, il faut qu’il aient une pertinence : qu’il soient proportionnés aux enjeux financiers et qu’ils soient compréhensibles pour le citoyen, pour les commentateurs, pour le contribuable ou l’usager des services publics.

La réponse à ces questions ne nous appartient pas, mais il ne nous est pas interdit d’en débattre pour contribuer à l’émergence d’un consensus sur cette problématique qui, loin d’être propre à la Cour de Cassation, est commune à tous les ordres de juridictions.

1 - Les critères de qualité des décisions de justice dégagés par les acteurs du système juridictionnel.

Les ressources allouées au système judiciaire.

Des ressources humaines et matérielles sont indispensables pour que la décision rendue soit de qualité. Un nombre convenable de magistrats est nécessaire pour porter l’attention nécessaire à chaque affaire.

La qualité de la législation.

Les critiques concernant la qualité de la législation sont nombreuses.

Elles sont connues. Elles visent l’inflation législative, le défaut de clarté et d’intelligibilité des lois, le manque de portée normative, l’imprécision de certaines dispositions, l’existence de lois inefficaces faute de décrets d’application, ou supprimées avant même la date d’entrée en vigueur.

Une législation mal écrite, incohérente, trop changeante rend le travail du juge plus difficile, et en conséquence, a une influence négative sur la qualité de la décision rendue.

La qualité de la formation des acteurs du système judiciaire.

La formation des acteurs du système judiciaire participe à l’élaboration d’une décision de justice de qualité.

Ces acteurs sont nombreux. Il s’agit des magistrats du siège, des fonctionnaires, des avocats, des huissiers…

Chacun d’eux intervient dans la chaîne de production de la décision de justice.

Le juge occupe une place centrale puisqu’il est chargé de rendre la décision.

Sa formation est essentielle à la qualité des décisions qu’il rend.

Le juge n’est cependant pas le seul acteur de la procédure, il n’est d’ailleurs qu’un des maillons d’une chaîne qui aboutit à la production de la décision de justice.

L’avocat joue également un rôle primordial : il formalise les demandes, développe un argumentaire et rédige les conclusions qui vont permettre au juge de rendre sa décision.

On pourrait ainsi considérer que le rôle de l’avocat est essentiel à la qualité de la décision dans la mesure où c’est lui qui apporte la matière à partir de laquelle la décision est rédigée.

L’accès au juge.

Dans le processus conduisant à l’élaboration de la décision de la justice, l’accès au juge apparaît comme une condition préalable et nécessaire.

Le caractère fondamental de ce droit est reconnu par l’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

La motivation constitue un élément primordial de qualité des décisions.

Une décision de justice doit être claire, intelligible et motivée.

A l’inverse, les exigences de forme que les décisions de justice doivent respecter n’apparaissent pas traditionnellement dans les travaux portant sur la qualité des décisions.

Or, il semble cependant qu’il s’agisse d’un critère important.

Cette exigence permet de retracer la procédure suivie par une affaire : les mentions obligatoires du Code de Procédure Civile participent à la compréhension de la décision.

Pour cette raison, il semble nécessaire de considérer que les exigences de forme (Exception, FNR…) constituent un critère de qualité des décisions de justice.

Il est donc question de présenter ce critère avant d’évoquer la clarté et l’intelligibilité de la décision pour enfin porter notre attention sur la motivation des décisions.

De nombreux développement sont consacrés à la motivation comme critère de qualité de la décision.

La première fonction de la motivation est le contrôle de la légalité de la décision.

La seconde fonction de la motivation est d’assurer le contrôle de conformité de la décision à la loi.

2 - Les critères de qualité des décisions de justice adoptés par les pouvoirs publics.

L’objectif de l’Etat est de faire passer d’une logique de moyens à une logique de résultats.

Désormais, les discussions budgétaires portent non seulement sur les moyens mais aussi sur l’efficacité des dépenses par rapport à des objectifs définis pour chaque programme.

La maîtrise de la croissance des frais de justice est visée avec un objectif d’efficience.

Un autre objectif est celui de réduire les délais de traitement des procédures dans des délais raisonnables.

Il s’agit d’accélérer le traitement des affaires et de réduire les délais.

Le délai raisonnable au sens de l’article 6 de la Convention Européenne des droits de l’homme vise plutôt un « délai de qualité » qui serait « prévisible et accepté par le justiciable ».

A ces objectifs sont associés « des indicateurs d’efficacité, de qualité de service rendu à l’usager et d’efficience de l’activité judiciaire ».

Il s’agit de rendre concrets les objectifs, en déterminant des indicateurs précis qui sont imposés aux juridictions, suivis et analysés afin que ces dernières améliorent leur fonctionnement au regard des objectifs poursuivis.

Les projets de loi de finances comportent huit indicateurs retenus pour rendre compte de l’objectif « rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière civile » :
1 - le délai moyen de traitement des procédures par type de juridiction ;
2 - le délai théorique d’écoulement des stocks des affaires civiles terminées par type de juridiction ;
3 - l’ancienneté moyenne du stock par type de juridiction ;
4 - le délai moyen de délivrance de la copie revêtue de la formule exécutoire ;
5 - le taux de requête en interprétation, en rectification, en omission de statuer ;
6 - le taux de cassation des affaires civiles ;
7 - le nombre des affaires traitées par magistrat du siège ou par conseiller ;
8 - le nombre d’affaires traitées par fonctionnaire.

Le choix discutable d’un modèle gestionnaire pour définir et améliorer la qualité de la décision de justice.

Ces indicateurs servent donc à mesurer la performance de la justice, à partir des performances des juridictions et de leur personnel.

Or, sur les 8 indicateurs sélectionnés pour apprécier la qualité des décisions rendues en matière civile, quatre sont des mesures de délais et de stocks (1,2,3,4), deux mesurent la productivité des magistrats et des fonctionnaires (7,8) et deux évaluent le défaut supposé de qualité (5,6).

On voit donc immédiatement la place prise par les délais et la performance aux dépens des critères plus substantiels.

Ces indicateurs ne correspondent pas aux analyses de la qualité dégagés par les acteurs du système juridictionnel.

Ils se limitent à une approche quantitative de la « production » des juridictions.

Sur le plan judiciaire, les critères adoptés par les pouvoirs publics qualifiés d’indicateurs dans une seule perspective gestionnaire peuvent être critiqués.

La méthode utilisée par les pouvoirs publics pour élaborer les critères de qualité manque de concertation avec les autres acteurs du système juridictionnel : les justiciables, d’une part, et les professionnels de la justice, d’autre part.


Voici le guide de la qualité des décisions de justice décliné en 8 fiches.

Fiche 1 - La structuration des écritures et la qualité de la décision

Fiche 2 - Les ressources allouées au système judiciaire et la qualité de la décision

Fiche 3 - Une législation de qualité et la qualité de la décision

Fiche 4 - La formation des acteurs du système judiciaire et la qualité de la décision

Fiche 5 - La qualité de la procédure et la qualité de la décision

Fiche 6 - La qualité intrinsèque de la décision et la qualité de la décision

Fiche 7 - Le respect du délai raisonnable et la qualité de la décision

Fiche 8 - Les critères adoptés par les pouvoirs publics et la qualité des décisions de justice

Benoit HENRY, Avocat [->http://www.reseau-recamier.fr/] Président du Réseau RECAMIER Membre de GEMME-MEDIATION https://www.facebook.com/ReseauRecamier/