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Avocat et créateur de legaltech, c’est possible. Exemple avec Xavier Berjot.
Parution : mardi 25 août 2020
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Créer une legaltech, oui, mais comment ? En effet, si certains professionnels se lancent dans l’aventure, la démarche n’est pas toujours aisée ! Gestion d’une seconde activité, confrontation à des compétences que l’on ne maitrise pas ou peu, sans compter la dimension technologique du projet... mais concrètement, comment s’organiser ?
Suite de notre série d’interviews sur le sujet, avec Xavier Berjot, Avocat, qui a lancé le site LegalExpert-RH dédié au monde des Ressources humaines [1].

Village de la Justice : Vous avez créé la Legaltech LegalExpert-RH. Quelles étaient vos motivations de départ ?

Xavier Berjot : « Je m’intéresse depuis longtemps au marché des Legaltechs, qui a pris une importance considérable aux Etats-Unis dès le début des années 2000, avec des acteurs tels que LegalZoom ou LegalMatch. J’apprécie tout particulièrement le fait d’introduire de l’innovation dans le secteur juridique, qui est généralement perçu comme réfractaire aux nouvelles technologies. Par ailleurs, la création d’une Legaltech est un défi complexe et donc stimulant.

C’est dans ce contexte que j’ai imaginé ma Legaltech, il y a 3 ans. »

Comment qualifiez-vous l’activité de votre entreprise ? Legaltech, site de commerce en ligne...?

« Je qualifie l’activité de mon entreprise de Legaltech car elle propose des produits et des services juridiques grâce au développement d’une technologie avancée. Les dimensions juridiques et technologiques de mon entreprise sont indissociables. Elles sont d’importance égale et se complètent. Bien entendu, ma Legaltech vend des produits et services en ligne et elle peut donc être qualifiée de commerce en ligne. Je ne perçois pas cette expression comme péjorative. »

Comment conciliez-vous les activités d’avocat et de président d’une SAS, tant en terme d’emploi du temps que de respect des règles, déontologiques par exemple ?

« Le métier d’avocat est extrêmement prenant et laisse peu de temps libre. Développer parallèlement une Legaltech est donc compliqué et il faut accepter de travailler presque tous les jours de l’année. Ma Legaltech est cependant un projet collectif autour duquel une dizaine de personnes travaillent : avocats, graphistes, ingénieurs, développeurs web, business développeurs, etc.

"D’un point de vue déontologique, les choses sont claires."

D’un point de vue déontologique, les choses sont claires : selon le CNB, l’avocat qui exerce une activité accessoire sous la forme d’une société n’est pas soumis au RIN pour cette activité. Dans un tel cas, l’avocat est seulement soumis aux principes essentiels de la profession. »

Dans vos deux activités, la valeur apportée au client est-elle réellement différente ?

« Je dirais plutôt que la proposition de service est différente dans les deux cas. Pour vous donner un exemple, ma Legaltech permet à l’utilisateur de gérer en autonomie une procédure de licenciement, grâce à des documents automatisables en ligne, et avec l’assistance d’un tutoriel. A la fin de son parcours, l’utilisateur peut faire vérifier ses documents par un avocat. L’utilisateur doit donc avoir constitué son dossier au préalable et conserve la maîtrise de la rédaction des documents. A l’inverse, si je réalise la même mission en tant qu’avocat, je m’occupe de l’intégralité du dossier.

En définitive, les clients ont le choix du service en fonction de leur niveau de connaissance et de compétence. »

Que dites-vous à ceux qui pensent que vous vous concurrencez vous-même, ou plutôt que votre Legaltech concurrence vos confrères ?

« Comme je l’indiquais, ma Legaltech ne remplace pas les services apportés par les avocats. D’ailleurs, elle donne du travail à des avocats, puisque les utilisateurs peuvent faire relire leurs documents par un avocat. J’ajoute que le marché du droit est très vaste et qu’il n’est pas entre les mains des seuls avocats, même si ceux-ci disposent d’un monopole (partagé) en matière de consultation juridique et de rédaction d’actes sous seing privé (article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971). »

Quel est votre projet en cas de succès, arrêter votre cabinet si l’entreprise fonctionne bien ? Maintenir les deux activités en étant forcément à moins de 100% dans les deux activités ? Ou...?

« Je compte maintenir mes deux activités, ce qui est possible dans la mesure où ma Legaltech est un projet collectif qui ne mobilise pas 100 % de mon temps. Le métier d’avocat et la direction d’une Legaltech sont complémentaires. Je pense également que les utilisateurs sont rassurés en constatant qu’un avocat préside la Legaltech qu’ils utilisent dans le cadre de leurs activités. »

Quel conseil donneriez-vous à vos confrères avocats en matière de création d’outil Legaltech ?

« Créer une Legaltech n’est pas un exercice facile. Il faut savoir dégager du temps, lever des fonds et mobiliser des compétences. Il est également crucial de trouver sa place sur le marché du droit qui est très concurrentiel.

"Sachez vous entourer de spécialistes."

J’aurais deux conseils à prodiguer à mes confrères en matière de création d’outil Legaltech : 1. définissez votre modèle économique et réalisez (ou faites réaliser) une véritable étude de marché ;
2. Sachez vous entourer de spécialistes, surtout dans le domaine informatique que nous ne maîtrisons pas nécessairement. »

En conclusion, en 2 à 3 mots, comment qualifieriez-vous votre motivation principale pour la création de cette entreprise ?

« 
- Entrepreneuriat ;
- Curiosité ;
- Anticipation. »

Rédaction du village