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Contestation de créances : rappels de bonne conduite de la procédure devant le juge commissaire. Par Magalie Provost, Avocat.
Parution : lundi 31 août 2020
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Cet article a pour objet de rappeler les règles élémentaires applicables devant le juge commissaire chargé de statuer en matière de contestation de créances dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire.

Arrêt de la Cour d’appel de Bourges du 04 juillet 2019 (RG N° 18/01449 ).

Plusieurs moyens peuvent être soulevés pour contester une ordonnance du juge commissaire.

1) Vérifier la procédure de convocation.

La convocation à l’audience de contestation de créances d’une procédure collective relève des règles relevant du Code de Procédure Civile, comme le dispose l’article R662-1 du Code de commerce dans sa rédaction issue du décret du 30 juin 2014 :

« A moins qu’il n’en soit disposé autrement par le présent livre : 1° Les règles du code de procédure civile sont applicables dans les matières régies par le livre VI de la partie législative du présent code… ».

Si la convocation doit impérativement être faite par lettre recommandée avec accusé de réception (article R. 624-4 du code de commerce), sa validité diffère selon qu’elle a été signée ou non par son destinataire.

Ainsi,
- la notification est réputée faite à personne lorsque l’avis de réception est signé par son destinataire (article 670 du Code de Procédure Civile).
- En cas de retour au secrétariat de la juridiction d’une lettre de notification dont l’avis de réception n’a pas été signé, l’article 670-1 du Code de Procédure Civile dispose que « le secrétaire invite la partie à procéder par voie de signification ».

Qu’en est-il d’une convocation envoyée en lettre recommandée avec accusé de réception au débiteur, mais retournée au greffe avec la mention « Destinataire inconnu à cette adresse » ?

Dans cette hypothèse, le Greffe du Tribunal de commerce devrait, conformément aux dispositions de l’article 670-1 du Code de Procédure Civile, inviter le créancier à procéder par voie de signification.

A défaut, le débiteur ne peut pas être informé de la date et de l’heure de l’audience de contestation de créance et ce procédé devrait emporter la nullité de la procédure de vérification des créances.

Encore faut-il que les moyens de nullité soulevés causent grief.

2) Exposer les griefs.

Devant le juge commissaire, la procédure est orale ; il en résulte que les parties doivent comparaître à l’audience pour faire valoir leurs prétentions.

Une convocation irrégulière à l’audience du Juge Commissaire contrevient manifestement :
- aux dispositions de l’article 14 du Code de Procédure Civile (« Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée »),
- aux dispositions de l’article 16 du même Code (« Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction »),
- et aux dispositions de l’article L621-9 du Code de Commerce (« Le juge-commissaire est chargé de veiller (…) à la protection des intérêts en présence »).

Le principe du contradictoire a donc manifestement été violé.

Cet argument a emporté la conviction de la Cour d’appel de Bourges qui a prononcé la nullité pure et simple de l’ordonnance rendue par le juge commissaire :

« Concernant les griefs invoqués par Madame C. du fait de ce défaut de convocation, il convient de relever tout d’abord que la procédure devant le juge commissaire étant orale, Madame C. n’a pu se présenter devant lui aux fins de faire valoir ses arguments face à ceux qui ont pu y être présentés par la SA Corhofi. En ne s’assurant pas, au vu du retour infructueux de la convocation par courrier de Madame C., du fait que celle-ci avait bien été avisée de l’audience et en prenant néanmoins en compte les prétentions de la SA Corhofi, le juge commissaire n’a pas respecté le principe de la contradiction ».

3) Vérifier la compétence du juge commissaire.

Le domaine de compétence du juge commissaire est limité aux créances qui ne sont pas sérieusement contestées ; par exception, celui-ci doit se déclarer incompétent en présence de contestations sérieuses.

L’article R624-5 du Code de commerce dispose en effet que :

« Lorsque le juge-commissaire… constate l’existence d’une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion ».

Une contestation sérieuse peut être, par exemple :
- L’absence de justificatifs concernant la créance déclarée,
- L’absence de justificatifs concernant le calcul des intérêts réclamés par le créancier,
- L’absence de justificatifs concernant le préjudice subi par le créancier,
- La qualification d’une indemnité de rupture (en l’espèce, est-elle assimilable ou non à une clause pénale emportant la modération du juge)…

Dès lors que des contestations sérieuses étaient soulevées par le mandataire liquidateur et constatées par le juge commissaire, celui-ci aurait dû se déclarer incompétent et renvoyer les parties à mieux se pourvoir.

Telles sont les règles de principe rappelées par la Cour d’appel de Bourges :

« Il y a lieu en conséquence de constater que les créances dont la SA Corhofi sollicitait l’admission faisaient l’objet devant le juge commissaire de contestations sérieuses soulevées par le mandataire liquidateur, susceptibles d’avoir une incidence sur le montant des créances déclarées. Le juge commissaire aurait ainsi dû constater que ces contestations excédaient son pouvoir juridictionnel et inviter les parties à saisir le juge compétent ».

Magalie Provost Docteur en Droit Privé Avocat au Barreau de Nevers [->provost.avocat@gmail.com] Site internet: www.provost-avocat-nevers.fr