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Le cadre juridique et fiscal de l’industrie de construction automobile en droit algérien. Par Boukider Samir, Avocat.
Parution : mercredi 9 septembre 2020
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Toutes les politiques précédentes adoptées par le gouvernement algérien afin de développer l’industrie de construction automobile, de l’assemblage à la production, se sont soldées à un échec lamentable. Les tentatives de production de véhicules, même avec des taux d’intégration faible, se sont transformées en fiasco. En effet, malgré l’énorme ressource financière injectée par le Trésor public à cette filière industrielle pour l’émergence et le développement du secteur, la réalité est toute l’autre, donc ni la synergie pour réactiver les secteurs axillaires, comme la sous-traitance industrielle, ni l’Etat, ayant eu le bénéfice espéré de tel investissement.

De ce fait, un processus de refonte des règles existantes a été lancé, dès le début de l’année 2020. Pour tout ce que relève du cadre juridique de la matière, ce processus a conduit à l’introduction d’un nouveau décret exécutif n°20-226 fixant les conditions et les modalités d’exercice de l’activité de construction de véhicules, du 19 août 2020 (« Décret Exécutif N°20-226 ») [1] , mettant fin ainsi à la législation existante en place [2] , à compter de la date du jour suivant à la publication de nouvelles dispositions au Journal officiel.

En conséquence, les opérateurs existants (principalement dans l’activité d’assemblage de voitures) sont tenus de se conformer au nouveau cahier des charges annexé au Décret Exécutif n°20-226. Dans l’intervalle, ces derniers, leurs importations d’intrants, pièces et composants entrant dans l’activité d’assemblage de voitures, le régime général (au lieu du régime préférentiel) de chaque article importé s’applique à sa position tarifaire douanière [3]. Il s’agit d’un signal fort des pouvoirs publics qu’aucun traitement préférentiel ne leur sera accordé sans se soumettre en conformité avec les nouvelles règles.

I. Conditions générales.

1. Observations préliminaires sur l’exercice de l’activité de construction d’automobile et de véhicules.

1.1 Personne éligible pour investir dans la construction automobile et de véhicules (ratione personae).

Il nous semble important de revoir cet élément, car il déterminera si les investisseurs étrangers sont autorisés ou non à entreprendre une telle activité ? Et si oui, dans quelles conditions ces derniers peuvent avoir accès au marché algérien, et avec quelle capacité, en tant qu’investisseur seul ou en association avec un partenaire algérien opérant dans un secteur similaire ?

A cet égard, l’article 2 du Décret Exécutif n°20-226, le définit comme suit :

« Toute entité de droit algérien, exerçant une activité industrielle entrant dans le cadre des conditions édictées par le présent Décret et les dispositions du cahier des charges à souscrire, jointe en annexe.
L’investisseur peut être une ou plusieurs personnes physiques ou morales étrangères, opérant seule ou en partenariat avec des nationaux résidents, opérant dans le cadre d’une société de droit algérien ».

Au regard de la définition, il est donc possible de confirmer que les investisseurs étrangers (en tant que constructeurs détenteurs de marques) sont les premiers appelés pour être autorisés à entreprendre une telle activité soit seuls, soit en partenariat avec des investisseurs algériens résidents. De plus, le Décret Exécutif n°20-226 dont les dispositions légales sont conformes avec la loi n°19-14 portant loi de finance pour 2020 du 11 décembre 2020 (« LF 2020 ») qui limite, désormais, l’application de la règle 51/49 aux investissements mixtes à certains « secteurs stratégiques » qui seront énumérés de manière exhaustive par voie réglementaire [4].

En effet, 6 mois après la promulgation de LF 2020, l’énumération de ces « secteurs stratégiques » par voie règlementaires n’étaient que par d’autres dispositions de la loi n°20-04 portant loi de finance complémentaire pour 2020, du 4 juin 2020 (« LFC 2020) qui ont précisé de quoi s’agit par « secteurs stratégiques » de l’article 109 de la FL 2020.

Dès lors, conformément aux articles 49 et 50 de la LFC 2020, l’industrie de la construction automobiles et de véhicules est exclue des « secteurs stratégiques » qui obligent la participation des investisseurs étrangers à se limiter à 49% du capital, en conformité avec la règle 51/49. C’est pourquoi, les investisseurs étrangers dans l’industrie de la construction automobiles ne sont pas concernés par ladite règle.

1.2 Signification du terme « investissement » dans le cadre du Décret Exécutif n°20-226 (ratione materiea).

Il convient de rappeler qu’il y a déjà en place un cadre juridique applicable à l’organisation et à la structuration des investissements en droit algérien, à savoir la loi n°16-09 relative à la promotion des investissements du 3 août 2016, modifiée et complétée (« Loi n°16-09 »). Néanmoins et dès lors qu’en application du principe lex specialis degorat legi generali, il pourra utilement être référé aux dispositions légales du Décret Exécutif n°20-226 s’agissant la détermination de la définition et de l’interprétation du terme « investissement » dans le cadre de la construction de véhicules.

Toutefois, il doit être précisé que les autres dispositions de la Loi n°16-09 demeurent applicables, dans la mesure où le projet d’investissement de construction de véhicules est éligible pour bénéficier des avantages octroyés pendant les phases de réalisation et d’exploitation du projet.

A ce titre, l’article 2 du Décret Exécutif n°20-226 définit l’investissement comme suit :

« Tout investissement ayant pour finalité de produire localement un véhicule dont le taux d’intégration répond aux exigences du présent Décret en partant de sa base constituée par le châssis et la carrosserie et toute autre partie emboutie ou mécano-soudée ».

Dans ce cadre, il peut être constaté que tous les indices du Décret Exécutif n°20-226 ont pour but l’émergence et la promotion du tissu industriel existant. De même, l’architecture du cadre juridique actuel est fondé, principalement, sur l’intégration progressive par implication des acteurs locaux (sous-traitants, petits équipementiers, prestataires de services techniques et d’ingénierie) suite à la synergie créée par l’intervention des investisseurs étrangers sur le marché intérieur.

2. Cadre réglementaire pour l’exercice de l’activité de construction automobile et de véhicules.

2.1 Obtention de l’Autorisation Provisoire.

L’investisseur intéressé par le marché algérien doit obtenir, avant s’engager à toute activité liée au domaine de la construction de véhicules, une Autorisation Provisoire du Ministère chargé de l’industrie. Pour l’obtention d’une telle Autorisation, un dossier doit être déposé auprès du secrétariat du Comité Technique, créé spécialement à cet effet.
Le dossier doit inclure les documents suivants :
- Formulaire de demande d’Autorisation Provisoire,
- Cahier des charges daté, signé et paraphé par la personne dûment habilitée et portant la mention « lu et approuvé »,
- Fiche d’engagement dûment daté et signé,
- Copie des statuts de la société faisant ressortir l’activité construction de véhicules,
- Etude technico-économique indiquant aux éléments suivants :
- Etude détaillée du projet, couvrant les aspects techniques, financiers et commerciaux du projet, avec des prévisions chiffrées sur trois (03) exercices d’exploitation,
- Liste des principaux équipements et installations du projet et création d’emplois par catégorie,
- Disponibilité et organisation des installations qui abritent l’activité (plans détaillés),
- Niveaux des montants d’investissement envisagés par étapes en adéquation avec les niveaux d’intégration du projet,
- Niveau de production projeté par type, modèle et par étape en volume de production,
- Liste des principaux composants, pièces et parties importer et ceux à produire localement (soit par intégration interne soit en sous-traitance),
- S’engager à obtenir un Identifiant Mondial de Fabricant (World Manufacturer Identifier « WMI ») spécifique à l’usine installée en Algérie.

L’Autorisation est délivrée par le Comité Technique, dans un délai de 30 jours ouvrables. De la même manière, l’avis défavorable est motivé et notifié au demandeur dans le même délai [5].

2.1.1 Nature et durée de l’Autorisation Provisoire.

L’octroi de l’Autorisation permet à l’investisseur de commencer la réalisation de son investissement, en référence à l’acquisition ou à la location du terrain, la construction des installations nécessaires pour abriter l’activité. A ce titre, l’Autorisation est valable pour une période de 36 mois avec possibilité de prorogation de 12 mois sur demande de l’investisseur appuyée des documents justificatifs.

Aussi, l’Autorisation Provisoire ne doit en aucun cas être assimilée à une autorisation d’exploitation, dont l’obtention est subordonnée à la bonne exécution des engagements souscrits dans l’Autorisation Provisoire [6].

2.2 Obtention de l’Agrément Final.

Comme mentionné, le démarrage de l’activité et la mise en service du projet est conditionnée par l’obtention d’un Agrément Final dont le dossier est déposé auprès du Comité Technique susmentionné :
- Demande d’obtention de l’Agrément Final,
- Copie du registre du commerce,
- Numéro d’Identification Fiscal (« NIF »),
- Documents attestant l’existence des infrastructures et équipements nécessaires à la production des véhicules tels que déclarés dans les documents du dossier d’Autorisation Provisoire,
- Justificatif de l’usine algérienne titulaire d’un enregistrement WMI.

L’octroi de l’Agrément est soumis à l’inspection du site abritant les installations et les infrastructures du projet. L’inspection est effectuée par le Département de l’industrie de la Wilaya dans le ressort duquel se trouve le projet. Toute insuffisance constatée ou réserves faites au projet seront notifiées à l’investisseur par le secrétariat du Comité Technique dans les 30 jours, suivant le dépôt de dossier. L’investisseur dispose 15 jours à compter de la réception de la réservation pour remédier la situation [7].

Sous réserve de l’article 9, l’Agrément Final est accordé par le Ministre chargé de l’industrie dans les 30 jours suivant le dépôt de la demande auprès du Comité Technique [8]. Nous notons, ici, qu’il existe une confusion entre les dispositions légales du Décret Exécutif N°20-226 précisément, les articles 7§4 (qui habilite le Ministre du commerce à accorder un tel Agrément) [9] et l’article 10 (qui habilite le Ministre chargé de l’industrie à accorder un tel Agrément).

À des fins de clarifier cette contradiction et à titre de comparaison, le retour aux dispositions légales de l’ancienne cadre juridique régissant la matière s’impose. En effet, après examen des règles du Décret Exécutif n°17-344 (abrogé), il apparaît pouvoir être soutenu qu’il appartient au Ministre chargé de l’industrie les prérogatives de délivrer l’Agrément Final pour un investisseur remplissant les conditions requises.

Par conséquent, l’implication du Ministre du commerce, dans ce processus, apparaît dans deux hypothèses.

Hypothèse 1 :

L’investisseur, en tant que titulaire de l’Autorisation Provisoire, n’ayant pas rempli ses obligations et ses engagements prescrits dans ladite Autorisation après l’expiration de sa durée initiale (qui est de 24 mois selon l’ancien régime) ou à l’expiration de sa durée de prorogation (sans préciser la durée de la prorogation) ou

Hypothèse 2 :

L’investisseur n’ayant pas sollicité l’Agrément Final en tant que deuxième étape du processus d’acceptation d’opérateurs pour la construction de voitures.

Par conséquent, dans les deux hypothèses, le Ministre chargé de l’industrie peut saisir et charger le Ministre du commerce d’entamer la procédure légale de retrait du registre du commerce de l’investisseur demandeur, puisque ce dernier document est délivré par les services du Ministère du commerce.

De plus, s’agissant d’une activité réglementée, les services du Ministère du commerce ne sont pas habilités à octroyés des autorisations temporaires ou définitives, dont la mission relève de l’institution ou de l’administration de chaque secteur à le faire. Donc, le rôle du Ministère du commerce est de vérifier avant l’inscription du demandeur au registre du commerce que ce dernier possède l’autorisation ou l’agrément requis [10].

En effet, l’article 4 du Décret Exécutif n°15-234 précise :

« L’inscription au registre du commerce pour l’exercice d’une activité ou d’une profession réglementée
est soumise à la présentation, d’une autorisation ou d’un agrément provisoire, délivré par l’administration ou l’institution habilitée.

L’exercice effectif de l’activité ou de la profession réglementée, reste subordonné à l’obtention par le Postulant, de l’autorisation ou de l’agrément définitif délivré par l’administration ou l’institution habilitée, lorsque, les conditions de l’exercice de l’activité et de la profession le permettent ».

A notre sens, l’article 7§4 du Décret Exécutif n°20-226 est la source de cette ambiguïté, c’est pourquoi, nous pensons qu’il est indispensable de contenir cette erreur le plutôt possible par un décret rectificatif.

3. Cadre technique pour l’exercice de l’activité de construction automobile et de véhicules.

3.1 Obtention de la Décision d’Evaluation Technique.

Le régime fiscal préférentiel applicable à la construction de véhicules prévu par l’article 22 dudit Décret subordonne le bénéfice de celui-ci à l’obtention de la Décision d’Evaluation Technique (« DET »). La DET est délivrée par le Ministre chargé de l’industrie au constructeur agréé, comme prescrit ci-dessus. Le dossier est soumis au secrétariat du Comité Technique en deux (02) exemplaires.

Le dossier du fabricant pour l’obtention de la DET doit inclure les documents suivants :
- Formulaire de demande fourni à cet effet dûment complété et accompagné de pièces justificatives,
- Copie du registre du commerce,
- Fiches Technique Descriptive sur papier et format numérique,
- Liste des composants fabriqués localement pour intégration dans le produit.

La DET est accordée dans les 30 jours suivant la visite du site par le Département de l’Industrie de Wilaya du ressort duquel l’usine du fabricant est implantée pour l’existence de l’infrastructure nécessaire.

3.2 La DET et taux d’intégration.

Tout d’abord, s’agissant particulièrement du taux d’intégration, ce dernier décrit le moment où un constructeur atteint un taux minimum, qui est déterminé à l’avance, généralement au début du projet, à la suite de la réalisation d’activités en Algérie concomitantes à la production du produit final soit en usine, soit par sous-traitance locale. En effet, conformément aux dispositions légales de l’Annexe I du Décret Exécutif n°20-226, l’intégration est interprétée largement, puisqu’elle peut inclure une intégration développée en usine du constructeur ou qui est fournie par des sous-traitants locaux.

Mais aussi, les achats locaux issus de la sous-traitance locale sont comptabilisés en tant qu’intégration locale. De tels achats peuvent concerner les matières, pièces de première monte et les composants produits localement et qui, également, justifient un taux d’intégration acceptable par la règlementation applicable.

En deuxième lieu, l’importance de la DET réside dans la confirmation de l’engagement du constructeur vis-à-vis des pouvoirs publics pour son implication dans la production locale de véhicules en appliquant un taux d’intégration progressive croissant de la manière suivante [11] :

Année correspondanteTaux d’intégration (%)
À partir de la mise en service du projet (elle dure 2 ans) 30%
3ème année 35%
4ème année 40%
5ème année 50%

Enfin, un bonus de 5% du taux d’intégration général atteint, est accordé sur le taux d’intégration pour l’adaptation, sur les véhicules produits, des organes suivants de production nationale : (i) moteurs, (ii) ponts et (iii) boîte de vitesses et ce pour chaque module ayant atteint le taux d’intégration de 40%, en plus de son incidence sur le taux général [12].

3.3 Recours administratif disponible au candidat contre la décision défavorable pour obtenir la DET.

L’investisseur mécontent, de la décision du Ministre chargé de l’industrie, peut introduire un recours devant la Commission de Recours dans les 15 jours, à compter de la date de notification de la décision. La Commission de Recours transmet la plainte au Ministre chargé de l’industrie pour délibérer et rendre une décision définitive. Une fois la décision est prise par le Ministre chargé de l’industrie, il revient à la Commission de notifier la décision finale dans un délai de 30 jours, à compter de la date de dépôt du recours.

En l’absence de dispositions du Décret Exécutif n°20-226 pour contester la décision du Ministre chargé de l’industrie, il est possible pour un investisseur insatisfait de se référer en vertu des règles générales du code de procédure civile et administrative afin d’introduire une action judiciaire administrative en annulation devant le Conseil d’État (en premier et dernier ressort).

La Commission siège au Ministère chargé de l’industrie, composée de quatre (04) membres désignés par le Ministre chargé de l’industrie, chaque membre représentant les ministères suivants : Industrie, Commerce, Finances et la Chambre Algérienne de Commerce et d’Industrie.

4. Régime fiscal pour l’exercice de l’activité de construction automobile et de véhicules.

Selon l’article 22 du Décret Exécutif n°20-226, les fabricants bénéficient du régime préférentiel prévu par l’article 60 du CFL 2020 susmentionné.

4.1 Exonération des droits de douane et de la TVA.

Les produits concernés par ces mesures fiscales sont :
- Les matières premières importées ou acquis localement, ainsi que,
- les composants acquis auprès des sous-traitants activant dans la production d’ensembles et de sous-ensembles destinés aux produits et équipements des industries mécaniques, électroniques et électriques.

Les matières et composants importés seront consignés dans une liste quantitative établie au titre de chaque exercice fiscal, comme partie intégrante d’une DET accordé par le Ministre chargé de l’industrie, que le constructeur agrée sera tenu de soumettre aux services de l’administration des douanes et des impôts.

II. Conditions spéciales et particulières.

1. Conditions particulières applicables à l’investisseur étranger.

Outre les conditions générales susmentionnées, l’investisseur étranger doit également remplir d’autres critères, conformément à l’article 2 de l’Annexe I du Décret Exécutif n°20-226 :
- Être un acteur mondial de premier rang dans le domaine de la construction de véhicules,
- S’engage à apporter son savoir-faire technologique,
- Etre garant solidaire en cas de financement partiel du projet par la banque,
- Présente l’étude technique du projet réalisée par des firmes spécialisées en relation contractuelle directe avec la société mère et financé par celle-ci,
- Apporte au moins pour le financement, au démarrage du projet, 30% des fonds propres du montant global d’investissement.

2. Conditions particulières applicables à l’investisseur algérien.

En ce qui concerne l’investisseur algérien, les conditions particulières suivantes s’appliquent [13] :
- Possède une capacité financière de fonds propres d’au moins 30% de sa participation au montant global de l’investissement envisagé,
- Aptitude à la mise en place et à la gestion d’un investissement industriel concrétisée par une précédente expérience d’au moins 5 ans dans une activité de production industrielle, sans incidents de gestion, ni défaut de paiement de ses obligations financières et sans infractions majeures constatées,
- La solvabilité quant à ses fonds propres et les garanties d’équipement,
- Les plans d’investissement doivent prévoir de bloquer sur compte, ses apports d’au moins 30%,
- Etre à jour en matière d’obligations fiscales et parafiscales, sur l’intégralité des activités dans lesquelles sa caution ou sa gestion est engagé,
- Présente l’étude technique et financière du projet en cours effectués par des firmes spécialisées.

3. Conditions particulières applicables dans le cadre de partenariat entre investisseurs algériens et étrangers.

Le partenariat entre investisseurs algériens et étrangers dans le cadre de la construction industrielle de véhicules doit obéir aux critères suivants [14] :
- Limiter tout financement bancaire local à un seuil de 40% des coûts du projet,
- Apporter par toutes les parties leurs parts de capital comme prescrit dans le pacte d’actionnariat,
- En cas de financement bancaire partiel, l’investisseur étranger doit être caution solidaire avec le ou les investisseurs algériens, en matière de garantie, à hauteur de sa quote-part dans l’actionnariat,
- Dans le cas d’une société de droit algérien, la part des actions de l’investisseur étranger doit être détenteur d’une participation minimale de 30% du capital social de cette société,
- L’investisseur étranger doit présenter et garantir également l’étude technique du projet,
- Présentation d’un protocole d’accord ou d’un accord de partenariat comprenant les informations suivantes :
- Forme juridique de la société et l’objet,
- Durée du partenariat,
- Répartition du capital entre les associés,
- Processus de maturation du projet, planification et obligations de chaque partenaire,
- Plan financier de l’investissement,
- Taux d’intégration projeté au départ du projet et selon les étapes précisées dans le cahier des charges, ainsi que nature des services et composants à intégrer,
- Nombre total de véhicules à produire annuellement par type et modèle,
- Contrat de licence de production, savoir-faire, intégration locale,
- Projection de recours à la sous-traitance locale et à l’intégration locale,
- Référence au droit applicable existant en matière de prévention et de lutte contre la corruption en Algérie,
- La loi applicable aux documents contractuels du projet est le droit Algérien,
- Engagement réel du fabricant en tant que titulaire de la marque à la réussite du projet au regard des objectifs suivants [15] : Réalisation des infrastructures et équipements de base de l’usine/ Prise en charge technique à l’exécution/ Assistance à l’adaptation des produits à une utilisation spécifique/ Plan de formation technique du personnel de maitrise et de l’exécution de la société/ Plan de formation de l’encadrement local, en matière de management industriel et de gestion des chaines de production.

On peut en effet constater visiblement comment le législateur s’est préoccupé des plus petits détails de la relation contractuelle, particulièrement celle qui sera entretenue dans le cadre d’un investissement en partenariat algéro-étranger.

A cet égard, il convient de relever que le dynamisme de l’intervention de l’Etat dans le domaine économique, en dépit du son retrait en tant qu’acteur principal, n’est pas nouveau surtout avec l’apparition rapide des autorités de régulation sectorielles à caractère administratif, à partir des années 1990. De plus, il devient apparent alors même, si le principe général dont découle le système des obligations du code civil algérien est bien préservé, à savoir l’autonomie des parties d’une part. Cependant, on voit clairement qu’il y a une volonté d’encercler un autre principe sous-jacent et pas moins important que le principe de l’autonomie des parties, celui de faire sortir le principe de la liberté contractuelle de l’emprise des parties contractantes d’autre part.

4. Obligations incombant aux investisseurs (algériens et étrangers).

Dans le même sillage, les articles 6 à 15 de l’Annexe I du Décret Exécutif n°20-226 énumèrent une liste d’obligations et d’engagements que les investisseurs, quelle que soit leur origine, doivent satisfaire pendant la durée de vie du projet, on peut citer par exemple :
- Au choix du constructeur, la gamme de véhicules de production locale ne doit pas dépasser 4 modèles,
- Un projet de production de véhicules ne peut intégrer dans sa ligne de production des modèles de marques différentes sur le même site, même si le partenaire étranger est détenteur du capital des marques en question en bourse ou impliqué dans leur gestion directe,
- Les composants, pièces et parties importés destinés à la première monte ne peuvent, en aucun cas, faire l’objet de revente en l’état,
- Le fabricant s’engage à assurer la disponibilité des accessoires et des pièces de rechange auprès de son réseau de distribution,
- En cas de cessation d’activité, le fabricant s’engage à assurer auprès de son réseau de distribution la disponibilité des pièces détachées et accessoires d’origine pendant au moins 10 ans à compter de la cessation.

5. Non-respect par l’investisseur des obligations légales et contractuelles et sanctions.

De lourdes sanctions peuvent être infligées à l’encontre du contrevenant en cas de détournement de ses fins prévus les avantages accordés aux investisseurs dans le cadre de l’exercice de l’activité de construction de véhicules.

En effet, les sanctions administratives et fiscales suivantes s’appliquent, sans préjudice des poursuites judiciaires devant le tribunal correctionnel, conformément l’article 24 de l’Annexe I du Décret Exécutif n°20-226 :
- Retirer le bénéfice de l’incitation fiscale découlant de la législation applicable en matière d’investissement et le remboursement des avantages antérieurs,
- Revoir les conditions de concession foncière octroyée pour la réalisation du projet,
- Mise en œuvre des sanctions pécuniaires prévues par la loi de finances pour 2019,
- Suspension des incitations fiscales sous régime fiscal préférentiel pour une période d’au moins d’une année,
- Restitution des avantages accordés sur les quantités importées objet de détournement,
- Application des pénalités fiscales prévues par la loi fiscale et,
- Retrait définitif de l’Agrément.

Conclusion.

Pour conclure, on note qu’il y a une nette amélioration du cadre légale de la construction de véhicules en Algérie, par rapport à l’ancienne législation, dont la prise en charge du traitement juridique et fiscale par les pouvoirs publics, de cet époque, était assez superficiel et flou.

Nous avons constaté, également, qu’il y a un in extenso interventionnisme de la tutelle afin de déterminer les règles du jeu, prenant ainsi un espace non négligeable à la place de la volonté des parties, spécialement dans le cas de partenariat entre investisseur algérien et investisseur étranger.

Concrètement, en sus du régime légale qui est applicable de jure, il y a aussi le cahier des charges actuel qui a presque élaboré tout le cadre contractuel des conditions, auxquelles les parties doivent souscrire et on limitant substantiellement, par voie de conséquence, la marge de manœuvre et de négociation des parties à leur état basique.

Maître Boukider Samir (LL.M International Business Law - ULB Brussels) Avocat à la cour [->samirboukider@gmail.com]

[1Journal officiel n°49 du 19 août 2020.

[2Décret exécutif n°17-344 fixant les conditions et les modalités d’exercice de l’activité de production et de montage de véhicules, du 28 novembre 2017.

[3Conformément à l’article 24 du Décret Exécutif n°20-226.

[4Conformément à l’article 109 de LF 2020.

[5Conformément à l’article 6§1 et 2 du Décret Exécutif n°20-226.

[6Conformément à l’article 7§1 et 4 du Décret Exécutif n°20-226.

[7Conformément à l’article 9§3 du Décret Exécutif n°20-226.

[8Conformément à l’article 10 du Décret Exécutif n°20-226.

[9Article 7§4 du Décret Exécutif n°20-226 prévoit : « Au-delà de la période de validité de l’autorisation provisoire, et à défaut de prorogation du délai, le Ministre chargé de l’industrie saisit le Ministre chargé du commerce pour l’informer de la non délivrance de l’agrément définitif ».

[10Conformément à l’article 4 du Décret Exécutif n°15-234 fixant les conditions et modalités d’exercice des activités réglementées et des professions soumises à l’inscription au registre du commerce, du 29 août 2015 (J.O. n°48 du 9 septembre 2015).

[11Conformément à l’article 14§1 du Décret Exécutif n°20-226.

[12Conformément à l’’article 14§2 du Décret Exécutif n°20-226.

[13Conformément à l’article 3 Annexe I du Décret Exécutif n°20-226.

[14Conformément à l’article 4 de l’Annexe I du Décret Exécutif n°20-226.

[15Conformément à l’article 5 de l’Annexe I du Décret Exécutif n°20-226.