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Anticiper les conséquences sociales en choisissant la forme sociétale de SNC. Par Rodolphe Mossé, Avocat et Laura Jaricot, Fiscaliste.
Parution : vendredi 18 septembre 2020
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L’assujettissement des associés nus-propriétaires de Société en nom collectif (SNC) à la Sécurité Sociale des Indépendants - SSI (ex-RSI).
Il s’agit de présenter ici une particularité de la SNC, qui n’est pas forcément connue et anticipée de la part des associés qui décident de constituer une telle société (ou de transmettre les parts d’une telle société).

En effet, les associés, gérants ou non, d’une société en nom collectif ont la qualité de commerçants [1].

En conséquence, ils ne sont pas assujettis au régime général de la sécurité sociale mais au régime social des indépendants (ex-RSI, aujourd’hui, rattaché à l’URSSAF sous le nom de « sécurité sociale des indépendants » - SSI).

A ce titre, il n’y a pas lieu de rechercher si les associés de SNC exercent effectivement une activité dans la société ou s’ils exercent un mandat de direction.

Il peut donc s’agir de simples « actionnaires passifs », c’est-à-dire des apporteurs de capitaux, ou d’actionnaires exerçant véritablement leur activité professionnelle au sein de la société, cela ne change rien.

Eu égard aux règles de fonctionnement de ce type de société, la qualité d’associé implique nécessairement, selon la Jurisprudence, une activité professionnelle de contrôle et de surveillance, ce qui justifie l’assujettissement à la SSI.

Une difficulté supplémentaire, rencontrée récemment, s’ajoute en cas de démembrement des parts de la SNC.

Qui est alors assujetti à la SSI et redevable des cotisations à ce titre : le nu-propriétaire ou l’usufruitier ?

La réponse à cette question, non tranchée à ce jour par la Jurisprudence à notre connaissance, faisait jusqu’à présent l’objet d’analyses contradictoires entre le Gouvernement (au travers des réponses ministérielles) et l’ex-RSI, le premier considérant que le nu-propriétaire devait être assujetti au régime social des indépendants alors que le second partait du principe que le nu-propriétaire ne pouvant administrer l’entreprise ni en percevoir les fruits, seul l’usufruitier devait être affilié à ce régime.

Il semble que les positions jusqu’alors divergentes convergent désormais dans la même direction, à savoir l’assujettissement du nu-propriétaire, notamment depuis une réponse ministérielle du 15 octobre 2019 [2] :

« Les associés de SNC sont des travailleurs indépendants affiliés à la sécurité sociale des indépendants en application de l’article D611-1 du code de la sécurité sociale.

Or, même en cas de démembrement de parts sociales, le nu-propriétaire reste l’associé de la SNC et est, à ce titre, affilié à la sécurité sociale des indépendants.
En sa qualité d’associé, il peut toujours participer aux décisions collectives et percevoir des dividendes distribués à titre exceptionnel, si les associés l’ont prévu. […]
 ».

Ainsi, s’appuyant, semble-t-il, sur cette réponse ministérielle, des nus propriétaires de parts d’une SNC, qui plus est soumise à l’IS, (mal)heureux donataires desdites parts et n’exerçant aucune activité quelconque dans la société, ont eu le "plaisir" de recevoir des appels de cotisations de la part de l’URSSAF, sans qu’il ne soit possible d’opposer l’absence d’activité au sein de cette société ou l’absence de revenus quelconque en découlant.

Dans un premier temps, ils ont été taxés d’office sur une assiette forfaitaire majorée (50% du PASS en vigueur au 1er janvier de l’année au titre de laquelle est effectuée la taxation majorée de 25%).

Puis, dans un second temps, après échange avec la SSI, les appels de cotisations ont été rectifiés pour n’asseoir les cotisations dues que sur une base minimum en l’absence de revenus.

Les nus-propriétaires se sont donc vu appeler des cotisations annuelles d’un montant de 1 145 euros par an.

Pour le fin mot de l’histoire, les associés de la SNC n’ont trouvé leur salut pour l’avenir que dans la transformation de la SNC en SAS, dans la mesure où la forme sociale de SNC ne correspondait plus à l’évolution de l’activité de la société et à ses besoins.

Le franchissement du Rubicon n’a donc pas été irréversible dans ce cas !

Rodolphe MOSSÉ, Avocat associé et Laura JARICOT, Fiscaliste senior, MOSSÉ & ASSOCIÉS

[1(Code de commerce, art. L221-1).

[2(Question AN, n°21355 du 9 juillet 2019 de Mme Sophie Panonacle, JO 15 octobre 2019).