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Ardoise : le logiciel controversé de la police
Parution : vendredi 18 avril 2008
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Dans le cadre de la rédaction de procédures, certaines données relatives à la vie privée pourraient être renseignées dans le logiciel ARDOISE. Ce logiciel, actuellement en phase de test collecterait donc des données concernant tout individu ayant un contact avec la police ou la gendarmerie dans une procédure, que cette personne soit entendue comme victime, témoin ou auteur d’une infraction.

Or, dans un champ intitulé « Etat de la personne », des données qui pourraient concerner l’origine ethnique supposée, l’orientation sexuelle, des éléments relatifs à la vie sociale ou encore l’état de santé seraient collectées. Ces informations pourront être consultable sur tout le territoire national par les forces de l’ordre, et notamment à chaque fois qu’ils auront à faire à la personne faisant l’objet du renseignement.

De ce fait, plusieurs associations, dont le Collectif contre l’homophobie et pour l’égalité des droits ont saisi la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde) et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) afin de s’opposer à l’utilisation de ce logiciel par le ministère de l’intérieur.

Selon elles, ce logiciel peut donner lieu à des dérives, avec notamment le risque de constitution de fichiers catégoriels.

La CNIL a, en conséquence, adressé une lettre à la Ministre de l’intérieur. Dans cette lettre, elle rappelle qu’en vertu des articles 8 et 26 de la loi relative à « l’informatique, aux fichiers et aux libertés » l’institution d’un traitement informatique, impliquant des données de même nature que celles du logiciel ARDOISE, doit préalablement faire l’objet d’un décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission.

Dans un communiqué du 16 avril, le ministère de l’intérieur a voulu se montrer rassurant. Ainsi, la saisie des informations litigieuse n’aurait lieu que lorsque celles-ci aurait un lien avec « l’affaire, la nature ou les circonstances de l’infraction (agression sexuelle, agression homophobe, liée à la croyance, à la race, à des caractéristiques physiques…) ».

De plus, et dans « l’intérêt même des victimes », ces données permettraient de caractériser l’infraction et les éventuelles circonstances aggravantes prévue par le code pénal telles que les abus de faiblesse, l’homophobie, le racisme ou encore l’antisémitisme.

En outre, les données renseignées seraient « exclusivement destinées aux enquêtes judiciaires ». Les informations pourraient également être nécessaires à la recherche et à l’identification des auteurs d’une infraction.

Le ministère ajoute qu’en tout état de cause, les données relatives au plaignant pourront être détruites sur sa demande après condamnation définitive du ou des coupables.

Les syndicats de police sont divisés quant à l’utilisation de ce logiciel.

Ainsi, le FLAG, le syndicat des policiers gays et lesbiens, s’interroge sur l’utilité du champ « Etat de la personne » du logiciel. De même, I’UNSA-Police souhaite que certains renseignements de cette rubrique soient exclus du logiciel en raison de leur caractère discriminatoire et du fait qu’ils ne sont pas indispensable à la rédaction d’une procédure.

En revanche, le syndicat SYNERGIE-OFFICIERS « s’étonne de la polémique stérile créée artificiellement sur les mentions concernant les orientations sexuelles des protagonistes ou victimes d’infractions ». Selon lui, « on ne peut reprocher au service public de la sécurité que les victimes d’actes relevant de l’homophobie par exemple, reçoivent un début de prise en
compte de leur souffrance ». En effet, ce logiciel permettrait en somme de répondre à l’attente de nombreuses associations qui dénoncent « le défaut de reconnaissance du caractère discriminatoire de certaines infractions ».

Enfin, pour le syndicat Alliance Police nationale, « ce nouvel outil informatique est une avancée dans la gestion quotidienne des procédures par un traitement plus efficace et plus rapide des infractions ». Le syndicat ajoute qu’ARDOISE « permettra également un taux d’élucidation encore plus important ». Le syndicat s’accorde cependant sur le fait que ce logiciel doit être « en conformité avec les éventuelles recommandations de la CNIL » et « n’amènent pas à un usage discriminatoire ».

À cet égard, le Président de la HALDE estime que « ces données (....) seraient susceptibles de constituer des discriminations dans le fonctionnement de service public de la Police (…), si elles devaient servir de fondement à des décisions administratives défavorables aux intéressés ».

La rédaction du village

Source :

Communiqué du Ministère de l’intérieur

Communiqué de la CNIL=538&cHash=48b6de727b]

Communiqué du Collectif contre l’homophobie

Communiqué de l’UNSA-Police

Communiqué de FLAG

Communiqué d’ALLIANCE Police Nationale

Communiqué de SYNERGIE-OFFICIERS