Village de la Justice www.village-justice.com

Maroc : l’enfant dans le Code de la famille. Par Driss El Menouar, Juriste.
Parution : lundi 21 septembre 2020
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/maroc-enfant-dans-code-famille,36570.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

« L’éducation, c’est la famille qui la donne ; l’instruction, c’est l’Etat qui la doit », Victor Hugo (1802 - 1885).

Entré en vigueur le 5 février 2004 sous l’impulsion du Roi Mohammed VI, avec le souci de se conformer aux traités internationaux signés par le Maroc, dans le respect des traditions culturelles marocaines fondées sur l’Islam.

Et depuis la promulgation de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant du 20 novembre 1989 nommée Convention de New York, l’enfant dispose d’un statut juridique qui lui confère des droits, le Maroc a ratifié ce texte, qui fédère les Etats signataires autour d’une même volonté d’assurer la protection de l’enfant, et de le reconnaître comme un véritable sujet de droit. L’enfant marocain est désormais une personne.

La Convention Internationale des droits de l’enfant donne à tout enfant le droit à une famille. Le droit à la famille permet de rattacher l’enfant à une histoire et surtout il lui offre un périmètre de protection contre la violation de ses droits. Les enfants séparés de leur famille deviennent des victimes faciles de la violence, de l’exploitation, de la traite, de la discrimination ou de tout autre type de mauvais traitements. Toutefois, il peut arriver que la famille qui devrait en principe protéger l’enfant, inflige de mauvais traitements à ce dernier.

Le Code de la famille de 2004 constitue le premier texte législatif à s’intéresser directement à l’enfant. Plus de soixante-dix articles font référence aux enfants sous diverses appellations.

1- La redéfinition de l’enfant.

Dans le Code de la famille de 2004 la fin de l’enfance est fixée à l’âge de 18 ans contrairement à l’ancienne Moudawana [1] qui l’avait fixée à 21 ans. Le choix du premier est défini, à l’instar de la Convention des droits de l’enfant qui stipule qu’un enfant est tout être humain âgé de moins de dix-huit ans.

Par ailleurs, ce qui est nouveau dans le code de la famille de 2004 à ce sujet est la redéfinition de l’âge matrimonial. Le Maroc a unifié l’âge matrimonial pour les filles et les garçons en le fixant à 18 ans.

2- La filiation.

Le droit d’avoir une filiation est primordial pour le développement d’un enfant. Il s’agit d’un élargissement du champ de la reconnaissance juridique de l’enfant dans une période très répandue au Maroc celle des « fiançailles » précédant le mariage :

« Si les fiançailles ont eu lieu et qu’il y a eu offre et acceptation, mais que des circonstances impérieuses ont empêché de dresser l’acte de mariage et que des signes de grossesse apparaissent chez la fiancée, cette grossesse est imputée au fiancé suivant des conditions stipulées par l’article 156. Si le fiancé nie, le Code prévoit un élargissement du champ des preuves légales à présenter au juge, y compris le recours au test ADN ».

Bien que cette nouvelle disposition ait été qualifiée par la plupart comme étant la reconnaissance de l’enfant né hors mariage, la lecture approfondie du texte nous montre que finalement, il s’agit juste d’un mariage informel.

L’existence du consentement des parties (l’offre et l’acceptation) ainsi que les témoins (les deux familles) constituent les conditions « piliers » d’un contrat de mariage. De plus, le texte ajoute la condition « d’une force majeure » qui empêche la conclusion de cette union.

3- La sauvegarde des droits de l’enfant.

Le Code consacre, pour la première fois, un long article (Art.54) aux droits de l’enfant vis-à-vis de ses parents énumérant ceux-ci et invoquant la responsabilité de l’État dans la protection de ces droits et le rôle du ministère public. C’est un article qui s’inspire de la Convention des Droits de l’Enfant. Ces droits peuvent être classés en fonction des grandes catégories de droits selon la CDE :
- Droits de survie : Protection de leur vie et de leur santé par la prévention et les soins, allaitement au sein par la mère, si possible ; Préservation de leur identité, notamment en ce qui concerne le nom et le prénom, la nationalité et l’inscription à l’État civil ; Filiation, garde et pension alimentaire ;
- Droits de développement : Orientation religieuse ; éducation fondée sur la bonne conduite et les valeurs d’honnêteté ; Enseignement et formation les habilitant à accéder à la vie active et être membre utile de la société, et pour faire, préparation des conditions adaptées à la poursuite des études compte tenues de leurs facultés mentales et physiques ;
- Droits de protection : Prise de toutes les mesures nécessaires à la croissance normale des enfants en préservant leurs intégrités physique et psychologique ; Prévention de la violence entraînant des dommages corporels et moraux ; Prévention de toute forme d’exploitation préjudiciable aux intérêts de l’enfant ; Protection spécifique des enfants handicapés compte tenu de leur état.

En vertu de l’article 54, les parents doivent assumer des responsabilités à l’égard de leurs enfants en veillant, notamment, aux conditions de développement de leurs garçons et filles, dans la compréhension holistique du terme.

4- Les droits de l’enfant en cas de dissolution de la vie conjugale.

- La garde de l’enfant Al Hadana [2].

A propos de la garde, le code de la famille de 2004 ne change pas beaucoup par rapport à son précédent. La mère est en premier lieu la plus susceptible d’obtenir la garde de ses enfants, puis le père, ensuite la grand-mère maternelle et, en cas d’empêchement, le juge décide de la confier au plus apte parmi les proches de l’enfant à assumer cette responsabilité, en prenant en considération l’intérêt de celui-ci.

Ce qui est nouveau en cette matière est la suppression de la règle qui disposait que le garçon à l’âge de 12 ans et la fille à l’âge de 15 ans peuvent choisir le parent avec qui il ou elle désire vivre. L’âge de 15 ans est généralisé sans distinction de sexe. A défaut du père et de la mère, l’enfant peut choisir l’un de ses proches parents sous réserve que ce choix ne s’oppose pas à ses intérêts et que son représentant légal donne son accord. En l’occurrence, le juge intervient pour statuer dans l’affaire en prenant en considération l’intérêt de l’enfant.

- La pension alimentaire A’nafaqua [3].

Pour ce qui est de la pension alimentaire, elle est due pour remplir les besoins de l’enfant tels que l’alimentation, l’habillement, les soins médicaux, l’instruction des enfants et tout ce qui est considéré comme indispensable.

L’évaluation de la pension s’effectue en tenant compte des revenus de la personne astreinte à la pension alimentaire, de la situation de celle qui y a droit, du cours des prix et des us et coutumes dans le milieu social dans lequel elle est due.

Cependant, dans l’objectif de préserver les droits de l’enfant, l’article 85 prévoit que « les droits à la pension alimentaire dus aux enfants sont fixés conformément aux articles 168 et 190 ci-dessous, en tenant compte de leurs conditions de vie et de leur situation scolaire avant le divorce ». Ainsi, le législateur a fait en sorte que les enfants ne subissent pas au minimum les préjudices matériels du divorce.

- Le logement de l’enfant.

Un autre sujet difficile à traître dans le cas du divorce des parents est le logement des enfants. Bien que le code de la famille, contrairement à la Moudawana, a distingué les frais de logement, de la rémunération de la pension alimentaire, on ne peut affirmer que le code de la famille a octroyé le droit de l’enfant au logement après le divorce de ses parents.

En effet, l’article 168 prévoit que

« les dépenses du logement de l’enfant soumis à la garde sont évaluées de façon distincte de la pension alimentaire ». Ainsi, le père « doit assurer à ses enfants un logement ou s’acquitter du montant du loyer tel qu’estimé par le tribunal ».

L’article 168 du CF. a prévu, à défaut d’un logement de l’enfant, que ce dernier ne peut être astreint à quitter le domicile conjugal qu’après exécution par le père du jugement relatif à son logement.

Driss El Menouar Doctorant en Droit Privé

[1Moudawana : Dérive du verbe : Dawwana rassembler, compiler, codifier, mettre dans un Code. Moudawanah (Mw) : code, corpus, recueil ou livret dans lequel sont assemblées les règles qui gouvernent un domaine quelconque. C’est donc le corpus où sont compilées les règles juridiques. La nouvelle Moudawanah a consacré cet usage, en précisant dans 1er article que ce Code porte le nom de Code de la famille, tout en précisant qu’il sera exprimé tout au long des articles le constituant par « Moudawanah » (Mw).

[2Hadana : Droit, plutôt devoir de Garde des enfants, incombant aux parents (ou tuteur…) l’obligation de prendre soin de l’enfant. Le problème de la Hadanah est soulevé d’habitue lors de la dissolution du mariage. C’est un droit de l’enfant mis au compte des parents en premier et, à défaut, d’autres personnes et institutions dévolutaires de la Hadanah.

[3A’nafaqua : Pension alimentaire, mais la Nafaqah englobe, au niveau linguistique et terminologique, tout ce qui est jugé nécessaire pour la vie dans la dignité et non pas uniquement la nourriture.