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Arnaque et surfacturation des serruriers : le droit de rétractation. Par Jonathan Durand et Donato Sirignano, Avocats.
Parution : lundi 21 septembre 2020
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Si la prestation visant l’ouverture d’une porte par un serrurier ne peut faire l’objet du droit de rétractation, il en est autrement de la vente de la serrure.

Lorsque le consommateur fait appel à un serrurier, il s’agit principalement de situations d’urgences (perte de clefs, cambriolage, etc.) qui se prêtent aux arnaques et surfacturations.

A titre liminaire, il convient de préciser que :
- certaines assurances attachées aux cartes bancaires peuvent inclure une assurance dépannage et certains assureurs peuvent communiquer au consommateur assuré une liste d’artisans agréés et conventionnés ;
- la fourniture d’un devis est obligatoire (il n’existe plus de limite de 150 euros en deçà de laquelle le devis ne serait pas obligatoire) et matérialise l’obligation d’information du prestataire (tout manquement à ce titre étant sanctionné).

S’agissant des actions, plusieurs peuvent être engagées par le consommateur et notamment au titre de l’abus de faiblesse car

« Est interdit le fait d’abuser de la faiblesse ou de l’ignorance d’une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, lorsque les circonstances montrent que cette personne n’était pas en mesure d’apprécier la portée des engagements qu’elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire ou font apparaître qu’elle a été soumise à une contrainte » [1].

Le consommateur aura la possibilité de porter plainte à l’encontre du prestataire pour autant que les conditions de l’article précité soient remplies.

Il existe également la possibilité, et c’est celle qui nous intéresse, d’exercer son droit de rétractation au titre de la vente de la serrure.

Ce droit de rétractation s’appliquera en cas de démarchage, étant précisé que la fourniture et la pose d’une serrure revêt le caractère de démarchage à domicile (il s’agira dans la plupart des cas, à la suite d’une prestation de réparation de serrure, du remplacement de celle-ci à un tarif exorbitant).

La vente d’une serrure (non pas la prestation d’ouverture de la serrure) peut donc faire l’objet du droit de rétractation [2] visé par l’article L221-18 du Code de la consommation.

A cette fin, le consommateur adressera par lettre recommandée mentionnant l’exercice du droit de rétractation (I) et restituera le bien objet de la vente au prestataire (II).

I - L’envoi d’une lettre de rétractation auprès du prestataire.

Avant d’entamer une quelconque démarche, le consommateur devra :
(i) vérifier que le prestataire ne fait pas l’objet d’une procédure collective ;
(ii) vérifier l’adresse du siège social du prestataire sur le site infogreffe [3], (l’idéal étant de retirer un extrait Kbis) ;
(iii) évaluer l’opportunité de la rétractation compte tenu des coûts (achat d’une nouvelle serrure, frais d’huissier si le prestataire ne se présente pas à l’audience, etc.).

Il pourra être utile de se rapprocher d’un avocat immédiatement après la prestation en vue de la rédaction d’une lettre de mise en demeure circonstanciée pouvant améliorer les chances de régler le différend à l’amiable.

Si le consommateur juge que la rétractation est opportune, celui-ci devra envoyer une lettre recommandée avec avis de réception informant le prestataire de la rétractation au titre de la vente de la serrure et sollicitant le remboursement du prix de celle-ci.

Le délai dont dispose le consommateur pour se rétracter est de 14 jours dont le point de départ est fixé au jour de la conclusion du contrat.

Il est précisé que si les informations précontractuelles relatives au droit de rétractation n’ont pas été fournies au consommateur, le délai de rétractation peut être prorogé de 12 mois à compter de l’expiration du délai de rétractation initial.

II - L’envoi de l’objet de la vente par voie postale auprès du prestataire.

En sus de la lettre visée plus haut, la serrure objet de la vente devra être restituée au prestataire par voie postale (tout en se préconstituant la preuve de l’envoi). En pratique, il convient de faire intervenir un autre prestataire pratiquant des prix raisonnables qui pourra démonter la serrure.

La restitution doit avoir lieu, au plus tard, quatorze jours suivant la date de la lettre recommandée de rétractation [4].

Par ailleurs, il est indiqué que pour les contrats conclus hors établissement, si le bien objet de la vente est livré au domicile du consommateur lors de la conclusion du contrat, le prestataire doit récupérer le bien à ses frais s’il ne peut pas être renvoyé normalement par voie postale en raison de sa nature [5].

Si malgré ces diligences le prestataire ne rembourse pas le consommateur, celui-ci devra saisir par requête (cerfa disponible sur internet) ou assignation (par le biais d’un avocat) le juge des contentieux de la protection (anciennement dénommé juge du tribunal d’instance).

Jonathan Durand, Avocat. Barreau de Paris [->contact@jonathandurandavocat.com] Donato Sirignano Avocat européen aux barreaux de Paris et de Benevento (Italie) [->sirignano.donato@gmail.com]

[1Article L121-8 du Code de la consommation.

[2Arrêt de la Première Chambre Civile de la Cour de cassation du 3 mars 1993, n°90-13.478.

[4Article L221-23 du Code de la consommation.

[5Article L221-23, al. 2 du Code la consommation.

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