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Le harcèlement moral, la mauvaise foi et le juge. Par Eva Touboul, Avocat.
Parution : mercredi 23 septembre 2020
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Le fait que la lettre de licenciement ne mentionne pas expressément la mauvaise foi du salarié n’empêche pas sa reconnaissance par le juge au regard des éléments apportés par l’employeur.
En voilà du neuf !

Voici ce que la cour a exactement décidé le 16 septembre 2020 :

l’absence éventuelle dans la lettre de licenciement de mention de la mauvaise foi avec laquelle le salarié a relaté des agissements de harcèlement moral n’est pas exclusive de la mauvaise foi de l’intéressé, laquelle peut être alléguée par l’employeur devant le juge.

On savait que l’employeur pouvait licencier le salarié qui dénonçait du harcèlement moral ou sexuel de mauvaise foi.

Mais jusqu’à lors, nous pensions, pauvres avocats que nous sommes, qu’il fallait que la mauvaise foi soit caractérisée dans la lettre de licenciement.

Eh ben non !

Par cet arrêt, nous apprenons que l’employeur pourrait devant le juge suppléer son éventuelle carence dans la rédaction de sa lettre de licenciement.

Par exception au principe selon lequel la lettre de licenciement fixe les termes du litige.

Mais alors, en imaginant que l’employeur licencie pour faute grave le salarié qui a dénoncé de mauvaise foi des faits de harcèlement moral, la charge de la preuve sera portée par l’employeur et le juge ?

Non. Elle continuera d’incomber à l’employeur uniquement mais une forme d’instruction aura lieu à la barre et en délibéré sur les preuves apportées par l’employeur de la mauvaise foi du salarié.

La lettre de licenciement ne se suffit donc plus à elle-même face à la mauvaise foi.

Face à la mauvaise foi de son salarié en matière de harcèlement, l’employeur peut avoir devant le juge un ‘oral de rattrapage’.

Sans que le salarié ne puisse opposer le sacrosaint : la lettre de licenciement fixe les contours du contrôle du juge.

Pourquoi une telle faveur ?

Peut-être parce que la mauvaise foi, comme la fraude, corrompt tout.

Au point que le juge veuille ‘aider’ l’employeur qui aurait été dupé par son salarié dans la démonstration de la preuve de la mauvaise foi.

Ceci étant, on connait les ravages qu’une fausse dénonciation de harcèlement, qu’il soit moral ou sexuel, peut causer dans une entreprise.

Donc l’employeur pourrait désormais :
• rédiger de façon plutôt lapidaire sa lettre de licenciement suite à de fausses accusations de harcèlement moral du salarié,
• ne pas déférer à la demande de précision du salarié dans les 15 jours qui suivent la réception de sa lettre de licenciement
• démontrer devant le juge la mauvaise foi.

Alors même que l’employeur n’en aurait pas fait mention dans la lettre de rupture.

Jurisprudence très clémente.
Première exception au principe ‘la lettre de licenciement fixe les termes du litige’.

Y’en aura-t-il d’autres ?

Serait-ce pour mettre un coup d’arrêt aux fausses accusations de harcèlement ?
A suivre.

Arrêt n°699 du 16 septembre 2020 (18-26.696) - Cour de cassation

Me Eva Touboul - Avocat https://www.avocat-etc.fr/