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L’impact des pays sanctionnés pour les titulaires de marques. Par Frederik Jocqué, Conseil en PI.
Parution : lundi 28 septembre 2020
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Plusieurs pays sont confrontés à des mesures restrictives ou à des sanctions économiques et commerciales, imposées par le Conseil de sécurité des Nations unies ou par d’autres pays comme l’Union européenne ou les États-Unis d’Amérique. En fonction des objectifs, tels que le rétablissement ou le maintien de la paix ou la réponse à des crises émergentes ou actuelles.
Il est important de rappeler que ces sanctions concernent aussi les titulaires étrangers de marques.

En fonction des objectifs, tels que le rétablissement ou le maintien de la paix ou la réponse à des crises émergentes ou actuelles, il peut s’agir de sanctions économiques et commerciales, par exemple l’interdiction des transactions financières ou des restrictions sur les importations et les exportations. Toutefois, ces sanctions ne concernent pas seulement les pays sanctionnés, mais aussi les titulaires étrangers de marques.

Un premier impact pour les entreprises ayant enregistré des marques dans les pays sanctionnés est bien sûr le fait qu’il est difficile, voire impossible, pour ces entreprises de vendre leurs produits ou d’offrir leurs services dans ces pays. En d’autres termes, le fait qu’un pays soit confronté à des sanctions économiques et commerciales peut également affecter le développement commercial, la croissance et le chiffre d’affaires des entreprises étrangères puisque le pays sanctionné n’est pas accessible en tant que marché de vente.

Un deuxième impact moins évident, concerne l’obligation d’utiliser un enregistrement de marque. Dans la plupart des pays, lorsqu’une marque a été enregistrée pendant une certaine période (souvent trois ou cinq ans), elle doit avoir été utilisée telle qu’elle a été enregistrée. Dans le cas contraire, l’enregistrement est exposé à une action en annulation pour défaut d’usage par un tiers ou même à une annulation automatique par les autorités compétentes en matière de marques.

En outre, dans certains pays, il n’est pas possible de renouveler l’enregistrement d’une marque lorsqu’aucune preuve d’utilisation réelle ne peut être fournie. À cet égard, lorsqu’un titulaire de marque étranger n’a pas pu vendre ses produits ou offrir ses services sous sa marque dans un certain pays en raison de sanctions économiques et commerciales, l’enregistrement de sa marque peut être menacé.

Il est donc important de savoir si, dans les pays sanctionnés, il existe effectivement une obligation d’usage pour les enregistrements de marques, si une radiation suite à un non-usage sera imposée automatiquement par les autorités compétentes en matière de marques ou seulement suite à une action d’un tiers, si l’usage effectif est requis au moment du dépôt d’un renouvellement d’un enregistrement de marque, et si des sanctions économiques et commerciales peuvent être invoquées comme argument de "force majeure".

Quelques exemples :

- L’Iran : En Iran, l’enregistrement d’une marque est susceptible de faire l’objet d’une action en annulation pour non-usage si elle n’a pas été effectivement utilisée pendant trois années consécutives après son enregistrement. Toutefois, une telle action ne peut être engagée que par un tiers ; l’Office lui-même ne demandera pas de preuve d’usage au moment du renouvellement ou à tout autre moment. Dans le cas d’une action en annulation pour défaut d’exploitation par un tiers, le fait que l’Iran est un pays sanctionné peut être invoqué comme un argument de "force majeure", bien qu’il n’existe pas de règles claires sur ce point ;

- Le Soudan : Au Soudan, l’enregistrement d’une marque est susceptible de faire l’objet d’une action en annulation pour non-usage si elle n’a pas été effectivement exploitée pendant cinq années consécutives à compter de la date d’enregistrement. Toutefois, une telle action ne peut être engagée que par un tiers ; l’Office lui-même ne demandera pas de preuve d’usage au moment du renouvellement ou à tout autre moment. Dans le cas d’une action en annulation pour défaut d’usage par une tierce partie (à déposer devant un tribunal), l’acceptation de l’argument défensif selon lequel le Soudan est un pays sanctionné restera à la discrétion du juge ;

- La Syrie : En Syrie, l’enregistrement d’une marque est vulnérable dans le cadre d’une action en annulation pour non- usage si elle n’a pas été effectivement exploitée pendant trois années consécutives après l’enregistrement. Toutefois, une telle action ne peut être engagée que par un tiers ; l’Office lui-même ne demandera pas de preuve d’utilisation au moment du renouvellement ou à tout autre moment. Toutefois, dans le cas d’une action en annulation de défaut d’usage par un tiers (à déposer devant un tribunal), les tribunaux syriens n’accepteront pas l’argument défensif selon lequel la Syrie est un pays sanctionné, car les sanctions ne sont pas imposées par les Nations unies, mais plutôt par des pays spécifiques tels que les Etats-Unis.

Conclusion :

Lorsque vous envisagez de démarrer des activités commerciales et d’enregistrer votre marque dans un pays sanctionné, ou que vous avez déjà enregistré une marque dans un pays sanctionné mais que vous ne l’utilisez pas en raison de sanctions économiques et commerciales, consultez en temps utile votre spécialiste des marques afin d’obtenir, d’assurer et de maintenir la meilleure protection possible.

Frederik Jocqué, Conseil en Propriété Industrielle - Marques, Dessins et Modèle, Novagraaf Belgique Novagraaf - Conseils en Propriété Intellectuelle Brevets - Marques - Dessins & Modèles https://www.novagraaf.com/fr