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La rémunération du Courtier en crédit n’entre pas dans le calcul du TAEG. Par Laurent Denis, Juriste.
Parution : mardi 29 septembre 2020
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« Quand on voit ce qu’on voit,
Et quand on entend ce qu’on entend,
On a raison de penser ce qu’on pense
 »
Michel Colucci, dit Coluche (1944-1986).

Réflexions autour de l’Arrêt de la Cour d’appel de Metz, 1ère Chambre, du 17 septembre 2020, n°19/00692.

Quand on voit ce qu’on voit… Et quand on ne voit pas ce qu’on voit ? Lorsque les choses sont évidentes et que leur observateur décide pourtant d’en faire une autre application ? Lorsque, malgré l’évidence de sa lecture limpide, une règle de Droit fait l’objet d’une application contraire à la règle par des professionnels qui y sont évidemment tenus ?

Parmi ses abondants fruits juridiques de veille d’automne, l’Arrêt de la Cour d’appel de Metz, rendu par sa première Chambre le 17 septembre 2020 (n°19/00692), traite d’une question simple, basique, élémentaire : la rémunération du Courtier-IOBSP en crédit entre-t-elle dans le périmètre de calcul du Taux Annuel Effectif Global (ou TAEG) ? sous quelles conditions ?

C’est une question simple, courante, pratique ; qui intéresse au premier chef les Consommateurs, comme les Courtiers en crédit. Et à laquelle les magnifiques banques de détail qui font toute la fierté de notre économie nationale apportent une mauvaise réponse juridique depuis des décennies.

La Cour d’appel, appliquant scrupuleusement, sur ce point, le Droit en vigueur, répond clairement à la question. La réponse est simple :

« […] les frais d’un intermédiaire en opération de crédit n’ont à être pris en compte pour le calcul du TEG que dans la seule hypothèse où ils conditionnent l’octroi du crédit ».

1. Principes de calcul du Taux Annuel Effectif Global (TAEG).

1.1. Aux origines du Taux Annuel Effectif Global.

Le Taux Annuel Effectif Global, ou TAEG, est une déclinaison du générique Taux Effectif Global (ou TEG). Il ne s’agit pas d’un taux, mais d’un indicateur de coût. Une sorte d’indice composite. Il fait partie des caractéristiques essentielles d’un crédit et possède deux belles vocations juridiques fort connues :
- permettre la comparaison de coûts de crédits aux caractéristiques différentes,
- assurer le respect du plafond du prix d’un crédit : le taux d’usure.

Le TAEG actuel provient d’une bien trop lente harmonisation européenne [1]. La France a résisté à cette harmonisation aussi longtemps que possible. L’Histoire bancaire du Taux Effectif Global est consternante, en tant que l’un des plus splendides scandales bancaires.

De 1966 à 2016, les établissements de crédit prêteurs, les banques, ont défendu avec la plus grande énergie la méthode de calcul la plus contraire aux mathématiques financières. Accessoirement, c’était également la méthode de calcul la plus défavorable à l’intérêt et au budget des Consommateurs, par le plus pur des hasards.

En 1985, la méthode bancale et française de calcul du TEG reçoit le franc soutien de la Cour de cassation, dont le biais en faveur des intérêts bancaires se dément rarement. La pensée du Droit bancaire est confisquée en France par des Juristes au service des banques.

En 1996, la Commission européenne indique, à propos du calcul du TEG français, dans une analyse lumineuse :

« […] pour le consommateur, les contrats de crédit à la consommation français apparaissent donc artificiellement plus favorables que dans tous les autres Etats membres de la Communauté européenne. […] la méthode française s’écarte tellement de la méthode communautaire que les taux d’intérêt français sont trompeurs non seulement pour les consommateurs d’autres pays européens, mais aussi pour les consommateurs français qui ne peuvent obtenir une vision correcte des différences dans les prix du crédit, par exemple entre un crédit remboursé par mensualités et un crédit à remboursements trimestriels ».

Cette pitoyable situation n’a appelé aucune décision, ni rectification.

Peut-être plongé dans un profond remords juridico-mathématique, à coup sûr stimulé par le droit européen, le fabricant national de normes fléchit finalement en 2002, et retient le principe de la méthode de calcul dite équivalente pour le taux débiteur (ou nominal) qui compose le premier poste de coûts du TAEG. En 2002, le TAEG entre enfin dans le droit français ; mais, contre toute attente, le législateur limite l’emploi du TAEG aux seuls crédits à la consommation. Le TEG (à la méthode de calcul dite proportionnelle) est demeuré en vigueur pour les crédits immobiliers.

Il a fallu l’harmonisation européenne du 1er octobre 2016 [2] pour purger cette ultime anomalie.

Depuis le 1er octobre 2016, le TAEG est l’indicateur applicable aux crédits à la consommation et aux crédits immobiliers, donc, pour l’essentiel, celui qui est mobilisé pour les emprunts des Consommateurs, des Particuliers.

Le parcours du TAEG en France illustre un parfait scandale bancaire.

Le voici dont en usage ; il convient d’en comprendre le maniement.

1.2. Frais entrant dans le périmètre de calcul du Taux Annuel Effectif Global.

Le Taux Annuel Effectif Global s’obtient au moyen d’une « équation de base ». Dans cette dernière, le taux débiteur (ou nominal), producteur des intérêts du crédit :

« […] exprime sur base annuelle l’égalité entre, d’une part, la somme des valeurs actualisées des utilisations du crédit et, d’autre part, la somme des valeurs actualisées des montants des remboursements et paiements des frais […] » [3].

Le principe de la détermination du TAEG découle d’une idée directrice : toutes les dépenses mises à la charge de l’emprunteur pour obtenir le crédit entrent dans son périmètre de calcul. Ce qui fait deux conditions, à chaque dépense, pour entrer dans la somme des frais qui composent le TAEG.

La Loi exprime simplement et clairement ce principe. Ainsi :

« dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, les taxes, les commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, supportés par l’emprunteur et connus du prêteur à la date d’émission de l’offre de crédit ou de l’avenant au contrat de crédit, ou dont le montant peut être déterminé à ces mêmes dates, et qui constituent une condition pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées  » [4].

Cette disposition juridique fort connue et dépourvue de tout mystère exprime donc clairement deux conditions :
- l’existence d’une dépense à la charge du Consommateur, l’emprunteur (« […] sont ajoutés aux intérêts les frais, les taxes, les commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, supportés par l’emprunteur […] »),
- un lien de conditionnalité entre cette dépense et l’octroi du crédit (« […] et qui constituent une condition pour obtenir le crédit […] »).

Contrairement à l’analyse répandue, ce n’est donc pas la seule existence d’une dépense ou de frais à la charge de l’emprunteur qui détermine l’entrée de cette charge payée dans le calcul du TAEG. C’est, simultanément, la présence d’un lien de condition entre cette dépense et la décision d’octroi du prêt. En termes simples : dès lors que le prêteur pose des conditions pour accorder le prêt et que ces conditions se traduisent par des coûts, alors ces coûts s’agrègent pour établir le Taux Annuel Effectif Global.

Les modalités de calcul du TAEG proviennent des articles R314-3 et R314-4 du Code de la consommation. Le TAEG additionne ainsi :
- le taux débiteur ou taux nominal, dans son calcul mathématique proportionnel, qui sert détermine les intérêts du crédit et leur affectation par période de remboursement, généralement des mensualités ; les intérêts sont calculés à terme échu ;
- appliqué à une base annuelle d’année civile, par exemple de 365 jours ;
- avec tous les coûts liés à l’obtention du crédit : tous les « éléments formant un tout avec l’acte de prêt », tous les coûts que l’emprunteur se voit contraint de payer pour obtenir le crédit entrent dans le calcul du TAEG.

La liste de ces frais est théoriquement illimitée : intérêts, frais de dossier, frais de constitution des garanties, primes d’assurances obligatoires, commissions, rémunérations, débours, parts sociales, coûts de garanties imposées... Les frais certains dans leur principe, mais aux montants encore inconnus à la date de l’émission de l’offre de prêt peuvent être exclus du TAEG. Par exemple : les frais liés aux garanties et aux honoraires des officiers ministériels (Notaires), à condition donc que leurs montants ne soient pas connus avec précision lors de la conclusion du contrat. En pratique, comme ces frais sont souvent évalués avant l’acte, ils doivent être inclus au calcul du TAEG.

Les difficultés de calcul du TAEG suscitent des erreurs fréquentes de la part des prêteurs, alimentant un joyeux contentieux qui assomme les Juges, réjouit quelques Avocats, comble rarement les emprunteurs et en dit long sur la rigueur des méthodes et des fonctionnements bancaires.

Devant la Cour d’appel de Metz, les emprunteurs malmenés développent plusieurs moyens juridiques, dont l’un est l’objet de ce commentaire. Les emprunteurs contestent en effet la rectitude du calcul du TAEG. Ils reprochent à leur très populaire prêteur d’avoir notamment omis les frais payés au Courtier en crédit.

La Cour d’appel procède, simplement, à l’application stricte du Droit existant. Or, cette simple situation provoque un bouleversement. Pour quelle raison ?

2. Rémunération du Courtier en crédit et Taux Annuel Effectif Global.

2.1. Conditions d’exclusion de la rémunération du Courtier-IOBSP en crédit immobilier du calcul du Taux Annuel Effectif Global du crédit.

En énonçant son jugement : « […] les frais d’un intermédiaire en opération de crédit n’ont à être pris en compte pour le calcul du TEG que dans la seule hypothèse où ils conditionnent l’octroi du crédit », la Cour d’appel ne fait œuvre d’aucune créativité juridique. Elle applique purement et simplement la règle de Droit applicable à la situation soumise à son examen.

En effet, la règle de Droit rappelée précédemment est explicite :

« sont compris dans le taux annuel effectif global du prêt, lorsqu’ils sont nécessaires pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées, notamment :
1° […]
2° Les frais payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels
 » [5].

Il est donc absolument faux de croire que « tous » les frais d’Intermédiaires, de Courtier en crédit, d’IOBSP, sont systématiquement inclus dans le calcul du TAEG.

Seuls « […] ceux qui sont nécessaires pour obtenir le crédit […] » composent le TAEG. Par voie de conséquence : tous les autres frais, ceux qui ne sont pas « nécessaires pour obtenir le crédit », ceux qui ne correspondent pas à des services ou à des prestations exigées du prêteur comme condition d’octroi du prêt, ces frais échappent au calcul du TAEG.

Certes : « Avant la conclusion d’un contrat de crédit portant sur des opérations [de crédit], l’intermédiaire de crédit et l’emprunteur conviennent par écrit ou sur un autre support durable des frais éventuels dus par l’emprunteur à l’intermédiaire de crédit pour ses services. L’intermédiaire de crédit informe le prêteur de ces frais, aux fins de calcul du taux annuel effectif global » [6]. Mais cette disposition n’indique aucunement que les frais de l’IOBSP entrent systématiquement dans le TAEG. Simplement, le prêteur doit en avoir connaissance, avec les conditions d’intervention de l’IOBSP, pour déterminer si cette rémunération est à prendre en compte pour le TAEG - ou non.

Les deux emprunteurs, conseillés par un Courtier-IOBSP, reprochent au prêteur (entre autres abondants griefs) d’avoir omis la rémunération de ce Courtier en crédit dans le calcul du TAEG, donc, d’en avoir abîmé le niveau, à leur détriment.

La Cour d’appel rappelle la règle :

« Toutefois, les frais d’un intermédiaire en opération de crédit n’ont à être pris en compte pour le calcul du TEG que dans la seule hypothèse où ils conditionnent l’octroi du crédit ».

Puis le Juge examine les faits :

« En l’occurrence, [les emprunteurs] produisent une facture qui leur est adressée et émane [du Courtier en crédit], datée du 27 janvier 2014, soit postérieurement à l’émission et l’acceptation de l’offre de prêt litigieuse.

Cette facture fait état de « frais d’étude financière sollicitée par vos soins », indiquant que ce courtier a été consulté à l’initiative des emprunteurs. Aucun élément ne permet de constater que le paiement en a été imposé aux emprunteurs par [le prêteur] comme condition du crédit. Il n’est donc pas établi que le recours à cet intermédiaire constituait une condition de l’octroi du prêt, ni qu’[à la] date d’émission de l’offre, [le prêteur] avait connaissance ou pouvait avoir connaissance du montant des frais facturés, de sorte qu’ils n’avaient pas à entrer dans l’assiette de calcul ».

Devant la beauté des règles de Droit simples, et efficacement appliquées, il est toujours de bon ton, pour le commentateur, de céder au ridicule d’une formule de pleine consolation : « ceci respecte la logique juridique ».

Donc : l’exclusion de la rémunération du Courtier-IOBSP en crédit immobilier, dès lors que les services de cet Intermédiaire en crédit n’est pas imposé par le prêteur comme une condition d’accord de crédit, respecte la logique juridique. Il s’agit, en tout cas, de l’application scolaire et sans imagination, ce qui est bien appréciable, d’une règle de Droit possédant au demeurant un énoncé et une articulation interne claires. Une sorte d’épiphanie juridique.

Une telle analyse, par la force de sa justification juridique, s’expose bien peu à la critique. Sa probabilité d’un démenti en cassation (si un pourvoi s’envisageait sur cette seule question) est d’une faiblesse totale.

Pourtant, cette décision étonne et surprend. Où se loge donc l’intérêt d’un Arrêt qui applique strictement une règle de Droit à la fois simple et correctement formulée ?

2.2. Modalités pratiques et conséquences de l’exclusion de la rémunération du Courtier-IOBSP en crédit du calcul du Taux Annuel Effectif Global.

L’intérêt fort précieux et bien utile de l’Arrêt de la Cour d’appel de Metz est tout simple. Il réside dans le fait que la pratique des établissements de crédit prêteurs est massivement et systématiquement contraire à la règle de Droit.

Les prêteurs intègrent systématiquement, avec la plus ferme et ridicule autorité que leur confère une capacité de pression et de nuisance économique manifestement supérieure à leurs compétences juridiques, toutes les rémunérations des Intermédiaires bancaires, notamment celles des Courtiers en crédit, aux calculs des Taux Annuel Effectif Global des prêts.

Tous les TAEG calculés par les banques françaises en présence d’un Courtier en crédit sont faux, car excessivement augmentés des frais de courtage.

Pour quelle raison la pratique bancaire est-elle frontalement contraire au Droit ? Mystère. Un ami véritable suggère que l’action du prêteur baigne souvent dans la crainte de l’omission et du caractère pénal du dépassement. Quel bénéfice pour la banque de pratiquer ainsi ? Aucun. Quel avantage pour le système bancaire ? Aucun. Quel avantage pour le Consommateur ? Aucun.

Les Autorités chargées de contrôle bancaire, ainsi, d’ailleurs, que de protection des Consommateurs (Banque de France/ACPR), n’ont jamais émis la moindre réserve quant à cette pratique contraire au Droit, ni, bien entendu, jamais sanctionné aucun établissement de crédit sur ce point. Dans quel pays insensé vivrions-nous si les enfreintes des banques au Droit en vigueur étaient sanctionnées ? Merci donc au Juge civil, qui à l’occasion de son humble office, rappelle aux banques le Droit applicable et, indirectement, sanctionne tout le troupeau bancaire pour une pratique contraire au Droit.

Cette pratique bancaire erronée et généralisée explique la tentative des emprunteurs de contester la validité du calcul du TAEG de leur prêt à partir de ce critère : le prêteur connaissait la rémunération du Courtier en crédit (celle-ci est toujours transparente : contrat de mandat de recherche de capitaux, ou contrat de conseil indépendant en crédit immobilier ; Fiche d’Information Standardisée Européenne, ou FISE). Le prêteur n’a pas intégré cette rémunération connue au calcul du TAEG du prêt. Le TAEG est donc erroné.

Sur la base du seul rappel de la règle en vigueur, les malheureux emprunteurs sont déboutés, sur ce point. Le TAEG de leur prêt n’est pas erroné : il n’avait pas à intégrer les coûts, même connus, de la prestation du Courtier en crédit. Car aucune preuve n’est apportée que le coopératif prêteur avait subordonné l’octroi du crédit au recours aux services d’un Courtier en crédit.

Cette pratique contraire au Droit se fait d’abord au détriment du Droit, bien sûr, mais également des Consommateurs, voire des Courtiers en crédit qui représentent les Consommateurs.

Le coup de lumière (voire : de tonnerre) donné à cette question bouleverse toute l’économie du secteur bancaire, spécialement celui de la distribution bancaire. Elle appelle le correctif franc et immédiat de toutes les banques françaises.

Pour l’emprunteur, tout est clair également : le TAEG sera en effet calculé enfin de manière conforme au Droit bancaire en vigueur. Certes, disparaît avec ce mouvement l’un des facteurs qui facilitait la contestation ultérieure du TAEG. Il en reste bien assez ; et les banques se trompent beaucoup. En bénéfice : le TAEG peut être calculé beaucoup plus rapidement et plus tôt dans le processus d’octroi. Ceci améliore sa fonction comparative, puisque le Consommateur, en connaissant plus tôt le niveau, peut mieux effectuer les comparaisons de crédit qu’il souhaite.

De plus, le coup d’arrêt mis à la dérive des pratiques des établissements de crédit revient, au passage, à aligner le niveau de TAEG du crédit obtenu par un Courtier et celui du crédit obtenu directement auprès d’une agence du prêteur (à périmètre de frais équivalent). Ce résultat juridique place donc au même niveau de coût le crédit intermédié et celui qui ne l’est pas, ce qui est le juste retour à une présentation respectant l’équilibre économique, tel que le Droit le prévoit.

La réduction de l’assiette de calcul du TAEG entraîne un effet sur le taux d’usure. Les modalités juridiques de ce dernier sont, à présent, bien mal adaptées à la situation de taux bas. Les règles de l’usure aboutissent à l’exclusion d’emprunteurs solvables de l’accès au crédit, sans que ceci ne préoccupe les Autorités de contrôle bancaire, la Banque de France/ACPR. Cette application stricte du Droit peut améliorer cette calamiteuse situation.

Le retour au Droit applicable expulse la question de la rémunération du Courtier en crédit de ses relations avec le prêteur. Le Courtier applique la législation applicable en matière de rémunération (information du Client, paiement à la mise à disposition des capitaux du crédit) et le prêteur calcule le TAEG sans se préoccuper de la rémunération du Courtier. C’est plus clair, c’est plus fluide et c’est plus simple. D’autant que les banques agissent en concurrents directs des Courtiers en crédit, dans leur fonction (bien amochée…) de distribution. Lorsqu’un concurrent n’a plus à s’intéresser à la rémunération de son concurrent, c’est plutôt sain du point de vue de l’équilibre concurrentiel.

Les Courtiers en crédit disposent à présent, au service de leur travail de conseil aux emprunteurs, d’une ressource juridique nouvelle, qui appuie les dispositions déjà claires du Code de la consommation. Ils doivent en tirer toutes les conséquences juridiques. En particulier, il est essentiel que les contrats, de mandat de recherche de capitaux, soit de conseil indépendant en crédit immobilier, tiennent compte de cette règle de Droit et de ses modalités d’application. La preuve que le prêteur n’a pas exigé les services du Courtier devient cruciale. Lorsque le Courtier-IOBSP représente le Client dans le contexte de conventions de partenariat avec les banques : ces conventions et les modalités de relations doivent tenir compte de la règle commentée. Lorsque le Client fait porter sa demande de crédit à un prêteur avec lequel un Courtier-IOBSP n’entretient pas de conventions de partenariat, c’est le seul contrat avec le Client qui concentre les précautions juridiques aptes à justifier que le prêteur n’a pas enjoint au Client de recourir au service d’un tel Courtier. La facture émise doit, également, être explicite quant aux conditions d’intervention du Courtier en crédit, du point de vue des règles de TAEG.

C’est surtout le prêteur qui sait, seul, si l’intervention du Courtier est l’une des conditions nécessaires à l’octroi du prêt ; puisque seul le prêteur est maître des conditions de crédit qu’il fixe.

Cette décision qui s’applique à la rémunération d’un contrat de courtage en crédit s’applique, par analogie et en présence des mêmes principes juridiques, à l’IOBSP qui intervient en tant que Conseiller indépendant en crédit immobilier, au titre de ce contrat spécifique prévu par les articles L519-1-1 du Code monétaire et financier, ou L313-13 du Code de la consommation.

Le commentaire de cette décision souligne également la possibilité, pour les prêteurs, d’exiger les services d’un Courtier comme condition d’octroi du crédit. Une telle situation entraîne alors la rémunération du Courtier en crédit dans le calcul du TAEG et doit être clairement documentée, pour bien la différencier de celle où le Client décide, seul, de consulter un Courtier pour mieux préparer sa fabuleuse rencontre avec la banque.

Ce tout petit point de Droit bancaire est riche d’éclairages. Il concentre à lui seul le tableau bancaire contemporain : Droit de la consommation méprisé, banques pratiquant des enfreintes juridiques jamais sanctionnées, Consommateurs désorientés, Courtiers en crédit au service des Consommateurs, et sans cesse sous la menace de pratiques anti-concurrentielles.

Incroyablement inattentives à l’application d’une règle de Droit pourtant claire, jamais sanctionnées, les banques françaises disposent à présent, avec cette éclairante décision d’une Cour d’appel, d’un appel direct à réviser leurs pratiques juridiques, pour les mettre enfin en conformité avec le Droit applicable. Au-delà de la seule règle de Droit, cette actualité juridique sur le sujet, sensible, de la rémunération des prestations de courtage en crédit, dont les banques font tout, y compris de manière déloyale, pour éloigner les Consommateurs, offre aux établissements de crédit français une opportunité : montrer qu’elles appliquent correctement le Droit existant, tout en renforçant leur coopération avec les Intermédiaires bancaires, seuls Distributeurs aujourd’hui reconnus par les Consommateurs.

Parfois, les banques ont le choix.

Mais elles n’imposent pas le Droit bancaire.

« La vie mettra des pierres sur ta route : à toi d’en décider d’en faire des murs ou des ponts ».

Liens :
- Cour d’appel de Metz, 1ère Chambre, du 17 septembre 2020, n°19/00692 [7].
- « Courtiers en crédits et IOBSP : défenseurs d’intérêts » de Laurent Denis et Bruno Rouleau.

Laurent Denis Juriste - Droit et Conformité des Intermédiaires banque, assurance, finance www.endroit-avocat.fr

[1Méthode de calcul apportée par la Directive du 22 février 1990, transposition de la Directive 98/7/CE du 16 février 1998 puis Directive 2008/48/CE et, enfin, Directive 2011/90/UE du 14 novembre 2011.

[2Directive 2014/17 UE du 4 février 2014 sur « les crédits immobiliers ».

[3Code de la consommation, Annexe à l’article R314-3.

[4Article L314-1 du Code de la consommation.

[5Article R. 314-4, 2° du Code de la consommation.

[6Article L322-4 du Code de la consommation.

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