Village de la Justice www.village-justice.com

Les recours du créancier en cas de débiteur en faillite. Par Yassin Jarmouni, Avocat.
Parution : lundi 5 octobre 2020
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/les-recours-creancier-cas-debiteur-faillite,36671.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

En droit français, la règle de principe est que les procédures collectives arrêtent les poursuites. C’est un moyen pour les sociétés en détresse d’éviter le risque de faire face à des multitudes de procédures judiciaires ou exécutions de décisions de justice si elles savent que leur actif disponible ne permet pas de payer leur passif exigible.
Toutefois des recours encadrés dans des délais très stricts restent possibles pour les créanciers.
Article vérifié par l’auteur en septembre 2023.

I) Les délais pour agir.

Il faut distinguer entre les différentes actions possibles pour un créancier.

A) La déclaration de créance.

Lorsqu’un créancier s’aperçoit que son débiteur a fait l’objet d’une procédure de liquidation ou redressement ou sauvegarde judiciaire il doit déclarer sa créance au passif de la société entre les mains du mandataire judiciaire désigné par le jugement d’ouverture.

Cette déclaration permet au créancier d’avoir une chance d’inscrire sa créance au passif. Le délai pour le faire est de 2 mois à compter de la date de publication du jugement. Ce délai est augmenté de 2 supplémentaires pour les créanciers résidant à l’étranger ou dans les Dom-Tom.

Si ce délai n’est pas respecté le créancier perd le droit de réclamer le paiement de sa dette pour toujours, la sanction est sévère.

B) La demande en revendication.

Si le créancier souhaite faire jouer une clause de réserve de propriété pour récupérer des biens qui sont toujours présents entre les mains du débiteur, il doit adresser sa demande de revendication au mandataire dans un délai de 3 mois à compter de la date de la publication du jugement.

Si le mandataire silencieux pendant un mois à compter de la réception du courrier, le créancier dispose d’un délai d’un mois ensuite pour saisir le Juge Commissaire d’une demande en revendication.

Les conditions sont les suivantes :
- Clause acceptée par le débiteur avant la fourniture des biens,
- Les biens se trouvent toujours dans la possession du débiteur.

II) Les exceptions à ces délais.

En droit français certaines créances ne sont pas concernées par ces délais et pour celles qui le sont il est possible d’obtenir des délais supplémentaires.

A) La demande en relevé de forclusion.

Pour les créanciers ayant dépassé ce délai il est toujours possible d’adresser une requête au juge pour demander un relevé de forclusion dans un délai ne pouvant pas excéder 6 mois à compter de la publication du jugement.

Si le juge accepte de relever le créancier de sa forclusion il a un mois à compter de la décision du juge pour accomplir la démarche qu’il aurait faite hors délai.

En 2020, le législateur français avait prévu une période juridiquement protégée en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19.

Cette période s’étendait du 12-03-2020 jusqu’au 23-06-2020. Tous les actes qui auraient dû accomplis pendant cette période peuvent encore l’être jusqu’au 23-08-2020.

Il n’existe aucune autre exception en dehors de celle-ci, qui n’est plus en vigueur.

Prenons 2 exemples :

1. Une société étrangère a une facture impayée par l’un de ses clients. Celui-ci est en redressement judiciaire. Le jugement du 07-05-2020 a été publié le 15-05-2020.

Elle pouvait déclarer sa créance jusqu’au 15-09-2020, elle peut toujours faire une demande en relevé de forclusion jusqu’au 15-11-2020 pour obtenir un mois supplémentaire pour agir.

2. Une société française a une facture impayée par un client. Il est en liquidation judiciaire par un jugement du 20-03-2020, publié le 30-03-2020.

Elle pouvait déclarer sa créance jusqu’au 23-08-2020, faire une demande de revendication jusqu’au 30-06-2020 et agir en forclusion jusqu’au 30-08-2020. Tous les délais ont expiré.

B) Le sort des créances postérieures.

Dans les cas des créances nées après la date du jugement d’ouverture, elles bénéficient en principe du droit au paiement à échéance. Toutefois une condition doit être remplie, il faut qu’il s’agisse d’une créance régulière. C’est à dire une créance utile pour les besoins de la procédure en cours ou de l’activité de la société.

Elles sont examinées au cas par cas.

Il ne faut pas oublier qu’en cas de conversion du redressement ou sauvegarde en liquidation, les créances qui étaient postérieures peuvent devenir antérieures si le nouveau jugement est postérieur.

Pour cette raison il convient de rester vigilant et ne pas baisser sa garde.

Yassin Jarmouni Avocat