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Le maillot du Paris Saint Germain peut-il faire l’objet d’une interdiction ? Par Olivier Grunenwald, Juriste.
Parution : jeudi 1er octobre 2020
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Et si le port du maillot du PSG risquait d’occasionner des troubles à l’ordre public. Ce n’est pas sans se rappeler la demi-finale de ligue des champions, un supporter du PSG avait été agressé à Marseille. C’est ce qu’a retenu le préfet de police des Bouches du Rhône le 20 août 2020...

La finale de la ligue des champions opposant l’équipe parisienne du Paris Saint Germain (PSG) au club allemand du Bayern de Munich a failli susciter une vive polémique. En effet le préfet de police des Bouches du Rhône, Denis Mauvais, a estimé bon d’interdire le port du maillot du PSG du dimanche 23 août 2020 à 15h au lundi 24 août 2020 à 3h00 sur le Vieux Port et sa périphérie dans les 1er, 2ème, 6ème et 7ème arrondissements de Marseille. Cette interdiction à la fois louable reste tout de même contestable dans les faits.

Tout d’abord, cet arrêté du 20 août 2020 « portant interdiction de stationnement, de circulation sur la voie publique et de détention et usage d’engins pyrotechniques à Marseille à l’occasion du match de football de la finale de la Ligue des Champions le dimanche 23 août 2020 à 21h00 » paraît louable. Le préfet de police voulait éviter toute atteinte à l’ordre public, défini à l’article L2212-2 du code général des collectivités territoriales. Cette faculté de limiter l’ordre public dans de telles circonstances est prévue à l’article L332-16-2 du code du sport qui dispose que :

« le représentant de l’Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut, par arrêté, restreindre la liberté d’aller et venir des personnes se prévalant de la qualité de supporter d’une équipe ou se comportant comme tel sur les lieux d’une manifestation sportive et dont la présence est susceptible d’occasionner des troubles graves à l’ordre public...  ».

Il s’agit pour le préfet de restreindre la liberté d’aller et venir, liberté, rappelons-le, qui vise à garantir le droit d’une personne de se mouvoir librement dans l’espace social, reconnue comme principe à valeur constitutionnelle [1]. Il souhaitait éviter tout risque de débordements, débordements s’étant déroulés lors de la demi-finale opposant le PSG au club de Leipzig, le mardi 18 août 2020. Des troubles avaient éclaté au centre ville de Marseille, caractérisés par l’usage d’engins pyrotechniques et de pétards et par l’agression de deux personnes dont l’une portait le maillot du PSG.

Tout de même, cet arrêté reste contestable.

En premier lieu, cette interdiction du port du maillot d’un club de football restreint la liberté de se vêtir, liberté reconnue par la Cour de cassation comme liberté individuelle et non comme fondamentale [2], ce qui occasionne l’acceptation de certaines restrictions comme au sein de certaines entreprises... Dans d’autres cas, cette restriction est mieux acceptée par la population : par exemple dans le cas de la dissimulation du visage dans l’espace public (loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public), ou encore le port d’une tenue correcte à l’école (exigence souvent prévue dans les règlements intérieurs des différents établissements scolaires)... Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de se positionner contre la décision décidant de restreindre le port de certaines tenues, comme en matière de burkini [3].

En second lieu, cette restriction à cette liberté doit être proportionnée : « une appartenance présente ou passée à une association de supporters sans tenir compte du comportement des intéressés et qui, au demeurant, concerne des personnes qui ne sont pas visées par un arrêté du ministère de l’intérieur pris pour le même match, excède manifestement ce qui est nécessaire à la sauvegarde de l’ordre public » [4].

L’arrêté en question interdit à

« toute personne se prévalant de la qualité de supporter du PSG ou se comportant comme tel, de circuler ou de stationner sur la voie publique... ».

Les personnes encourageant l’équipe du PSG dans une brasserie sur le vieux port tomberaient-elles sous le coup de cette infraction passible de six mois d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende si elles manifestaient leur joie en cas de but du PSG ou de victoire du PSG ?

Enfin, le préfet de police est revenu sur sa décision en prenant un arrêté sage et prudent en date du 21 août 2020 n°13-2020-08-20-001 portant interdiction de stationnement, de circulation sur la voie publique et de détention et usage d’engins pyrotechniques à Marseille à l’occasion du match de football de la finale de la Ligue des Champions le dimanche 23 août 2020 à 21h00, arrêté qui a abrogé celui du 20 août 2020. Le port du maillot du PSG lors de la finale de Ligue des champions n’était donc pas interdit et pas répréhensible à Marseille.

Le préfet de police a préféré mettre fin à toute potentielle polémique.

Olivier Grunenwald Juriste en droit public des affaires

[1Cons. Const., 12 juillet 1979, Ponts à péage, n°79-107 ; rattachée aux articles 2 et 4 de la DDHC. : Cons. Const., 13 mars 2003, LOPSI, n°2003-467 ; et maniée par le CE., 8 août 1919, Labonne.

[2Cass., soc., 6 novembre 2001, n°99-43.988 ; 28 mai 2003, n°02-40.273.

[3Voir en ce sens CE, 26 août 2016, n°402742.

[4CE, réf., 8 novembre 2013, Olympique Lyonnais et a., n°373129.