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Création du collectif Lab Legal autour de l’accessibilité du Droit, du Legal Design et du Langage clair.
Parution : lundi 5 octobre 2020
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L’association Lab Legal rassemble des acteurs de différentes expertises, tous engagés dans l’accessibilité, la transformation et l’innovation juridique, et convaincus que le droit manque de clarté pour les personnes qui ne sont pas juristes.
Son assemblée constitutive s’est tenue le 16 septembre 2020 avec 30 participants venus de France, Belgique et Canada.
Retour sur cet événement et ses multiples implications avec Didier Ketels, Président de Lab Legal et CEO de Droits Quotidiens et Stéphanie Marais-Batardière, membre du conseil d’administration de Lab Legal et fondatrice du cabinet Callios.

La création de ce collectif est un témoignage supplémentaire que la communauté française et internationale autour de l’accessibilité du Droit, du Legal Design et du Langage clair se structure et s’organise.
Quel constat faites-vous actuellement sur le niveau de prise de conscience des acteurs du monde du droit sur ces sujets ?

Stéphanie Marais-Batardière et Didier Ketels  : « On remarque depuis quelques mois un soubresaut de la communauté juridique autour des thèmes du legal design et du langage juridique clair. Notre volonté aujourd’hui de fédérer les acteurs du legal design et profiter de cette tendance pour l’inscrire durablement dans les priorités des décideurs du monde juridique et de la justice. »

Pouvez-vous partager avec nous la genèse du projet « Lab Legal » ? Comment est née l’idée du collectif ?

Didier Ketels : « Le monde anglosaxon se fédère depuis une vingtaine d’années autour du plain language ou langage juridique clair, via le mouvement Clarity notamment.

Avec Droits Quotidiens, cela fait vingt ans que nous travaillons sur la clarification du droit, et cela fait dix ans que nous sommes dans une démarche d’internationalisation et de fédération des francophones autour de cette démarche du langage clair, notamment avec Educaloi.
Cet historique fonde aujourd’hui la légitimité de Droits Quotidiens de porter le projet Legal Lab ».

Stéphanie Marais-Batardière, membre du conseil d’administration de Lab Legal et fondatrice du cabinet Callios

SMB : « Lors de la 4ème édition du Salon de la LegalTech en novembre 2019, il y a eu un véritable frémissement autour du sujet de la clarification du Droit et du Legal design. Le confinement a entrainé une accélération de la digitalisation des directions juridiques et des cabinets d’avocats et a permis plus de communication autour de l’ensemble de ses thèmes.

Toutefois, le concept de legal design peut encore paraitre flou pour ce nouveau public et ne peut pas se résumer à des dessins ou des graphiques. C’est pour cela que le collectif Lab Legal a un rôle clé de pédagogie. La force et la clarté de la vision commune autour du Legal Design passe nécessairement par un collectif et non par des individualités. »

DK : « Droit Quotidiens est présent sur le langage clair depuis dix ans. Si l’on réfléchit en terme d’impact social, angle d’attaque de Droit Quotidiens, on constate qu’il est complexe de changer les pratiques. Tout l’enjeu du Lab Legal est là : induire un véritable changement des comportements du monde juridique, c’est-à-dire intégrer le legal design dans les pratiques professionnelles des professions juridiques du secteur privé, public et associatif. »

SMB : « Le Legal Design a également un fort enjeu social et démocratique, en recréant le lien fondamental entre les citoyens et le droit. La méthode du Legal Design place l’utilisateur du droit au centre de la démarche de conception de documents et de services juridiques. Cette démarche utilisateur transparait clairement dans la vision du Lab Legal. »

Didier Ketels, Président de Lab Legal et CEO de Droits Quotidiens

Quelle est la mission première de l’association Lab Legal ?

DK : « Il s’agit de fédérer les acteurs qui œuvrent à rendre accessible les contenus juridiques. »

Quelle est la définition du legal design retenue par le Lab Legal ?

DK : « Le legal design est selon nous le design pratiqué dans le monde du droit. Il a pour objectif d’apporter des solutions pratiques et innovantes, pour améliorer la compréhension et l’application du droit.

Le legal design, c’est plus que  :
• l’esthétique et la visualisation (les “petits dessins sur les contrats”)  ;
• le “Design thinking” (les post-it sur les murs)  ;
• le co-design.

Le legal design englobe le design, la communication juridique, le langage juridique clair, etc.
Il existe beaucoup de définitions du design. Nous retenons que le design est une activité de conception, qui vise à donner du sens, et à trouver des solutions, via des formes, des objets et expériences, pensés par rapport à un/des utilisateurs.

Selon nous, le legal design est une démarche pluridisciplinaire, collaborative et centrée sur l’utilisateur qui vise à rendre le droit plus clair et facile à utiliser par tous :

• Pluridisciplinaire. Le Legal Design repose sur la collaboration entre juristes et designers, mais également sur des expertises diverses et complémentaires, incluant les sciences sociales, la linguistique, les sciences cognitives, les neurosciences… afin de mieux comprendre les utilisateurs et l’écosystème dans lequel s’inscrivent les projets.

• Collaborative. Le Legal Design suppose des méthodes de travail permettant la collaboration entre ces acteurs, mais également avec les utilisateurs, qui doivent être partie prenante du processus de réflexion et création : c’est pour eux et avec eux que se déroule la démarche

• Centrée sur l’utilisateur. Les besoins, contraintes et attentes de l’utilisateur (justiciables et/ou professionnels) sont le point de départ de la démarche : on ne part pas d’un outil ou d’une technologie pour innover, c’est en comprenant l’utilisateur d’un document ou d’une procédure que l’on peut faire évoluer les contenus et les pratiques. Pour cela, le Legal Design peut prendre appui sur les nouvelles technologies qui facilitent clarté et utilisation du droit.

Le legal design peut aboutir à des réalisations concrètes.

Par exemple  :
• revoir des documents juridiques  : contrats, programmes de conformité, mémoranda, conclusions devant les juridictions, etc.  ;
• concevoir de nouveaux services  : des plateformes juridiques, des outils d’accessibilité des contrats ou de l’information juridique, etc.  ;
• revoir des processus juridiques (plateformes internes entre juristes et opérationnels) ou des contenus (fiches pratiques pour des aidants et travailleurs sociaux)  ;
• comprendre des projets de loi  : outils de visualisation de la participation aux débats et aux votes, clarification de notions juridiques complexes pour faciliter les débats) ;
• organiser des ateliers (parcours utilisateurs, co-création)  ;
• dématérialiser des procédures (design de conclusions). »

Qui aujourd’hui compose ce collectif ? Quels secteurs , métiers, zones géographiques sont représentés ?

SMB : « L’interprofessionnalité est très importante pour nous : nous avons au sein de l’association des linguistes, des designers, des juristes, des traducteurs de contenus juridiques, des avocats et des directions juridiques. Les professionnels du droit ne peuvent pas seuls entrainer le changement, c’est le contact et l’échange entre professions qui pourra induire ce changement. »

DK : « Le collectif se compose dans un premier temps des experts francophones autour de l’innovation juridique et de l’accessibilité du droit. Le réseau est actuellement en France, Belgique et au Canada. »

Pouvez-vous partager avec nous la feuille de route du collectif Lab Legal ?

DK : « La feuille de route du Lab Legal se décline en trois finalités, deux internes et une externe :
-  Asseoir sa légitimité : c’est-à-dire augmenter à la fois le nombre de membres et de professions faisant partie de ce collectif : linguistes, traducteurs, communicateurs, designers, psychologues, juristes, etc.

-  Favoriser les collaborations entre ces acteurs : c’est un travail pluridisciplinaire qui nécessite une combinaison de compétences que personne aujourd’hui sur le marché ne peut prétendre maîtriser. Il est donc crucial que les membres apprennent à travailler et à échanger ensemble, et également à connaitre leurs particularités, car chaque membre a sa propre pratique du legal design.

-  Agir pour multiplier les projets d’accessibilité des contenus. Cela peut passer par différentes stratégies, comme par exemple qu’il y ait plus de marchés publics qui intègrent la démarche du Legal Design.

Le Conseil d’administration du Lab Legal va se tenir très prochainement pour décider des actions stratégiques qui seront menées dans les deux ans. »

Quelles sont les prochaines actions concrètes de l’association ?

SMB : « Lab Legal, porteur d’une approche innovante sur les pratiques et les usages du droit, participe aux Rendez-vous de la Transformation du Droit le 19 et 20 novembre prochain et conçoit actuellement, en collaboration avec Legiteam et Open Law, le programme du Village du Legal Design.

Le collectif proposera ainsi un espace de stands dédiés au Legal design et une série d’ateliers adaptés aux besoins des professionnels du droit :
• des ateliers de sensibilisation,
• des ateliers « pour aller plus loin » et montrer le champ des possibles du legal design (reflexion stratégique, travaux à l’international)
• des ateliers transversaux avec le Village de la Legaltech, et le Village des trajectoires professionnelles [1] pour travailler notamment les soft skills en phase de recrutement. »

DK : « Notre objectif est de communiquer :
• sur l’intérêt et l’impact concret de l’utilisation du langage juridique clair et du legal design notamment sur la charge de travail des juristes (un document rédigé en langage clair suscite moins de questions et est mieux appliqué) ou en terme financier.

• sur le fait que ces processus de transformation impliquent pour les acteurs du monde du droit de changer en profondeur leur pratique et leur production de contenus juridiques, et que cela nécessite donc nécessairement du temps et de l’investissement. »

SMB : « Notre objectif est aussi de faire prendre conscience aux professionnels du droit que le Legal Design est avant tout un changement d’état d’esprit et que cela peut commencer par des choses simples comme par exemple la rédaction de courriels. »

Comment l’association va organiser son activité ?

DK et SMB : « Il y a actuellement trois groupes de travail au sein de l’association :
-  le premier groupe de travail, axé sur la programmation scientifique, a pour objectif de créer plus de visibilité sur ce qu’est le legal design afin de pouvoir réunir tout le monde autour d’une même vision. C’est un chantier important mobilisant beaucoup de membres.
-  le deuxième groupe de travail diffuse des contenus juridiques autour des concepts du legal design.
-  le troisième groupe de travail vise à mieux faire partager les expertises de chacun au sein du collectif, mieux se connaitre et à tracer ensemble une cartographie qui permettra par la suite au collectif d’être encore plus efficient dans sa communication. »

Pour toute question concernant l’association, n’hésitez pas à contacter Didier Ketels :d.ketels chez droitsquotidiens.be.

Suivez l’actualité de l’association sur Twitter @LeLabLegal1 et Linkedin https://www.linkedin.com/company/le-lab-legal/

Rédaction du village