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Liquidation judiciaire d’Elite Insurance : 60 000 assurés sans contrat. Par Karen De Sa Vieira, Etudiante.
Parution : lundi 5 octobre 2020
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Depuis le 15 septembre 2020, l’ensemble des contrats d’assurance souscrits auprès de la société Elite Insurance située à Gibraltar, sont résiliés au pour cause de liquidation judiciaire.
Les 60 000 Français assurés auprès cette compagnie sont donc invités à entamer leurs démarches rapidement.

Etablie à Gibraltar en 2004, Elite Insurance Company Limited s’est développée en proposant des produits d’assurance à la fois pour les professionnels et les particuliers en Europe, notamment en Belgique, Allemagne, Grèce, Irlande, Luxembourg, Malte, Pays Bas, Norvège, Portugal, Roumanie, Espagne et au Royaume Uni.

En 2017, la Commission des services financiers de Gibraltar (GFSC) a informé l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) que l’entreprise Elite Insurance a décidé de cesser toute nouvelle souscription dans l’Union Européenne.

Elite Insurance confirmant sa décision d’arrêter toute nouvelle activité à effet immédiat dans un communiqué de presse du 5 juillet 2017.

En conséquence de cette décision, les intermédiaires d’assurance ne doivent pas continuer à commercialiser en France les contrats d’Elite Insurance, cette dernière est mise en « run-off ».

En France, Elite Insurance opérait donc jusqu’en 2017 en libre prestation de services (LPS) sur le marché de l’assurance construction. Elle distribuait ses contrats en France auprès de cinq intermédiaires (SFS, EISL, ProFirst, Acton Insurance et le réseau United Brokers International).

Dans l’Hexagone, Elite avait essentiellement souscrit des garanties dommages-ouvrage, responsabilité décennale et responsabilité civile professionnelle, auprès d’une clientèle de professionnels du bâtiment. Il s’agissait surtout de TPE et de PME, affichant des chiffres d’affaires compris entre 200 000 et 300 000 euros.

Dans une décision rendue le 25 novembre 2019, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) prononce à l’encontre de la société Elite Insurance Company Limited une interdiction de commercialiser des contrats d’assurance sur le territoire français pendant une durée de 2 ans.

Deux semaines seulement après avoir été épinglé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), Elite Insurance était dans le viseur des autorités financières de Gibraltar, où elle était jusqu’à présent agréée.

En décembre 2019, elle est placée sous administration judiciaire et déclarée insolvable par la Cour suprême de Gilbraltar.

Selon le cabinet PWC, qui assurait l’administration de la société sur décision de la Cour suprême de Gibraltar, quelque 60 000 Français sont concernés, principalement sur des polices d’assurance construction qui ont une période d’exposition de dix ans.

La compagnie Elite Insurance, qui travaillait en libre prestation de services (LPS), a ainsi déclaré résilier au 15 septembre 2020 pour cause de liquidation judiciaire tous les contrats d’assurance.

Turbulence dans l’univers de l’assurance construction !

Concrètement, pas de grande surprise pour les assurés d’Elite, qui savaient déjà ne plus pouvoir compter sur leur assureur depuis sa mise en liquidation judiciaire fin 2019.

Pour autant, cette décision qui rend officiellement caduques toutes les couvertures d’assurance souscrites par les entrepreneurs, mais aussi par certains particuliers en dommages ouvrage, rappelle que de nombreux sinistres à venir risquent de ne pas pouvoir être indemnisés.

Qu’est que la LPS ?

La LPS est une opération par laquelle une entreprise d’un Etat membre de l’Espace économique européen couvre un risque situé dans un autre Etat membre, à partir de son siège social ou d’une succursale située dans l’Union européenne.

Les assureurs étrangers peuvent ainsi proposer librement leurs contrats d’assurance en France. La LPS divise le marché français de l’assurance construction. Il y a d’un côté ceux qui font confiance aux régulateurs des pays d’origine des acteurs en LPS. Et, de l’autre, ceux qui voient d’un mauvais œil cette concurrence aux tarifs souvent agressifs, doutant de la solvabilité et de la pérennité de ces compagnies, notamment en responsabilité civile décennale.

Quelles sont les conséquences pour les assurés d’Elite en France ?

Tous les contrats d’assurance souscrits auprès de la société Elite Insurance située à Gibraltar, sont résiliés au 15 septembre 2020 pour cause de liquidation judiciaire.

Quelque 60 000 Français assurés auprès cette compagnie sont donc invités à entamer leurs démarches rapidement.

Il a été indiqué à l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) que les sinistres survenus qui ont fait l’objet d’un accord d’indemnisation sans avoir été payés au 15 septembre 2020 restent éligibles à une indemnisation. Pour ces sinistres comme pour ceux qui n’auraient pas été réglés avant le 15 septembre 2020, les administrateurs anticipent des difficultés de paiement, en raison des caisses vides de la compagnie d’assurance.

Toutefois, aucune indemnisation n’aura lieu pour les sinistres qui surviendraient après le 15 septembre 2020, puisque les contrats sont résiliés. Or, les désordres nécessitant d’exercer l’assurance surviennent en moyenne sept ans après la réception de l’immeuble.

En effet, l’administrateur

« confirme qu’aucune protection en matière d’indemnisation n’est disponible pour les assurés français d’Elite Insurance. En conséquence, les administrateurs réfléchissent à la manière de gérer les risques non expirés de certaines polices ».

La situation est donc particulièrement alarmante : « En l’absence d’un système d’indemnisation, les assurés dommages ouvrages français devraient envisager de poursuivre le contractant ou son assureur », explique le rapport.

En théorie, sans assureur et sans contrat décennal valide, l’entrepreneur se retrouverait, en cas de sinistre, dans l’obligation d’indemniser son ancien client, en puisant dans les fonds propres de son entreprise. Une hypothèse dramatique compte tenu des montants en jeu, qui peuvent facilement atteindre plusieurs millions d’euros. Ce qui pourrait provoquer la faillite de l’entrepreneur.

D’autant plus le rapport de PWC explique qu’« une proportion très importante des souscriptions d’Elite a été réalisée par le biais de mandataires, impliquant dans de nombreux cas que les dossiers de la compagnie ne comprennent pas les détails des assurés. En conséquence, l’exactitude des données dont dispose la PWC est incertaine et sera soumise à des évolutions », relaie l’Argus de l’assurance.

Le rapport précise également que

« L’activité française était dominée par deux acteurs (SFS et EISL) eux aussi en liquidation contribuant, de fait, au manque d’informations complètes et précises sur les assurés dans ce pays ».

Raison pour laquelle, beaucoup d’entre eux (environ la moitié) se sont résignés à demander à leur nouvel assureur une « reprise du passé ».

La réaction des assureurs construction « historiques » n’a pas vraiment été positive dans la mesure où ils avaient vu arriver d’un mauvais oeil la LPS et tous ces concurrents étrangers. Réaction compréhensible compte tenu du fait que cela représente pour eux une prise en charge « à l’aveugle » de dossiers construction qu’ils ne connaissent pas et dont il leur est difficile d’évaluer a posteriori la nature du risque.

Retrouver un assureur a déjà été difficile pour certains entrepreneurs (installateurs de panneaux solaires, piscinistes…) mais d’autant plus quand ils ont demander la « reprise du passé ».

Une surprime a été appliquée par les assureurs qui ont accepté, conduisant les professionnels à se retrouver dans la situation ubuesque de devoir payer une 2ème fois pour le même risque. Certains assureurs ont accepté d’étaler le paiement de cette surprime sur plusieurs années ou proposent de ne couvrir que les sinistres majeurs qui représenteraient un risque pour la solvabilité de l’entreprise, pour alléger la facture.

Les administrateurs rappellent également la possibilité pour les personnes dont les droits seraient affectés de déclarer leur créance à la procédure d’administration d’Elite Insurance, pour le préjudice que leur cause la cessation des effets de leur contrat. L’utilité de la démarche étant incertaine, du fait de l’insolvabilité d’Elite Insurance.

Enfin, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages - ou FGAO - ne peut rien dans le cas de cette situation particulière.

En effet, dans un premier temps, suite à la faillite d’Elite en 2019, les assurés avaient bon espoir que le Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO) prenne le relais pour suppléer en cas de sinistre la défaillance de l’assureur de Gibraltar.

On leur a toutefois indiquer que seuls les contrats souscrits après le 1er juillet 2018 pourraient bénéficier de ce soutien, alors même qu’Elite avait cessé toute souscription de contrat dès juillet 2017.

A ce jour, il reste encore un assureur construction en LPS, Millenium Insurance Company, basé à Séville.

Il est à espérer que les défaillances d’assureurs construction en LPS cesse désormais.

Karen De Sa Vieira Titulaire d'un master en droit de l'immobilier parcours droit de la construction et de l'urbanisme Première année de doctorat
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