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Cotisations sociales du gérant majoritaire d’une SARL et procédure collective. Par Jonathan Durand et Donato Sirignano, Avocats.
Parution : mercredi 7 octobre 2020
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Si la société peut prendre en charge les cotisations du gérant majoritaire d’une SARL, cela ne signifie pas pour autant qu’elle en est redevable.

En effet, en cas de procédure collective, le gérant majoritaire sera personnellement responsable de leur paiement.

En principe, le gérant majoritaire d’une SARL (ci-après le « Gérant ») n’engage pas ses derniers personnels lors d’une procédure collective sauf à ce qu’il soit condamné lors d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif en cas de faute de gestion.

Cependant, puisque le Gérant est le redevable de cotisations obligatoires (ex RSI - URSSAF, CIPAV, etc.), l’organisme collectant les cotisations peut (i) poursuivre celui-ci à titre personnel et (ii) n’aura pas à déclarer sa créance à la procédure collective.

C’est ce qu’a pu décider, pour l’ex RSI (URSSAF désormais), la Cour d’appel de Paris par arrêt du 29 Juin 2017 (n° RG 15/12350).

Et l’avis de la Cour de cassation, qui a qualifié ces dettes (RSI) de professionnelles = [1], n’a pas amélioré la situation du Gérant, bien au contraire.

En effet, cet avis n°16007 a été invoqué par un Gérant pour soutenir que

« les cotisations sociales qui lui sont réclamées constituent des dettes professionnelles dont le recouvrement ne peut être poursuivi à l’encontre du gérant majoritaire d’une SARL en liquidation judiciaire et qui devaient être déclarées par la caisse RSI au passif de la liquidation judiciaire de la société ».

Mais la Cour d’appel de Riom, par arrêt du 2 Juillet 2019 (RG 17/02809), lui a répondu que

« cet avis ne vise nullement l’hypothèse de la liquidation judiciaire d’une société et la prise en compte ou non au passif de cette société en liquidation, des cotisations sociales de son gérant ».

Cet avis a également été évoqué dans plusieurs arrêts avec un résultat identique, à savoir le refus d’intégrer ces cotisations dans le passif d’une société en liquidation [2].

Pire, non seulement l’avis n°16007 ne permet pas au Gérant d’échapper aux poursuites en cas de procédure collective mais il implique que

« la dette de cotisations et contributions destinées à assurer la couverture personnelle sociale d’un gérant majoritaire de SARL et dont le recouvrement est poursuivi par l’URSSAF est de nature professionnelle, de sorte qu’elle échappe en tant que telle à l’effacement consécutif à la procédure de rétablissement personnel dans le cadre du dispositif de traitement du surendettement des particuliers ».

Par conséquent, le Gérant n’est ni protégé dans le cadre de la procédure collective de la société, ni en cas de rétablissement personnel.

Il est évident que le contexte actuel appelle une réforme pour faire entrer ces cotisations sociales dans le passif de la société en procédure collective.

Pour l’instant, l’on relève une proposition de loi enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 avril 2019 (renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement) en vue de modifier l’article L622-17 du Code de commerce et d’y ajouter le texte suivant :

« V. - Les créances résultant des cotisations dont le gérant de l’entreprise est redevable sont des dettes professionnelles et doivent être portées à la connaissance de l’administrateur et, à défaut, du mandataire judiciaire ou, lorsque ces organes ont cessé leurs fonctions, du commissaire à l’exécution du plan ou du liquidateur, dans le délai d’un an à compter de la fin de la période d’observation ».

Mais cette proposition est à retravailler puisque :
- sont seulement visées les créances (donc cotisations en ce qui nous concerne) nées régulièrement après le jugement d’ouverture [3] - quid des dettes de cotisations antérieures au jugement ? ;
- il semblerait que l’hypothèse de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire sans passage par une sauvegarde ou un redressement (procédure convertie en une autre) n’ait pas été envisagée (compte tenu de ce que seul l’article L622-17 du Code de commerce est cité, étant précisé que cet article s’applique également à la procédure de redressement par renvoi).

Par ailleurs, l’attention du Gérant est attirée sur la nécessité de prendre attache (rapidement) avec lesdits organismes pour, notamment, obtenir un échelonnement de la dette et une radiation en cas de liquidation (pour ne pas payer de cotisations supplémentaires).

Jonathan Durand, avocat [->contact@jonathandurandavocat.com] Donato Sirignano Avocat européen aux barreaux de Paris et de Benevento (Italie) [->sirignano.donato@gmail.com]

[1Avis n°16007 en date du 8 juillet 2016.

[2Notamment, Cour d’appel de Nîmes, arrêt du 21 Juin 2018, RG 17/04237 - Cour d’appel de Metz, arrêt du 23 septembre 2019, RG 18/01250.

[3Alinéa 1 de l’article L622-17 du Code de commerce.