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[Point de vue] Droit prédictif et contrat de vie commune : prévoir la vie et la rupture du couple. Par Francine Summa, Avocate.
Parution : mercredi 7 octobre 2020
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L’union libre est un phénomène de la société libérale. Cette situation de fait est un problème en cas de rupture au bout de plusieurs années (I). Le contrat prénuptial américain établi par les futurs époux et signé par le greffier du Tribunal a le mérite de prévoir les modalités du mariage et du divorce (II). Transposé en droit français en un contrat de vie commune signé par le couple hors mariage, il éviterait des situations injustes et dramatiques (III).

I- Diversité de la vie en couple.

La désaffection du mariage est une réalité. L’effroi de procédure de divorce en est une des causes mais pas seulement. La société est libérale, libertaire et ni l’homme ni même la femme ont une vision positive du mariage qui est un joug et un piège pour l’épanouissement de l’un et de l’autre.

Le droit français en séparant le couple parental du couple conjugal a accentué cette tendance. La convention parentale permet en cas de séparation de statuer sur la résidence des enfants et sur la contribution des parents à leur entretien et leur éducation.

Il y a le choix du Pacs qui fait une grande concurrence au mariage par l’attrait de la souplesse de la résiliation et présente des similitudes de droits avec le mariage en cas de convention et de testament souscrits par les partenaires.
Mais, la troisième situation de l’union libre est une réalité sociétale croissante.

Le droit civil n’a rien prévu si ce n’est par la définition du concubinage qui se distingue par la vie en commun :

Article 515-8 du Code Civil :
« Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple. »

Il est possible de demander un certificat de concubinage à la mairie du domicile des concubins. Les mairies ne sont pas obligées d’en délivrer. Il faut alors établir par les concubins une déclaration de concubinage. Un modèle est à télécharger sur le site service public.

Cette liberté est un risque surtout pour la femme qui souvent -mais pas toujours- a une carrière moins avancée pour s’occuper des enfants.
La Loi française reconnaît ces sacrifices en attribuant des droits sociaux à la mère. Mais, au bout de 7, pas encore 10 ans d’union commune, il arrive que la relation “craque”. Un “trop-plein” vécu souvent par la femme qui étouffe. A l’heure de la séparation, ce ressentiment explose et la médiation est très difficile mais permet malgré tout de calmer et parfois de trouver des solutions avec l’apport des Avocats et du notaire si le couple a constitué un patrimoine.

Comment éviter ces injustices ? Par une sécurisation des relations conjugales. Prévoir les modalités de la vie en commun, donner à chacun un rôle et une place dans la structure patrimoniale du couple.
Transposer le modèle américain du contrat prénuptial en un contrat de vie commune.

II- Contrat pré-nuptial ("prenuptial contract").

Aux Etats-Unis, les futurs époux peuvent souscrire un contrat pré-nuptial.
Il s’acquiert au greffe du Tribunal et est signé par le greffier en charge avec les signatures de futurs époux. Il peut aussi être téléchargé gratuitement ou pour peu de frais sur des sites juridiques.

Ce contrat se présente en plusieurs parties :

I- Informations concernant l’époux :
- état-civil, situation familiale : célibataire, divorcé, veuf, enfants,
situation financière:revenus : salaires, retraites,
- patrimoine : biens immobiliers, mobiliers, voiture, bateau, meubles de valeur,économies

II- Informations concernant l’épouse :
- état-civil, situation familiale : célibataire, divorcé, veuf, enfants,
situation financière:revenus : salaires, retraites,
- patrimoine : biens immobiliers, mobiliers, voiture, bateau, meubles de valeur,économies

III Conditions de leur vie maritale :
- fixation du domicile conjugal : Où, financement, déménagement, charge des frais de leur déménagement,
- Patrimoine : comment seront gérés les biens des époux :
pour ceux acquis avant le mariage : séparément ou en commun
pour ceux à venir : séparément ou en commun
- Budget : répartition des charges du ménage, qui paie quoi, quelles proportions,

IV- Les enfants :
- Enfants nés d’unions précédentes : Résidence et droit de visite et d’hébergement ;
- Enfants à venir : Choix de leurs mode de vie, religieux, culturel, éducatif, décisions importantes à prendre.

V- Rupture du mariage :
Cette rubrique est très importante. Elle prévoit comment les futurs époux vont régler leur séparation. Tous les aspects financiers, matériels sont examinés avec une réponse. Ainsi que les enfants.
Modalités du divorce :
- patrimoine : actif et passif : séparément ou en commun,
- indemnisation : clause non prévue à rajouter,
- enfants : rubrique non prévue mais à rajouter afin de définir les conditions de vie des enfants : avec la mère ou chez le père.

Exemple, préciser le déménagement des futurs époux : Qui paiera quoi ?

Exemple : un mariage entre un Français et une Américaine, domicile conjugal en France ou aux USA à déterminer et si en France, l’épouse en cas de retour aux USA serait défrayée par le mari à hauteur d’un certain montant, ou sans montant indiqué ce qui est très dangereux pour le mari ;
Prévoir de faire la liste de répartition des biens acquis pendant le mariage et des compensations financières.

Prévoir une indemnisation pour le conjoint “sacrifié” par le mariage - le mariage n’est pas non plus une rente viagère- une pension mensuelle pendant six mois à un an à titre d’aide au retour à l’emploi.

Pour les enfants nés du mariage ou à venir , prévoir les droits de visite et d’hébergement des enfants,
Estimer la ou les contributions financières des parents : Méthodologie française ou canadienne par exemple qui sont établies sur des modes de calcul différents.

Une méthodologie pour décider en cas de désaccord (médiation).
Suivant quelle Loi ? Aux USA, entre deux Lois d’Etats différents, il vaut mieux désigner la Loi de l’Etat du domicile commun des futurs époux.

Conclusion sur le contrat prénuptial américain :

Le contrat prénuptial américain est plus qu’un régime des biens qui existe en Droit Français passé devant notaire quelques jours avant le mariage à la Mairie. Le régime des biens- communauté réduite aux acquêts ou régime séparatiste- est limité au patrimoine des époux pendant leur union.

Un contrat prénuptial englobe tout : le passé des futurs conjoints : patrimoine, revenus, enfants, charges et prévoit la future vie commune la plus détaillée possible ce qui permet de savoir avant de se marier ce qu’il adviendra en cas de divorce.

C’est le divorce prédictif. Ce qui est très sécurisant notamment en cas de mariage entre étrangers pour déterminer la Loi applicable - La Loi française est très généreuse pour l’épouse avec la prestation compensatoire, indemnité du fait d’une disparité de condtion de la femme mariée.

Evidemment, il faut l’accord des deux futurs époux.

Transposer ces principes dans une convention conjugale, en-dehors de tout contrat de mariage ou de pacs - est un pas de plus vers une union et en tant que de besoin vers une rupture conjugale prédictive , plus claire et plus juste.

III- Le contrat de vie commune.

1- Définition.

Le contrat de vie commune est un contrat de droit privé signé par un couple qui envisage de faire “vie commune” c’est à dire de vivre ensemble pendant un certain temps et de régler les modalités de leur vie commune avant de la commencer. Et de prévoir de l’union à la désunion, toutes les situations et les modalités pratiques de cette union.

Ce contrat peut être signé à deux ou avec un Avocat (Acte d’Avocat) donnant une certaine officialisation de la décision de vie commune. Mais ce n’est pas obligatoire. Il pourrait être signé avec un conciliateur de Justice dans sa mission de concilier les parties. Ou par un médiateur familial dans sa mission de médiation.

a-Conditions de forme : un contrat écrit signé.
Le formalisme de l’écrit marque l’engagement de la personne. La signature de la personne est un gage de fermeté à valeur hautement morale. On respecte sa signature.

2- Conditions de fond :
Respect des règles d’ordre public familial du Droit français ou international ou de la loi étrangère désignée par le couple. En cas de divergence des Lois , il vaut mieux prévoir un critère de désignation : En droit international privé, la loi du dernier domicile commun si les partenaires n’en ont pas désigné un. Il est donc préférable de choisir soi-même sa Loi d’application qui doit toutefois rester dans la sphère de vie du couple : Il ne sera pas possible de désigner la Loi d’un pays qui n’aurait aucun lien avec la vie du couple.

2-1 Informations sur les partenaires.

2-2- Organisation de la vie commune :
- adresse du domicile commun,
- gestion du quotidien : répartition des dépenses du couple- reddition de comptes.
- décisions importantes à prendre en commun : indiquer les domaines où les décisions seront prises discutées ensemble : santé, choix professionnels, déménagements, évènements familiaux avec les enfants des partenaires (vacances, fêtes, droits d’hébergement).
- patrimoine personnel gestion séparée ou avec concertation / Patrimoine commun : gestion commune ;
- enfants :
- d’union précédentes : décisions importantes avec le parent biologique mais concertation,
- à naître : décisions à prendre en commun (choix importants : domicile, santé, religion, éducation). Indiquer la loi régissant l’enfant celle du lieu de naissance ou de son domicile, nationalité. Respect des règles d’ordre public.

2-3- Durée du contrat de vie commune.
Sans limitation de durée
avec limitation de durée et option de conclure un pacs ou de se marier
Résiliation : information par tous moyens : mail ou SMS ou autre sans délai de préavis.

2-4- Fin du contrat de vie commune:modalites financières et autres dispositions.
- Liquidation des biens immobiliers et mobiliers : Suivant les règles juridiques
partage équitable
- paiement des frais de déménagement
- indemnisation pour autre cause : aide financière de départ

2-5- Clause de médiation.
Prévoir une médiation pour tous litiges pendant ou en fin du contrat de vie commune.

Date

Signatures

Conclusion sur le contrat de vie commune.

Peu de formalisme, souplesse de l’accord fourre-tout pratique du quotidien et des actes importants, souplesse de la durée, de la sortie avec souci de ne pas avoir gâché des années par des modalités financières de départ et d’indemnisation raisonnable des partenaires.

Francine Summa, Avocate, Médiatrice familiale.