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Avocats, comment utiliser votre portrait professionnel en toute légalité ? Par Joëlle Verbrugge, Avocat.
Parution : lundi 12 octobre 2020
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Ce n’est pas à un avocat que l’on va apprendre la nécessité de respecter les dispositions légales. Lorsque vous utilisez un portrait sur vos supports professionnels, matérialisés et/ou virtuels, l’opération s’analyse juridiquement en une cession de droits.

L’auteur du portrait - que vous avez voulu, par nature, original, sortant de l’ordinaire et représentatif de la personnalité et des compétences qui font ou feront votre renommée - est titulaire de droits de propriété intellectuelle sur la photographie.

Dès lors, le Code de la propriété intellectuelle - et plus précisément son article L131-3 - vous oblige à obtenir l’autorisation de reproduction du portrait dont le photographe est l’auteur.

Différentes remarques doivent être faites tant sur la formalisation et l’articulation de cette cession de droits que sur sa matérialisation comptable.

Quant à la formalisation de la cession de droits elle-même, elle doit faire l’objet d’un contrat qui fixe ses limites à trois égards :

- Quant aux supports autorisés (Internet, plaquette de présentation du cabinet, cartes de visite, papier à lettre, branding du cabinet, utilisation sur des livres ou publications scientifiques de l’avocat, etc.) ;
- Quant à l’étendue géographique de ces utilisations : le monde entier pour les utilisations sur le web, mais il faut, par contre, fixer la limite des utilisations matérialisées ;
- Quant à la durée de la cession consentie.

En outre, ne perdez pas de vue que si ces droits patrimoniaux sont cessibles, il en est d’autres, les droits moraux, qui ne peuvent jamais être cédés. Pour cette raison, la mention du nom du photographe devra figurer sur ou à proximité de chaque utilisation du portrait, de façon lisible [1].

En vertu du même article, l’auteur a également le droit de s’opposer à toute modification de son œuvre (respect du droit au respect de l’intégrité de l’œuvre), ce qui vous interdit tout recadrage ou modification sans son accord…. Préalable !

Sur le plan fiscal et comptable, à présent, la matérialisation de cette cession de droits va dépendre du statut du photographe (artiste ou artisan) :

- Lorsque ce dernier exerce sous un statut artistique (auteur-photographe), il devra vous établir une note d’auteur. Celle-ci fera figurer sa TVA s’il y est assujetti (10% - Art. 279 g du CGI). En outre, il mentionnera le montant de la « contribution diffuseur » que la loi met à charge du diffuseur (ici l’avocat à qui des droits d’utilisation sont cédés) et qui se monte à 1,10% du montant hors taxe des droits cédés.

Ainsi, une cession de droits pour un montant HT de 1 000 euros dû au photographe, éventuellement augmenté de la TVA (10% soit 100 euros) donnera aussi lieu au paiement par l’avocat-cessionnaire des droits d’une somme de 1,10% soit 10,10 euros.

Cette somme doit être payée directement sur le site de l’URSSAF du Limousin (quel que soit le lieu de l’établissement du photographe ou de l’avocat dans mon exemple). L’avocat devient alors « diffuseur » de l’artiste photographe, et participe ainsi obligatoirement à la sécurité sociale et à la formation professionnelle des artistes.

Ceci implique de vous créer un « compte diffuseur » sur ce même site de l’URSSAF/Limousin [2]. A l’heure où cet article est rédigé, le site de l’URSSAF/Limousin présente - et c’est un euphémisme -quelques sérieux bugs. Ne vous y prenez dès lors pas en dernière minute ;

- Si, par contre, le photographe professionnel auquel vous faites appel exerce sous un statut d’artisan, il vous établira simplement une facture. Une fois celle-ci réglée, vous n’aurez plus rien à faire si ce n’est, bien sûr, respecter à la lettre les termes du contrat de cession de droits signé avec lui.

Toute utilisation de votre portrait qui ne respecterait pas les limites de la cession consentie pourrait donner lieu à des poursuites pour contrefaçon [3].

Enfin, même si, juridiquement, la cession serait aussi possible sur le plan du droit d’auteur avec un photographe non-professionnel, sa matérialisation ensuite est plus complexe puisque vous devriez :
- Précompter les cotisations sociales ;
- Et retenir la TVA à la source au taux de 9,2%.

En pratique, il est donc préférable de faire appel à un professionnel régulièrement inscrit.

Vous voici ainsi armés pour communiquer en toute légalité à l’aide de votre portrait.

Joëlle Verbrugge Avocate au Barreau de Bayonne http://www.joelle-verbrugge-avocat.com/

[1Droit à la paternité sur l’œuvre - Art. L121-1 du Code de la propriété intellectuelle.

[3Art. L122-4 et L335-2 du Code de la propriété intellectuelle.