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Votre contrat prévoit une clause pénale : quelles conséquences ? par Elsa Haddad, Avocate et Ikram Baba.
Parution : mardi 13 octobre 2020
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Enoncée à l’article 1231-5 du Code civil, la clause pénale permet de fixer à l’avance le montant minimum de l’indemnisation qui sera due par l’une ou l’autre des parties en cas d’inexécution de ses obligations contractuelles. Cette clause, à vocation dissuasive, permet de fixer à l’avance et de façon conjointe, un montant indemnitaire à charge de la partie faillant à ses obligations.

Cet article vise à présenter et comprendre la portée de la clause pénale, et dans quelles conditions celle-ci peut être révisée.

I. le principe : la maîtrise de la sanction de l’inexécution par les parties.

Qu’est-ce qu’une clause pénale ?

La clause pénale est définie par l’article 1231-5 du code civil qui dispose que

« lorsque le contrat stipule que celui qui manquera à l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre ».

Celle-ci permet aux parties de maîtriser la sanction de l’inexécution de l’obligation contractuelle par la fixation à l’avance d’une somme forfaitaire, généralement volontairement dissuasive, afin d’éviter une évaluation judiciaire du préjudice causé par cette inexécution.

La clause pénale s’applique du seul fait de l’inexécution sans qu’il y ait nécessité de prouver le préjudice du créancier [1].

De ce fait, aucune faute du cocontractant n’est à prouver pour pouvoir invoquer la clause pénale, celle-ci pouvant être appliquée dès constatation de l’inexécution des obligations de l’autre partie.

Le fait pour les parties d’intégrer une clause pénale à leur contrat permet ainsi de résoudre rapidement une inexécution contractuelle.

Toutefois, en vertu de l’article 1231-1 du Code civil, l’inexécution de l’obligation visée par la clause pénale doit être attribuable au débiteur, de sorte qu’en cas de force majeure, celui-ci est relâché de son obligation.

Comment fixer le montant de la clause pénale ?

Pour fixer le montant de la clause pénale, le prix convenu doit être compensateur du préjudice subi en cas d’inexécution de l’obligation [2], et ce, quel que soit le préjudice réellement subi lors de la réalisation de la clause.

Ainsi, il faut établir le prix en fonction du préjudice que causerait l’inexécution de l’obligation.

Le montant ne doit pas représenter un caractère excessif ou dérisoire au risque de se voir réviser par le juge. Il faut donc que le montant convenu soit proportionnel au préjudice que causerait le débiteur ne respectant pas ses obligations contractuelles, mais il doit tout de même être suffisant pour avoir un caractère dissuasif.

Les domaines exclus du champ de la clause pénale.

Il y a plusieurs domaines dans lesquels le pouvoir de la clause pénale se trouve effectivement limité, dans le dessein de protéger l’une des parties.

Egalement, aux termes de l’article 4 i) de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, dans un bail d’habitation, la loi ne permet pas au bailleur d’insérer dans le contrat de bail des clauses prévoyant des amendes dans le cas où le locataire commettrait des entorses aux clauses du contrat de location ou aux règles intérieures d’un immeuble.

Il en est de même pour les clauses pénales insérées dans le contrat de travail ; celles-ci sont nulles aux termes de l’article L1331-2 du Code du travail qui interdit toute sanction pécuniaire dans celui-ci.

Enfin, pour le contrat d’adhésion, l’article 1171 du Code civil dispose que toute clause non négociable créant un déséquilibre significatif entre les parties est réputée non écrite.

II. L’exception : la révision de la clause pénale par le juge.

Que se passe-t-il si le montant de la clause pénale a été incorrectement fixé ?

Aux termes de l’article 1231-5, le juge peut réviser le montant de la clause pénale s’il considère que celui-ci est excessif ou dérisoire. Le juge peut également réviser ce montant lorsque l’inexécution est partielle, de sorte à faire convenir le montant de la clause pénale au préjudice résultant de cette inexécution partielle. Cela permet de réduire le montant à une somme proportionnelle au préjudice subi.

Ainsi, le juge a un pouvoir de révision de la clause pénale, notamment lorsque celle-ci est disproportionnelle. Cette notion de disproportion s’apprécie en comparant le montant de la clause avec celui du préjudice subi à la suite de l’inexécution des obligations adverses [3].

Comment éviter une remise en cause de la clause pénale ?

Pour éviter une remise en cause, la clause pénale doit être expresse, c’est-à-dire qu’elle doit être prévue par écrit dans le contrat. Aussi, la clause doit être issue d’un accord entre les parties. Il faut dès lors prendre garde à ce que l’obligation sujette à la sanction de la clause pénale soit bien mentionnée dans celle-ci. Selon l’article 1231-5 du Code civil son montant doit représenter une somme forfaitaire ni excessive, ni dérisoire.

III. La mise en œuvre de la clause pénale.

Comment faire appliquer les dispositions de la clause pénale ?

Conformément à l’article 1231-5 du Code civil, dans le cas où l’inexécution n’est pas définitive le cocontractant doit être mis en demeure de respecter ses obligations. Néanmoins, dans le cas où l’inexécution du contrat est définitive, alors la procédure de mise en demeure n’est pas nécessaire.

A compter de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure, dans le cas où le débiteur n’a toujours pas rempli ses obligations, il pourra lui être demandé la somme forfaitaire prévue par la clause pénale du contrat.

A défaut de contestation sérieuse, vous pourrez obtenir un titre afin de rendre exécutoire votre clause pénale par une procédure de référé (procédure d’urgence avec représentation obligatoire par avocat lorsque le montant du litige est supérieur à 10 000 euros).

Elsa HADDAD, Avocat 25, rue Coquillière 75001 PARIS Toque C0016 [->www.elsahaddad-avocats.fr]

[1Civ, 3ème, 12 janvier 1994, n°91-19.540.

[2Civ, 3ème, 11 mars 2014, 13-11.256.

[3Com, 11 février 1997, n° 95-10-851.