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[Maroc] La bonne foi en droit d’action en justice : ses tenants et ses aboutissants. Par Tariq Boukhima, Doctorant en Droit.
Parution : jeudi 22 octobre 2020
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La bonne foi en droit d’action en justice a deux aspects remarquables ; un aspect invisible, qui est lié intrinsèquement à la psychologie du justiciable, exprimé par "la croyance erronée", et un aspect apparent se résume dans la manière selon laquelle ce justiciable agit lors d’un procès civil, traduit par "le comportement loyal". La bonne foi est toujours présumée, ce qui veut dire que celui qui prétend la mauvaise foi doit le prouver. Ce dernier est demandé, selon le cas, de démontrer que le demandeur connait effectivement la réalité des faits qu’il feint ignorer, ou qu’il s’est comporté d’une façon déloyale.

Au Maroc, le juge se sert de la notion de loyauté pour mesurer objectivement le comportement des parties au procès, et les oblige finalement à se collaborer, afin de pouvoir bénéficier équitablement des avantages offerts par la procédure civile.

Introduction :

Tout d’abord, la bonne foi n’est pas définie au code de procédure civile marocain, malgré sa multiple utilisation dans plusieurs articles, notamment l’article 5 dudit code qui lui fait expressément référence, et la considère comme une obligation qui se pose à tout plaideur quelle que soit sa qualité ; demandeur, défendeur, intervenant volontaire ou forcé dans un procès.

Alors, cette notion au sens de l’article 5 susvisé gouverne la conduite des parties au procès, et pose des exigences à l’exercice de leur droit d’agir en justice, c’est-à-dire, on ne peut pas abuser de nos droits pour nuire aux autres, voire détourner la loi, en cherchant égoïstement notre propre bénéfice au détriment des autres. De ce fait, elle s’érige en règle générale qui vise à maintenir un équilibre, une harmonisation entre intérêts particuliers et collectifs, et représente une ligne très fine entre le droit et le devoir.

A ce propos, la bonne foi en matière civile peut se résumer au fait de croire de façon certaine que l’on respecte les règles en vigueur, peu importe la sincérité de cette croyance, qui pourrait en bout de ligne se révéler erronée. Par exemple, selon l’article 58 du code de la famille, le mariage, après avoir été déclaré nul, produit cependant ces effets, puisque les deux parties étaient de bonne foi, lorsqu’elles ont décidé de se marier.

En l’occurrence, la notion de bonne foi constitue selon le législateur civil marocain une circonstance atténuante qui a pour mission d’amortir la gravité d’une sanction possible, a contrario de la mauvaise foi qui a pour effet d’aggraver la sanction émise par la justice.

Toutefois, la bonne fois se présume toujours, tant que le contraire n’est pas prouvé, et le juge peut déduire ce contraire des circonstances de l’affaire sur laquelle il statue.

Dès lors, la notion de bonne foi trouve place dans l’exercice de tous les droits civils, mais nous nous contenterons dans cette étude d’examiner seulement ses manifestations chez les justiciables lors d’un procès civil.

Nous avons déjà dit que le législateur marocain s’est abstenu de donner une définition à la bonne foi, ce qui rend, d’un côté, cette notion plus difficile à cerner, et d’autre côté, cela présente l’avantage de lui permettre de s’évoluer et de s’appliquer à des situations nouvelles.

Le concept de bonne foi est donc polysémique et protéiforme, et son insertion au code de procédure civile n’est pas sans utilité.

Alors, qu’est-ce que la bonne foi ? Quelles sont ses répercussions ? Et quelles sont les valeurs protégées ?

Pour répondre à ces questions, nous décortiquerons, dans un premier lieu, la notion de bonne foi. Puis, nous examinerons, dans un deuxième lieu, son utilité, en étudiant ses répercussions, en faisant toujours référence à la jurisprudence.

I - La dualité de la notion de bonne foi :

Donner une définition claire au concept de bonne foi parait une chose impossible, tant que celui-ci s’enracine dans la moralité, qui a lui-même un sens vague, et qui se varie d’une personne à une autre, et selon le temps.

Portant, cette notion a deux aspects remarquables ; un aspect invisible, lié intrinsèquement à la psychologie du justiciable, exprimé par "la croyance erronée", et un aspect apparent se résume dans la manière selon laquelle ce justiciable agit lors d’un procès civil, pour défendre ces droits présumés et arriver à ses fins, et sa conformité à la morale, à la loyauté et aux valeurs de la société, traduit par "le comportement loyal".

Dans certains cas, l’aspect psychologique servira à lui seul à établir s’il y a bonne foi ou non, alors que dans d’autres cas, le juge devra tenir compte des considérations extérieures, afin de prouver cette réalité. Parfois même, l’intention n’aura plus d’importance.

En conséquence, il y a donc une distinction entre être de bonne foi et agir selon les exigences de la bonne foi. Pour cette raison, nous nous pencherons dans un premier temps sur la bonne foi - croyance erronée - comme sentiment interne présumé, tandis que nous analyserons en deuxième temps la bonne foi - norme de comportement - où parfois l’intention de ne pas porter préjudice au autrui s’estompe devant les agissements nuisibles.

A - La bonne foi - croyance erronée :

Toute personne a le droit d’intenter une action en justice pour défendre son intérêt qui doit être, aussi bien que légitime, actuel et personnel, concret et positif, autrement dit suffisant pour justifier l’action devant le juge, indépendamment de son bien-fondé qui reste seul au juge de l’apprécier.

Par ailleurs, il existe toujours derrière cet intérêt juridique un intérêt personnel implicite chez le requérant qui pourrait prendre deux formes ; l’intention d’obtenir un droit à qui le requérant croit, à bon droit ou à tort, avoir raison, et l’intention de causer un dommage à autrui en le traduisant en justice

Certes, cette intention de nuire à autrui pourrait toute seule conduire son porteur à la sanction, à moins que sa requête ne soit rejetée pour vice de forme ou de fond, et fasse preuve d’une façon incontestable de cette intention maléfique, vue que le droit d’agir en justice est en soi un acte légitime que la loi autorise.

En revanche, si le plaignant croit, en déposant sa plainte, en l’existence d’une situation juridique régulière alors que la réalité est tout autre, la loi sera à ses côtés, en l’exonérant de toute sanction éventuelle, pour motif de sa bonne foi, malgré l’irrégularité de sa situation réelle. A ce propos, nous citons l’exemple d’un requérant qui vise, d’après sa requête, l’obtention d’un jugement qui approuve sa propriété d’un terrain, en fondant sa demande sur un acte d’achat datant de 2015.

Le défendeur y répond que sa possession dudit terrain s’est basée sur un acte d’achat remontant à l’an 2000. Alors le juge se trouve dans la nécessité d’évaluer ces deux pièces justificatives pour en déduire les résultats, et comme ça le demandeur sera perdant parce que son adversaire a la possession, et son contrat d’achat est ancien que le sien. Néanmoins, ce dernier n’a pas le droit de demander des dommages-intérêts, en réparation du préjudice issu de cette instance, parce que le demandeur ignore d’une part l’existence d’un autre contrat d’achat (ignorance du fait), et d’autre part c’est au juge seul qui revient le droit d’apprécier la valeur justificative des deux contrats, et les parties ne sont pas censées, voire exemptées de connaitre la loi civile contrairement à la loi pénale (ignorance du droit).

Il ressort de cet exemple que la bonne foi dans sa facette subjective se confond avec l’erreur. Toutefois, elles n’ont pas les mêmes résultats, car la bonne foi justifie les agissements erronés, émanant d’une partie lors d’un procès civil, pour le mettre à l’abri de toute éventuelle poursuite, tandis que l’erreur permet à celui qui en a été victime de demander l’annulation de la situation juridique irrégulière.

En conséquence, un justiciable de bonne foi c’est celui qui ignore que son adversaire est titulaire d’un droit ou qui croit lui-même être dans une situation juridique déterminée. Ce qui veut dire que l’analyse du juge portant sur la bonne foi subjective doit se faire auprès de la personne qui tente de faire valoir ses droits, indépendamment des agissements frauduleux de l’autre partie et peu importe sa mauvaise foi.

Pourtant, ce n’est pas toute erreur donne une légalité à nos choix envers l’exercice de nos droits, car elle doit être, pour produire un tel effet, excusable, plausible et raisonnable, ce qui nous mène à étudier objectivement la bonne foi, c’est-à-dire par rapport à la morale et aux valeurs de la société.

B - La bonne foi - norme de comportement :

Le procès civil est la chose des parties, puisque ce sont eux qui ont l’initiative de son existence et aussi de son déroulement. Ce qui veut dire qu’il revient aux parties de délimiter et de déformer l’objet et la cause de leurs demandes, et ainsi d’apporter les preuves et les moyens pour prouver leurs prétentions et convaincre le juge de leur bien-fondé. Tandis qu’il appartient à ce dernier de statuer dans les limites fixées par les parties, et selon les textes de loi en vigueur.

Il en résulte que les parties doivent rester de bonne foi dès le dépôt de leur demande jusqu’au prononcé du jugement définitif dans l’affaire. Autant dire que la bonne foi déborde de l’état d’esprit du plaideur pour prendre un aspect manifeste qui se résume dans le comportement de celui-ci tout au long de la procédure ; la véracité des faits présentés dans la demande, les moyens invoqués, les documents fournis et les conditions entourant l’exercice des voies de recours.

En effet, ce comportement s’analyse objectivement par rapport aux faits et gestes d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances, et non en fonction du plaideur lui-même, pour révéler son caractère, qui pourrait être qualifié selon le cas, raisonnable ou déraisonnable formant un abus du droit d’ester en justice. De ce fait, les parties au procès peuvent se comporter contrairement aux exigences de la bonne foi sans avoir d’intention malhonnête. Pourtant, l’inverse n’est pas vrai. Autrement dit, le fait d’établir qu’un comportement de l’un des parties au procès était excessif ne dépend pas de démontrer que celui-ci ayant une intention déloyale.

A cet égard, je cite l’exemple d’un défendeur qui a choisi, pour se défendre contre la demande de son adversaire visant à l’évacuer du bien loué pour faute de paiement des loyers, de dénier la signature à lui attribuée apposée sur le procès-verbal de sa notification. Le juge, après avoir fait sommation à celui-ci qui a entendu faire usage de la pièce, avait ordonné une enquête, durant laquelle ce dernier a nié toutes ses signatures apposées sur les certificats de notification, malgré sa présentation devant le tribunal pendant toutes les audiences et le fait de nommer un avocat pour le défendre. Le tribunal a en conclu implicitement que ce comportement ne correspond pas aux normes de la bonne foi, en approuvant que la pièce est signée par la partie sommée, et en l’obligeant à payer une amende de 1 500 DH au profit de la trésorerie de l’état sans préjudice des dommages intérêts que le demandeur pourrait réclamer.

Alors, il paraît que la bonne foi objective entretient des liens étroits avec la notion d’abus de droit, de manière à confirmer que toute dérogation aux normes de comportement constitue un abus d’exercice des voies de droit qui pourrait engendrer la responsabilité civile de son auteur. Toutefois, cette dérive du comportement standard ne peut être considérée comme faute civile, parce que cette dernière nécessite premièrement l’existence d’un devoir imposé par loi, et dont le manquement génère la faute, et deuxièmement, sa qualité est permanente ; ne change pas d’un cas à un autre, a contrario d’abus de droit d’agir en justice qui s’apprécie selon la spécificité de chaque espèce. Autrement dit, ce qui peut être abusif dans un cas peut ne pas l’être dans un autre.

En somme, la faute réside dans le comportement d’un individu, alors que la bonne foi est la norme en vertu de laquelle on juge ce comportement. Ainsi, la notion de bonne foi lorsqu’elle est notamment envisagée comme critère d’application de l’abus de droit, devient un standard pour évaluer s’il y a faute.

II - La répercussion de la notion de bonne foi :

Nous avons déjà dit que la bonne foi a deux acceptions différentes ; la bonne foi statique qui est intimement reliée à l’attitude psychologique de la personne ignorante d’un fait, et qui vise à lui faire profiter de son ignorance, à condition que celle-ci ne revête pas le caractère d’une faute, et la bonne foi dynamique qui implique non un comportement passif, mais une certaine collaboration, voire une entraide entre parties au procès.

Cette obligation d’entraide n’a pas une incidence sur le sort des intérêts des parties. Bien au contraire, elle garantit un exercice approprié du droit d’agir en justice, en lui attribuant la notion de la loyauté comme une condition fondamentale pour atteindre l’équité, notamment que l’abus est inacceptable dans le domaine juridique.

Etant donné que la bonne foi est présumée, c’est à celui qui évoque la mauvaise foi de l’établir, mais cette charge de preuve se détermine selon l’aspect de la bonne foi concernée, soit comme une croyance erronée, soit comme une norme de comportement, car le demandeur doit dans le premier cas prouver que l’autre partie connait effectivement la réalité des faits qu’elle feint ignorer, alors que dans le deuxième cas, il est demandé de démontrer l’excès du comportement que le juge évalue en ayant recours souvent à la notion de loyauté.

A - La mauvaise foi - connaissance prouvée :

Comme la bonne foi subjective est une erreur sur l’irrégularité d’un acte ou d’une situation juridique qui fait profiter à son porteur, le fait de prouver la mauvaise foi dépend de démontrer la connaissance effective du demandeur de cette irrégularité qui la néglige intentionnellement.

Alors la mauvaise foi se rapproche vraisemblablement en ce sens de l’aveuglement volontaire, puisqu’elle résulte de la conscience du fait que l’on agit à l’encontre du droit. A cet égard, la jurisprudence considère

« la mauvaise foi plus qu’une simple faute ou négligence. Elle emporte, en principe, la connaissance effective de la réalité ».

Il en découle que la partie qui invoque la connaissance de l’autre d’un fait devra en faire la preuve, étant donné que la bonne foi est toujours présumée selon l’article 477 du code des obligations et des contrats, et par corollaire, la personne qui bénéficie de cette présomption est dispensée de toute démonstration, à moins qu’elle ne soit pas réfutée. Dans cette condition, le fardeau de preuve est renversé, et le bénéficiaire se trouve dans l’obligation de défendre sa bonne foi par une contre preuve, en vue de démolir les éléments constitutifs des allégations de l’autre partie et continuer à bénéficier de cette présomption.

L’exemple le plus notoire à ce propos est celui du copropriétaire qui intente une action en justice pour préempter la quote-part vendue d’un immeuble immatriculé à un tiers par un co-indivisaire. En l’occurrence, le préempteur est présumé ignorant de la vente de cette partie de l’immeuble indivis, et par conséquent il bénéficie d’un délai d’un an pour exercer la préemption à partir de la date d’immatriculation.
Pour que le défendeur démontre la mauvaise foi du demandeur, il doit prouver que ce dernier a été notifié par lui d’une copie du contrat d’achat qu’il a reçu personnellement. Dès lors sa connaissance de ce fait est affirmée, et sa demande de préemption sera rejetée pour motif d’exercer ce droit hors le délai légal de 30 jours, suivant la réception de la notification.

Ainsi, quand il s’agit de la vente des droits indivis d’un immeuble non immatriculé, le préempteur perd son droit, si l’acquéreur fait preuve que ce dernier était au courant de la vente, mais il n’y a pas réagi qu’après expiration du délai d’un an à partir de sa connaissance.

Dans le même sens, en matière d’assurances de personne, le demandeur (l’assuré) est considéré de mauvaise foi, et perdra le droit à recevoir l’indemnité d’assurance de la part du défenseur (l’assureur) en réparation du préjudice subi par lui, dès lors que ce dernier aura établi que le premier était au courant de sa maladie, dont il poursuivait le traitement avant la souscription du contrat d’assurance, et malgré sa connaissance de cette réalité, il a faussement déclaré qu’il était de bonne santé le jour du contrat, de façon à diminuer le risque aux yeux de l’assureur. Le juge a déclaré, pour les raisons précédentes, et après avoir constaté la mauvaise foi du demandeur, la nullité du contrat d’assurance et par suite le mal-fondé de la demande et l’a rejetée.

On en déduit que la négligence voulue prend dans les deux exemples la forme d’un mensonge par omission, parce que le demandeur dissimule sciemment sa connaissance des faits qui ne servent pas son intérêt au procès, en manquant à la notion de loyauté comme une exigence qui oblige implicitement les deux parties à se comporter conformément aux règles de l’équité.

B - Excès de comportement - notion de loyauté :

La bonne foi objective exige que celui qui exerce son droit ne dérive pas de son comportement aux normes de la personne raisonnable. C’est-à-dire, qu’il ne suffit pas que le justiciable ait une intention de ne pas nuire, mais il devra concrétiser cette intention tout au long de la procédure, en s’abstenant de prendre toute démarche qui va à l’encontre de la moralité, de la loyauté et nettement des exigences de la bonne foi, sous peine d’engager sa responsabilité civile.

Alors, la bonne foi joue ici une fonction limitative qui consiste à poser des limites à l’exercice d’un droit lorsqu’un tel exercice dépassant le degré de la légitimité constituerait un abus de droit, dont l’existence ne nécessitera pas forcément qu’il ait une intention à nuire. A ce propos, la cour de cassation française admet que

« l’abus de droit d’agir puisse être retenu sans que la preuve d’un acte de malice ou de mauvaise foi soit nécessairement rapportée ».

Ainsi, l’abus de droit d’agir en justice peut avoir lieu devant le juge du fond comme devant le juge des référés, et en première instance, aussi bien que dans le cadre des voies de recours. De même, il peut être commis parallèlement ou séparément par les deux parties durant toute la procédure.

A titre illustratif, je cite à cet égard la décision de la cour de cassation marocaine qui affirme que

« le fait d’insérer la requête une adresse fictive du défenseur, pour le priver de se défendre pendant un degré de juridiction, s’oppose au principe d’ester en justice avec bonne foi, conformément aux dispositions de l’article 5 du code de procédure civile, et que cet incident de procédure a une relation forte avec le respect des droits de la défense qui est considéré comme essentiel ».

Il en ressort que l’abus de droit d’agir en justice pourrait porter atteinte aux principes fondamentaux de la procédure, en privant les deux parties ou chacune d’eux d’en bénéficier. Alors, pour assurer cet équilibre procédural, et en même temps réprimer cet abus, le juge fait parfois recours à la notion de loyauté pour mesurer le comportement processuel des plaideurs, en examinant les faits et les circonstances de chaque situation sur laquelle il doit se prononcer.

En effet, le perdant qui fait appel d’un jugement, dont il est convaincu de sa véracité, juste pour se soustraire de ses obligations, ou du moins pour en retarder l’exécution, se comporte d’une façon déloyale, en usant de ce droit contrairement à son objectif initial. Portant, l’exercice des voies de recours reste toujours un droit au plaideur, à moins que celui-ci n’ait établi son recours sur des moyens sans fondement juridique sérieux. Ce qui ne peut être qualifié qu’un recours abusif, donnant lieu à des dommages- intérêts pour le défendeur.

La loyauté exige également aux plaideurs de se collaborer pour que chacun d’eux puisse bénéficier des avantages qu’offre la procédure civile. Par exemple, au niveau d’enquête, le demandeur est obligé de ne pas amener des faux témoins, ainsi le défendeur doit proposer ses reproches contre un témoin droitement, sans avoir recours à des manœuvres frauduleuses, en déposant à titre d’exemple une plainte contre lui au cours de la procédure pour prétendre certaine hostilité entre eux. A ce propos la cour d’appel de Rabat déclare que

« l’objectif de l’article 63 du code de procédure civile est de permettre aux parties au procès de contrôler le travail de l’expert et exprimer leurs observations sur l’expertise. Les deux parties doivent se collaborer pour arriver à cette fin, en donnant un aspect apparent à leur bonne foi ».

Par conséquent, la loyauté est utilisée par les juges comme critère pour évaluer la bonne foi des parties au cours de la procédure civile, et réprimer par corollaire tout comportement qui excède la norme raisonnable, en se servant de la justice, qui doit en principe rendre la justice, pour arriver à ses fins immorales, qu’on peut résumer au moins dans le fait de faire mobiliser à la victime tous les moyens nécessaires (défenseurs, finances, temps, etc.), de lui faire subir un stress et de porter atteinte à son honorabilité.

Conclusion :

Pour récapituler, la notion de bonne foi malgré son appartenance au domaine de la moralité qui reste un domaine flou et difficile à cerner, son insertion en matière de droit était une nécessité pour restreindre le comportement des individus et le rendre conforme à l’esprit de la loi qui considère que les gens sont égaux et exige une application neutre de ses dispositions.

Ainsi, il paraît utile d’introduire cette notion dans la procédure civile, en l’érigeant en une règle obligatoire, dont sa violation pourrait entraîner la responsabilité civile de son auteur, en tenant compte de la nature du procès où les intérêts s’opposent et l’égoïsme ne se fait pas prier. Alors, le fait d’entretenir la moralité au droit via la notion de bonne foi met en œuvre les différents principes généraux du droit pour arriver à établir un équilibre entre les impératifs antagonistes dans la procédure.

De même, l’équité exige que chacun reçoive le même traitement lorsqu’il ne vise de son comportement que nuire aux autres. Par ailleurs, on ne peut pas le sanctionner à cause de son ignorance, tandis que cette dernière comme une facette de la bonne foi est toujours présumée, et celui qui prétend le contraire doit le prouver. Pour cette raison, certaine doctrine précise que la bonne foi est un instrument d’application de l’équité.

La loyauté intervient aussi pour punir tout mauvais comportement qui pourrait prendre dans certains cas un manquement au devoir de coopération, selon lequel les parties doivent s’abstenir d’abuser de leur droit d’agir en justice. Ce dernier étant à utiliser avec mesure. Ce qui amène la doctrine à être d’accord à l’unanimité sur la fonction limitative de la bonne foi.

Ces fonctions se multiplient quand on parle de la bonne foi en droit des contrats.

Alors, quelles sont ces fonctions ? Et en quoi consistent-elles ?

Tariq Boukhima Docteur en Droit [->kabbajme315@gmail.com]
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