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Vente aux enchères d’un fonds de commerce après liquidation judiciaire. Par Jonathan Durand et Donato Sirignano, Avocats.
Parution : mercredi 21 octobre 2020
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En cas de vente aux enchères d’un fonds de commerce, à la suite d’une liquidation judiciaire d’une société, le potentiel acquéreur doit notamment se focaliser sur deux points :
- les clauses du bail commercial ;
- le sort des salariés.

1 – Due diligence du bail commercial.

En principe, le point d’attention principal concerne la clause de solidarité inversée, celle par laquelle le cessionnaire (acquéreur) est solidaire des dettes locatives du cédant (ancien preneur des locaux) envers le bailleur.

Pour se prononcer sur un risque, le potentiel acquéreur devra distinguer la cession du fonds de commerce intervenant dans le cadre d’un plan de cession ou non (actif isolé).

Dans le premier cas (plan de cession), l’article L641-7 précise que « Par dérogation, toute clause imposant au cessionnaire d’un bail des dispositions solidaires avec le cédant est réputée non écrite ». La clause de solidarité inversée sera donc réputée non écrite (si la procédure a été ouverte postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi pacte).

Dans le second cas (actif isolé), c’est l’article L641-12 qui reçoit application : « Le liquidateur peut céder le bail dans les conditions prévues au contrat conclu avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s’y rattachent. En ce cas, toute clause imposant au cédant des dispositions solidaires avec le cessionnaire est réputée non écrite ». L’on comprend que seule la clause de solidarité dite « classique » (et non pas inversée) est visée. Dans ce cas, le cessionnaire sera responsable des dettes du cédant si le bail stipule une clause de solidarité inversée.

Par ailleurs, la due diligence du bail commercial portera également (sans que cette liste ne soit exhaustive) sur :
- les clauses intuitu personae (celles qui ne sont accordées qu’à l’ancien preneur et non à son successeur) ;
- la tacite prorogation du bail de plus de 12 ans ;
- le sort du dépôt de garantie en cas de cession ;
- les faits générateurs de résolution du bail antérieurs à la procédure collective ;
- les garanties sollicitées par le bailleur (cautions, garanties à première demande, etc.).

2 – Due diligence des contrats de travail.

Le potentiel acquéreur devra être vigilant sur les charges que représentent les salariés (exemple : salarié faisant valoir ses droits à la retraite) et les évaluer précisément.

A ce titre, il est indiqué que les licenciements intervenus en vertu d’un jugement de liquidation judiciaire pourront être annulés selon l’application ou non de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020.

Depuis la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 [1], d’application temporaire, en cas de cession d’un fonds de commerce réalisée en application de l’article L. 642-19 du Code de commerce, l’article L1224-1 du Code du travail n’est pas applicable aux contrats de travail rompus en application du jugement ouvrant ou prononçant la liquidation judiciaire.

Cela signifie que les licenciements intervenus en vertu d’un jugement de liquidation judiciaire ne pourront pas être remise en cause.

Pour autant, il subsiste une priorité de rembauche selon l’article L1233-45 du Code du travail.

Pour en bénéficier, d’une part, le salarié licencié devra informer son employeur, dans l’année qui suit la rupture de son contrat de travail, de son souhait de profiter de cette priorité.

D’autre part, les emplois proposés devront :
- être disponibles (CDI, CDD, intérim) ;
- être compatibles avec la qualification du salarié.

Etant précisé que cette priorité :
- s’appliquera également si l’emploi est proposé par l’entreprise ou le groupe recrutant sur un poste commun ;
- s’appliquera même si le salarié a retrouvé un emploi ;
- ne s’appliquera pas si le poste qui se libère est pourvu par un recrutement interne.

En cas de non-respect de la priorité de réembauchage, la sanction consiste en l’octroi d’une indemnité au salarié :
- qui ne peut être inférieure à un mois de salaire [2] sauf le cas où le salarié concerné a moins de deux ans d’ancienneté ou lorsque l’effectif est inférieur à 11 salariés [3] ;
- qui peut être plus élevée (que l’indemnité d’un mois de salaire) si le salarié justifie d’un préjudice particulier [4].

Hors application de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, il existera un risque supplémentaire puisqu’un licenciement intervenu en vertu d’un jugement de liquidation pourra être annulé.

Jonathan Durand, Avocat [->contact@jonathandurandavocat.com] Donato Sirignano Avocat européen aux barreaux de Paris et de Benevento (Italie) [->sirignano.donato@gmail.com]

[1Article 40.

[2Article L. 1235-13 du Code du travail.

[3Article L. 1235-14 du Code du travail.

[4Article L. 1235-13 du Code du travail.