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Faut-il faire évoluer le statut du médiateur ? Par Benoit Henry, Avocat.
Parution : vendredi 23 octobre 2020
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La médiation participe à la résolution des conflits en tant que facteur de cohésion et de paix sociale, il paraît donc indispensable de garantir la qualification et la qualité du médiateur, ce qui confirme la nécessité d’une évolution des textes.

Les formations à la médiation sont actuellement très diverses tant par leur durée, leur contenu que leur intitulé.

Or, la qualité du processus de médiation dépend très largement de la formation suivie par le médiateur et de ses qualités humaines.

1 – La loi est encore inégalement précise quant à la formation, aux compétences et qualifications attendues des médiateurs.

Pour l’heure, le Code de Procédure Civile ne fournit que des critères minimum.

L’article 1532 du Code de Procédure Civile précise que le médiateur conventionnel peut être une personne physique ou morale à l’instar du médiateur judiciaire.

Il y a donc une grande liberté de choix pour laquelle deux conditions sont tout de même exigées car le médiateur doit :
-  ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance mentionnée sur le Bulletin n°3 du casier judiciaire ;
-  posséder, par l’exercice présent ou passé d’une activité, la qualification requise eu égard à la nature du différend ou justifier selon le cas, d’une formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation ;

La première condition ne pose guère de difficulté, car elle assure la probité du tiers indépendant et impartial.
On relèvera simplement que l’article L 131-5 du Code de Procédure Civile concernant le médiateur judiciaire est plus précis et exigeant. Il exige que le médiateur n’ait pas été l’auteur de faits contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes moeurs ayant donné lieu à une sanctions disciplinaire ou administrative.
Il rappelle aussi qu’il doit présenter les garanties d’indépendance nécessaires à l’exercice de la médiation.

La seconde est plus complexe qui pose une alternative là où l’article L131-5 du Code de Procédure Civile impose un cumul pour le médiateur judiciaire.

2 – Il n’existe aujourd’hui aucun statut légal impératif du médiateur.

L’imprécision actuelle des textes et la diversité des pratiques au regard de la garantie de compétence offerte aux candidats à la médiation militent pour un débat sur le contenu de cette notion et sans doute pour une évolution des textes sur ce point.

En effet devenir et être médiateur exige une formation appropriée indispensable quelle que soit l’origine professionnelle de chacun pour acquérir la singularité de cette compétence.

Le recrutement judiciaire du médiateur relatif à la liste des médiateurs auprès de la Cour d’Appel ne garantit pas non plus des qualités du médiateur. Les magistrats en charge de l’établissement de ces listes ont eu à vérifier des centaines de candidatures sans aucune autre garantie que celle du décret sur les qualités du médiateur relavant de critères minima de probité, formation ou expérience adaptée à la pratique de la médiation, sans aucune autre condition.

La récente jurisprudence de la Cour de Cassation par plusieurs arrêts souligne les difficultés à garantir la qualification et la qualité du médiateur, ce qui confirme la nécessité d’une évolution du texte.

Bien qu’aucune obligation de résultat ne soit dictée par la pratique ou les textes, l’un des moyens in fine de la médiation consiste à déterminer la qualité de cette dernière et du médiateur en charge de la mission, au nombre d’accords aboutis. Or, les médiateurs sont tenus par une obligation de moyens dans la mesure où le bénéfice de la médiation ne repose pas sur la seule concrétisation de l’accord.

Est préoccupante également la responsabilité conférée au médiateur intervenant en médiation judiciaire d’établir un constat d’accord, risquant de le propulser dans la responsabilité de rédacteur d’acte sous seing privé, sans aucune couverture professionnelle. Ce risque existe aussi en médiation conventionnelle.

La rédaction de l’article 131-12 du Code de Procédure Civile loin de clôturer les questionnements sur la nature juridique de l’accord de médiation, amplifie les analyses divergentes et surtout ne résout en rien l’aspect spécifique de l’accord ainsi établi par le médiateur. Le médiateur ne dispose d’aucune protection en la matière.

Le médiateur doit pouvoir bénéficier d’une assurance professionnelle au même titre que d’autres professionnels quant précisément cette dernière est l’une des conditions du recrutement du médiateur. Ses assurances responsabilité civile classique, soit de son autre activité professionnelle, soit de son employeur sont-elles suffisantes et appropriées ? Une évolution du statut permettrait de régler ces questions de responsabilités

Benoit HENRY, Avocat [->http://www.reseau-recamier.fr/] Président du Réseau RECAMIER Membre de GEMME-MEDIATION https://www.facebook.com/ReseauRecamier/
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